Auteur d’un excellent début de saison en Ligue 1 avec trois succès en quatre matchs, l’OGC Nice se déplace ce samedi (20h) sur la pelouse de Montpellier lors de la cinquième journée de championnat. Pour l’instant, le groupe entraîné par Patrick Vieira a obtenu des résultats en adéquation avec les objectifs affichés par le nouveau propriétaire du club, l’entreprise Ineos. Après quelques mois de négociations, et moyennant un chèque d’environ cent millions d’euros, le géant britannique de la pétrochimie est devenu le nouvel actionnaire majoritaire de l’équipe azuréenne à la fin du mois d’août et entend désormais l’installer dans le Top 4 du football français.

Depuis la reprise par les frères Jim et Bob Ratcliffe, tout s’est rapidement enchaîné pour les Aiglons. Après l’intronisation d’Ineos comme nouveau sponsor maillot, l’équipe première a enregistré les arrivées de plusieurs noms ronflants en fin de mercato. Kasper Dolberg, Alexis Claude-Maurice, Stanley Nsoki, Adam Ounas et Hichem Boudaoui ont ainsi débarqué sur la Riviera contre un peu plus de 50 millions d’euros.

Fort de ce recrutement d’envergure, les supporters locaux n’ont pas manqué d’exprimer leur joie de voir un nouvel actionnaire ambitieux débarquer à l’OGC Nice. Vu comme une bénédiction par beaucoup, Jim Ratcliffe a choisi de miser sur les Aiglons en raison de sa passion pour le football ainsi que de son amour pour le sud de la France. Pourtant, par le passé, l’homme d’affaire britannique avait d’abord ciblé un joyau de la Premier League, Chelsea. « Nous avons passé beaucoup de temps à regarder et examiner les clubs de Premier League, a même expliqué son frère Bob cette semaine auprès du journal The Independent. La valorisation des clubs de Premier League […] fait qu’il est assez difficile de rationaliser les achats dans ce championnat. »

Après l’échec lié à la potentielle vente des Blues, le clan Ratcliffe a porté son dévolu sur Nice et compte bien désormais faire franchir un cap au club. Mais cette prise de pouvoir de l’industriel, homme le plus riche du Royaume-Uni avec une fortune estimée à 24 milliards d’euros, s’accompagne de quelques interrogations et motifs d’inquiétude. Et pour cause, avant les Aiglons, la branche football d’Ineos s’est déjà essayée à la gestion d’un club européen avec le rachat du FC Lausanne-Sport, alors pensionnaire de la première division suisse, à la fin de l’année 2017. Et les débuts d’Ineos de l’autre côté des Alpes se sont révélés désastreux.

Enzo Zidane, symbole des errances et du manque de vécu d’Ineos

En Suisse, la fratrie Ratcliffe avait ciblé Lausanne pour plusieurs raisons. D’abord parce que le siège d’Ineos se situe à une trentaine de kilomètres de Lausanne. Ensuite, la ville représente un marché potentiellement porteur dans le canton de Vaud avec près de 800.000 habitants et donc supporters en puissance.  Enfin, le FC Lausanne-Sport vivotait grâce à un investisseur local arrivé après la faillite et la reconstruction de l’équipe en 2015. Cinquième de la D1 suisse à l’arrivée d’Ineos à la mi-saison, le LS s’est ensuite écroulé.

La faute, sans aucun doute, à la stratégie agressive des nouveaux actionnaires lors du mercato hivernal en janvier 2018. Plusieurs millions d’euros sont alors investis pour recruter des joueurs à la réputation flatteuse comme le buteur Simone Rapp et Enzo Zidane, fils aîné de Zinedine et ancien espoir des équipes de jeunes du Real Madrid. « A leur arrivée, les nouveaux propriétaires ont fait des erreurs standards, assez classiques. Ils ont été tout feu, tout flamme avec un peu d’argent à disposition. L’engagement d’Enzo Zidane, par exemple, était une erreur à mon avis, estime Mathieu Maillard, président d’un groupe historique de supporters. Ce n’était pas le bon profil ni la personne dont le FC Lausanne avait besoin à ce moment-là. Mais il y avait le nom, cela faisait rêver les supporters et probablement aussi un peu le propriétaire. »

Enzo Zidane reste le plus grand flop d'Ineos à Lausanne AFP – Enzo Zidane reste le plus grand flop d’Ineos à Lausanne

Présenté comme la tête de gondole du projet d’Ineos à Lausanne, le milieu offensif français s’est totalement raté. Malgré onze apparitions en six mois, Enzo Zidane n’a pas su dynamiser le jeu de sa nouvelle équipe et ses maigres statistiques (deux buts et une passe décisive) n’ont pas aidé le FC Lausanne à se maintenir dans l’élite du football suisse. Cinquième de D1 à la trêve, le club racheté par Ineos a immédiatement connu la relégation en deuxième division. Enzo Zidane, lui, a été prêté en D2 espagnole lors de la saison 2018-19.

