Des enfants en larmes, des femmes et des personnes d’un certain âge courant pour échapper aux gaz lacrymogènes lancés par les forces de l’ordre, le tout en pleine nuit. Depuis quelques heures maintenant, d’inquiétantes vidéos tournent en boucle sur les réseaux sociaux, relayées par des amoureux de tous clubs, de Bordeaux à Saint-Etienne en passant par Paris et Montpellier. Des passionnés de ballon qui, unanimement, s’indignent du traitement infligé à leurs homologues nîmois.

Samedi, alors que les fans de l’OM présents au Vélodrome ont plutôt vécu un bon moment de football, avec la victoire de Dimitri Payet et des siens face aux Crocos (3-1), plusieurs centaines de supporters gardois ont en effet vécu de leur côté une soirée cauchemardesque. Pas parce que leur équipe a perdu, non, mais parce que leur déplacement de Nîmes jusqu’à Marseille – l’un des plus courts de la saison – a tourné au calvaire.

Un départ de Nîmes à 400 ou 450

Pour comprendre l’origine d’un tel fiasco, il faut se référer à un arrêté pris par la préfecture de police des Bouches-du-Rhône la semaine passée. A quelques jours du match OM-Nîmes, cette dernière a choisi de n’autoriser que 200 supporters nîmois à se déplacer au stade, interdisant à tous les autres d’accéder au Vélodrome « et de circuler ou de stationner sur la voie publique dans les 1er, 2e, 6e, 7e et 8e arrondissements de la commune de Marseille ».

Sauf que les supporters nîmois, comme l’avait annoncé un communiqué commun des Gladiators et des Nemausus – les deux principaux groupes – ont décidé d’envoyer plus de 200 personnes chez le voisin olympien. Samedi après-midi, ce sont ainsi 400-450 fans, répartis dans une dizaine de cars, qui ont pris la route depuis le stade des Costières, lieu de rendez-vous. Parmi eux, un certain nombre d’enfants, le voyage se voulant plutôt familial en cette période de Fêtes.

« On en avait marre de toutes ces interdictions, donc on a décidé d’y aller à plus de 200, témoigne pour RMC Sport Embarek, présent dans l’un des véhicules. On avait payé uniquement le déplacement, et on devait ensuite payer notre place en arrivant au stade. » Franck*, l’un des responsables des Gladiators, explique plus précisément la démarche: « L’idée était d’aller jusqu’à l’aire de Lançon-Provence, et de négocier avec les autorités. C’est exactement ce qu’on avait fait pour le déplacement à Nice la saison dernière. On n’avait que 100 places, mais on était parti à 400, et on avait pu négocier facilement. Tout le monde était passé, et tout s’était très bien déroulé. » Cette fois, l’issue fut bien différente.

A Lançon, deux heures d’attente et des négociations vaines

« On est parti des Costières et dès le péage d’Arles, on a eu une escorte policière, raconte Sébastien, l’un des chauffeurs de bus. De tous les déplacements auxquels j’ai participé, c’est la première fois que je vois ça. Donc on a été escortés du péage d’Arles au péage de Lançon. » Où les forces de l’ordre, présentes en nombre (une dizaine de fourgons, selon les témoins), ont rappelé aux Nîmois le seuil de 200 supporters autorisés à gagner le Vélodrome.

« Ils nous ont dit qu’ils ne pouvaient laisser passer que 139 personnes sur les 400 présentes, un car étant déjà passé plus tôt dans l’après-midi, poursuit Franck. Mais nous on leur a dit: ‘Soit on y va tous, soit on n’y va pas’. Des négociations interminables ont donc commencé avec la préfecture et la police. On nous a fait poireauter pendant deux heures. Il n’y avait pas d’animosité mais les consignes étaient très, très dures. »

Ce que confirme Embarek: « On a été traités de manière honteuse, estime ce jeune supporter. On n’avait pas le droit de sortir des bus, il y avait deux CRS pour nous surveiller par véhicule. Il a fallu attendre trente minutes pour enfin pouvoir aller aux toilettes, mais seulement deux par deux, et il a fallu attendre une heure et demi pour avoir le droit de se dégourdir les jambes sur l’aire de repos… »

Au bout de deux heures, réalisant qu’ils n’auront pas gain de cause, et que le coup d’envoi du match approche (il est environ 20h), les responsables de groupe décident donc de renvoyer tout le cortège vers le point de départ, le stade des Costières.

