Au cœur de l’hiver pyrénéen, par 1000m d’altitude, la nouvelle avait réchauffé le cœur des (rares) fans locaux de ballon rond. Alors que le club du FC Andorre végétait depuis des années dans les divisions inférieures du football catalan, en proie à d’importantes difficultés financières, apparaissait un sauveur, un repreneur: Gerard Piqué, l’emblématique défenseur du Barça et de la Roja, businessman averti avec sa société Kosmos.

Epongeant une dette de 200.000 euros comme on règle un demi au comptoir, Piqué avait plié l’opération fin décembre, en quelques semaines seulement, accueilli à bras ouverts par l’assemblée générale du club. Pour le FCA, le joueur représentait une incroyable opportunité de médiatisation et de développement. Pour le défenseur, le FC Andorre incarnait un club accessible, enregistré auprès de la fédération espagnole, proche de sa Catalogne chérie, et qui bénéficiait en plus d’une fiscalité avantageuse. De quoi donner des idées folles au triple vainqueur de la Ligue des champions, qui très vite, avait parlé de professionnalisme, et même… de Coupe d’Europe. Mais neuf mois plus tard, où en est le projet du FC Piqué?

Deux accessions… en une saison

Sportivement, on peut dire que le FCA sauce Kosmos ne perd pour le moment pas de temps. Largement distancé à la trêve hivernale, dans sa poule de cinquième division, le club a profité de premiers renforts pour réaliser une deuxième partie de saison affolante (aucune défaite à partir de janvier), finir en tête, et valider ainsi sa montée au quatrième échelon devant plusieurs centaines de spectateurs. C’était fin mai, et ce n’était qu’un début…

Quelques semaines plus tard, en juillet, Piqué a décidé de jouer sur tapis vert. Le club catalan de Reus, pensionnaire de D3, ayant déposé le bilan, une place s’est soudainement libérée au niveau supérieur. Or, dans ces cas-là, les instances espagnoles permettent à une autre équipe d’acheter, littéralement, son ticket pour remplacer la formation exclue. Ça tombait bien, le FC Andorre avait de l’argent à dépenser: en signant un chèque de 450.000 euros cette fois-ci, le nouveau boss a donc offert à son club une deuxième montée express.

Voilà pourquoi, depuis la reprise, le FCA évolue dans le Groupe 3 de Segunda B (D3 espagnole, donc), aux portes du monde professionnel. Et pour le moment, il n’y est pas ridicule: malgré une défaite initiale contre la réserve de l’Espanyol, le club d’Andorre-la-Vieille a enchaîné par deux succès, se retrouvant ainsi 5e de sa poule, avec deux points d’avance sur l’équipe B… du Barça. Encourageant donc, mais loin d’être une finalité pour le patron: « Il s’agit d’emmener Andorre le plus vite possible dans le football professionnel, expliquait le directeur sportif Jaume Nogués Llorens à L’Equipe en juin. Gerard l’a dit lui-même: le but, c’est de jouer la Ligue des champions. »

Des recrues, mais de moins en moins de joueurs andorrans

Pour obtenir de tels résultats en si peu de temps, l’écurie pyrénéenne n’a pas révolutionné le football: elle a recruté, à la pelle, des joueurs de divisions supérieures. Des joueurs intéressés par les conditions salariales, mais aussi par le projet. Car Piqué a placé des hommes à lui à la tête de l’équipe, et notamment le coach: Gabri, ancien milieu du Barça (2001-2006) et vainqueur de la Ligue des champions 2006, ex-formateur à la Masia, le centre de formation blaugrana. Dans le sillage du technicien, une dizaine de joueurs sont arrivés dès l’hiver, et une quinzaine ont suivi cet été, dont le défenseur français Mickaël Gaffoor, passé par de nombreux clubs espagnols, ou l’expérimenté Javi Martos, qui évoluait encore à Charleroi (D1 belge) la saison dernière.

Mais cette arrivée en masse de nouveaux éléments a forcément quelques conséquences… Alors que le FC Andorre était il y a peu le réservoir principal de la sélection nationale, seulement trois joueurs du club apparaissaient samedi soir sur la feuille de match de Turquie-Andorre (1-0). Et ils ne sont a priori pas des cadres aux yeux de Gabri.

En mars dernier, le capitaine de la sélection Ildefons Lima avait été le premier à tirer la sonnette d’alarme quant à la disparition des joueurs locaux dans les rangs du FCA, après être tombé sur une composition où n’apparaissaient que des étrangers. « Honnêtement, je ne m’attendais pas à voir un onze du FC Andorre sans Andorran dès la première année (de l’ère Piqué), et surtout en première division catalane, déplorait-il sur les réseaux sociaux. J’espère que ce n’est qu’un hasard… »

Ce n’en était pas un, et malgré une soi-disant clause signée par Piqué pour aligner des joueurs du cru, la tendance ne va pas s’inverser. « C’est partout pareil. A Paris, à Madrid, on prend les meilleurs, observait il y a peu auprès de l’AFP Marc Pujol, ancien international. C’est le chemin du professionnalisme. Mais il faut travailler avec les petits (les jeunes), on sera contents si on a deux ou trois bons pros dans dix ou quinze ans. »

Une pépinière en projet

En parlant de jeunes, Gerard Piqué a visiblement un plan en tête. S’il a fait venir des joueurs extérieurs pour renforcer l’équipe à court terme, le pur produit blaugrana a bien l’intention de faire du FCA une filière de formation. Enfin, pas vraiment du FCA en lui-même. Fin juillet, non content de posséder déjà un club, Piqué a fait l’acquisition d’une deuxième formation: le Gimnastic Manresa. Avec l’objectif annoncé d’en faire la pépinière de son premier club. Tandis que le FC Andorre ne compte ni réserve, ni aucun véritable programme de formation, le Gimnastic est lui « réputé » pour cela, et possède une équipe en première division catalane chez les jeunes. Un bon vivier, donc.

En parallèle, Piqué veut d’ailleurs faire grandir son club sur d’autres aspects. Le défenseur, entre deux matches avec le Barça, est parti en quête de nouveaux sponsors, il a attiré des proches dans son aventure – Messi aurait quelques parts de l’écurie andorrane – et aurait désormais l’intention de bâtir un tout nouveau stade, pour remplacer le petit synthétique de Prada de Moles et ses 500 places. Et peut-être que dans cinq, ou dix ans, les visiteurs franchiront les frontières de la principauté pour autre chose que ses pistes de ski et ses cigarettes bon marché.

https://rmcsport.bfmtv.com/football/france-andorre-neuf-mois-apres-son-achat-ou-en-est-le-fc-pique-1764090.html

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