Renaud de Vargas, journaliste en charge de suivre le club pour la radio Lausanne FM, n’hésite pas à tacler à vigueur les débuts d’Ineos dans le club local. Selon lui, les joueurs déjà présents au club ont très mal digéré l’arrivée de nombreuses recrues au sein d’une équipe qui tournait bien en championnat. « Je pense que la situation était proche du catastrophique quand le club a été repris par Ineos. Il y a eu des transferts en masse pour lancer l’équipe mais cela l’a fait couler, a t-il ainsi analysé. Certains joueurs de l’équipe me disaient que ces arrivées avaient plombé un onze titulaire qui fonctionnait bien et qui avait enfin trouvé son alchimie. »

Ineos apprend vite et bien

Après la relégation, Ineos a décidé de restructurer le club et de lui donner les vrais atours d’une équipe professionnelle. La nomination de Pablo Iglesias au poste de directeur sportif est allée dans ce sens et a permis de donner plus d’organisation au projet sportif porté par le géant de la pétrochimie. Autodidacte dans les affaires, Jim Ratcfliffe a déjà prouvé via son entreprise qu’il savait s’adapter et corriger ses erreurs. Après six premiers mois chaotiques en Suisse, les nouveaux propriétaires de Lausanne-Sport ont tranché dans le vif et décidé de travailler plus raisonnablement.

Comme à Nice, Ineos est propriétaire et sponsor du FC Lausanne-Sport DR RMC Sport – Comme à Nice, Ineos est propriétaire et sponsor du FC Lausanne-Sport

Fini les recrutements bling-bling et place à des investissements réfléchis. « Maintenant que l’équipe se trouve en deuxième division, il faut un peu revoir les plans et peut-être évoluer avec plus de joueurs locaux, poursuit Renaud de Vargas pour RMC Sport. Il faut certes chercher des joueurs d’expérience mais il ne faut pas dépenser des sommes astronomiques pour tenter de s’offrir les services de joueurs soi-disant de renom. J’ai l’impression qu’avec cette expérience acquise, Ineos a compris dans quel sens aller. »

Un avis partagé par Mathieu Maillard, lui aussi ravi de la nouvelle stratégie mise en place. « Ce qui est important, c’est que les actionnaires du club corrigent leurs erreurs. Un propriétaire a le droit de se tromper une fois mais pas deux, souligne ce fidèle supporter de LS. Et c’est bien parce que ce n’est pas ce qui se passe à Lausanne. Au contraire, on voit que les premières décisions fortes, comme le fait de garder l’entraîneur ou de resserrer l’effectif, commencent à porter leurs fruits. »

Ineos a professionnalisé l’équipe

La principale réussite d’Ineos depuis son arrivée à la tête du club vaudois reste sans conteste sa faculté à développer et à organiser le club à tous les échelons. « L’arrivée d’Ineos aujourd’hui, ce qu’elle permet d’entrevoir et d’envisager, c’est un vrai projet professionnel, se réjouit Pablo Iglesias pour RMC Sport. Les différents départements au sein du club se sont professionnalisés avec tout un environnement établi autour de l’équipe première. Le staff médical s’est élargi. Maintenant, on peut vraiment parler de structure professionnelle pour la logistique et l’intendance de l’équipe première. »

Andi Zegiri (en violet) lors du derby de Lausanne D.R. Site internet FC Lausanne-Sport – Andi Zegiri (en violet) lors du derby de Lausanne

Et les joueurs, justement, semblent adhérer à cette évolution rapide de leur club vers une structure plus professionnelle. . »On nous a mis à disposition petits-déjeuners de qualité avant les entraînements ou des repas après. Ce sont plein de petits trucs qui te font sentir que désormais le joueur se trouve au centre du projet, insiste Thomas Castella, gardien de Lausanne et présent au club depuis huit ans. On a envie de lui donner le maximum pour qu’il puisse jouer du mieux possible pendant le week-end. » Son coéquipier du milieu de terrain Alexandre Pache s’est également félicité de tous ces changements positifs qui selon lui devraient permettre à l’équipe de s’installer durablement en première division suisse à l’avenir. « Pour l’instant en tout cas, cela prend la bonne direction avec un renforcement dans tous les secteurs comme le staff médical, l’intendance, l’encadrement technique, estime le milieu formé à Lausanne. On a deux ou trois personnes dédiées à 100% pour l’équipe dans chaque domaine. C’est un plus et nous avons vraiment l’impression de nous trouver au sein d’une structure professionnelle. »

L’effectif du FC Lausanne s’est resserré, les joueurs sont chouchoutés par un staff dévoué et les résultats commencent enfin à suivre. Après avoir manqué la montée l’an passé, Lausanne et Ineos ne veulent pas connaître pareille situation et l’équipe première se retrouve provisoirement leader de son championnat après les six premières journées de la saison 2019-20. Prometteur, donc.