Un convoi stoppé… au milieu de l’autoroute

C’est sur le chemin du retour, entre le péage de Lançon-Provence et Nîmes (77 kilomètres seulement) que le déplacement, en plus de la déception, prend une tournure plus violente. « Sur le trajet pour rentrer, l’un des responsables des Gladiators m’a demandé si l’on pouvait aller voir le match dans un bar, glisse Sébastien, le chauffeur. Pour moi il n’y avait pas de problème, l’interdiction de déplacement touchant seulement le Vélodrome et ses environs. Mais quand a voulu sortir à Salon-de-Provence, la police nous a bloqué la voie. Quelques minutes plus tard, j’ai voulu faire une petite pause pour que les filles aillent aux toilettes, et là encore les policiers nous l’ont empêché. » Le début des problèmes.

« Dans la foulée, les policiers ont mis les voitures en travers, ils nous ont stoppés en plein milieu de l’autoroute, et sont sortis avec les boucliers, en se mettant devant les deux portes du bus, s’étonne encore Sébastien. Ils ont mis un coup sur la vitre, j’ai donc ouvert, et là j’ai pris un coup de matraque… J’ai d’ailleurs un bel œuf sur la main, j’ai prévu d’aller faire constater ça par un médecin. Ils ont aussi balancé une bombe lacrymo à l’intérieur de mon bus, et plusieurs personnes ont été frappées à l’arrière. » Certains témoins évoquent même une grenade de désencerclement lancée dans le véhicule.

« Moi j’étais dans le bus juste devant, au moment où ils ont été pris à partie, abonde Embarek. Ils s’en sont pris au chauffeur, ils ont balancé une grenade au milieu de son bus. Un autre bus plus loin a aussi été gazé, mais vu qu’il y avait des enfants à l’intérieur, ils ont dû les faire sortir au milieu de l’autoroute, même pas sur la bande d’arrêt d’urgence. C’était totalement inconscient, et totalement inconcevable de voir ça. » Après plusieurs minutes chaotiques, et un énorme bouchon provoqué, le convoi repart. « A 65km/h, pas plus », soupire Sébastien.

Un retour aux Costières qui dégénère

A cette allure, c’est donc sur les coups de 23h que la dizaine de cars et son escorte policière – toujours présente – arrivent en terre nîmoise, sur le parking des Costières. Et c’est peu après que la deuxième salve d’incidents, celle des vidéos, débute.

« Les policiers se sont rangés devant les portes latérales de mon véhicule, a priori pour récupérer un Nîmois, qui n’était même pas dans ce bus finalement. Et ça s’est encore enflammé », explique Sébastien à RMC Sport. « Les gens étaient dégoûtés, et discutaient un peu avant de rentrer chez eux, se souvient Embarek. Et d’un coup les CRS ont fait une rangée devant un bus. Et là ils ont gazé sans aucune raison, avec des femmes et des enfants à deux ou trois mètres. Il n’y avait aucun discernement, tout le monde y a eu droit. Le père d’un ami à moi s’est fait frapper au sol par quatre CRS, alors qu’il a 50 ans, et que c’est juste un père de famille. Il était juste au mauvais endroit… »

Sébastien, qui livre un récit similaire, ne s’explique pas une si soudaine escalade. « Il n’y a pourtant eu aucune violence de la part des groupes de supporters nîmois, martèle le conducteur. Avec l’effet de l’alcool, il y a eu quelques ‘chahutages’ disons, quelques provocations verbales, mais c’est tout. » Franck, qui évoque une interpellation, approuve: « A ce moment-là, avec l’aigreur et la colère, il y a eu un peu de riposte forcément, mais rien de méchant. Et au milieu de ça des femmes et des enfants courraient. Pour des dizaines de gosses, pour qui c’était le premier déplacement, c’est le traumatisme complet. C’était juste avant Noël, à proximité de Nîmes, ce devait être un beau cadeau pour eux. Ils n’ont même pas vu le match et se sont fait gazer », dénonce le responsable des Gladiators, qui regrette aussi « le mutisme » du club jusqu’à présent.

Embarek n’en pense pas moins. « Je fais régulièrement des déplacements depuis deux ou trois ans, dit-il. Là c’était mon sixième de la saison, et c’est vraiment la première fois que je vois ça. Alors qu’on voulait juste voir un match de foot. Un match de foot, c’est tout. C’est ça qui me rend malade. » La préfecture de police des Bouches-du-Rhône n’était pas joignable ce dimanche, malgré les tentatives de RMC Sport, pour donner sa version des faits.

*Le prénom a été modifié

https://rmcsport.bfmtv.com/football/femmes-et-enfants-gazes-pas-de-match-le-deplacement-cauchemar-des-supporters-nimois-a-marseille-1828842.html

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.