Un blason à redorer et un stade flambant neuf à inaugurer

Après avoir reconstruit l’équipe première avec des méthodes dignes des plus grands clubs helvètes, Ineos a poursuivi le développement du FC Lausanne en s’attaquant aux infrastructures et à ses services administratifs. Sur le plan de la communication, le club a rapidement grandi et a renforcé sa présence sur les réseaux sociaux. Interrogé par RMC Sport, Vincent Steenman, le directeur marketing et communication de LS, s’en est félicité et a rappelé l’engagement sans faille de l’actionnaire britannique pour soutenir la croissance du club. « Concrètement, aujourd’huin Bob Ratcliffe est notre président et est présent à Lausanne, précise le dirigeant suisse. Je le côtoie ou échange avec lui par téléphone au moins une fois par jour afin de discuter du quotidien du club. » Même son de cloche pour Alexandre Pache qui a véritablement connu un avant et un après Ineos. « Le club a essayé de se structurer au niveau administratif et dans le marketing, explique le milieu de 28 ans. Le club a aussi beaucoup travaillé pour retrouver ses supporters. Ineos a également essayé de redonner une image positive au club car celle-ci était un peu mauvaise depuis quelques années et la faillite. Et c’était nécessaire. »

Désormais doté d’un cadre à la hauteur des ambitions d’Ineos, le patron de Lausanne a également repris en main le dossier du nouveau stade et a décidé de payer de sa poche l’installation de deux écrans géants, la création d’une zone de stockage sous le terrain et, surtout, plus de loges et de zones d’accueil des supporters. Ineos a pris en charge les frais supplémentaires alors que le canton de Vaud avait déjà validé un projet estimé à près de 60 millions d’euros. La future enceinte de 12.000 places, ce stade de la Tuilière, constituera le nouvel écrin de l’équipe première à partir du mois de mai prochain.

Avec un tel stade, Ineos entend bien lutter pour décrocher une place en Coupe d’Europe d’ici quatre ou cinq ans et le groupe projette aussi de construire un nouveau centre d’entraînement ultra-moderne. « L’arrivée d’Ineos a eu quelques implications pour le projet du stade. Une nouvelle enceinte est actuellement en construction et une série d’équipements supplémentaires ont été souhaités par le nouveau propriétaire du FC Lausanne, confirme Grégoire Junod, l’édile local. On a un peu fait gonfler le projet du nouveau stade mais ces aménagements ont été directement payés par Ineos. »

Lausanne le brouillon, Nice le carton?

Après des débuts difficiles au FC Lausanne-Sport, Ineos semble petit à petit prendre ses marques. En s’appuyant sur des éléments locaux et en restructurant durablement le club suisse, la fratrie Ratcliffe paraît sur le bon chemin. Si bien que la méfiance des premiers mois a désormais laissé place à de la confiance entre les supporters et les dirigeants. Fort de cette expérience mouvementée en Suisse, Ineos devrait pouvoir lancer sereinement son projet sportif à Nice. Plusieurs éléments sont également porteurs d’espoirs pour le futur des Aiglons. Contrairement à Lausanne, le club azuréen dispose déjà d’un stade moderne et adapté à ses ambitions. Idem pour le centre d’entraînement et les services administratifs ou l’encadrement de l’équipe première. Mieux, le retour à la tête de l’OGC Nice des emblématiques Jean-Pierre Rivère et Julien Fournier se veut gage de stabilité et de maîtrise.

Si bien que du côté du FC Lausanne-Sport, on se met déjà à rêver d’un partenariat ambitieux et durable entre les deux équipes appartenant à Jim Ratcliffe. « On ne sait pas ce que l’avenir nous réserve mais j’entrevois déjà de belles synergies et interactions, conclut Pablo Iglesias, le directeur sportif de l’équipe vaudoise. Je vois ces échanges exister dans les deux sens. En particulier pour un jeune joueur de l’OGC Nice à la sortie du centre de formation qui n’aurait pas le temps de jeu nécessaire pour se développer en Ligue 1. »

Pour son nouveau projet en Ligue 1, Ineos voit les choses en grand mais entend bien prendre le temps nécessaire, cinq ans selon les dires de Bob Ratcliffe, pour transformer un club du milieu de tableau du championnat en une véritable institution. Qu’on se le dise, le groupe Ineos est parti pour s’installer durablement sur cette promenade des Anglais si chère aux habitants de Nice.

https://rmcsport.bfmtv.com/football/nice-la-promenade-pas-si-tranquille-des-anglais-d-ineos-a-lausannemais-ca-va-mieux-1766917.html

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