Sa vie n’a jamais tourné autour du seul ballon rond. Maéva Clemaron, vingt-sept ans, est pourtant une footballeuse qui réussit, internationale française à cinq sélections. Mais pas seulement. Diplômée en juin 2017 de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Saint-Etienne, son club de cœur où elle a évolué entre 2008 et 2017, celle qui a débuté avec les Bleues en mars 2018 – elle avait gardé son premier maillot tricolore pour son père, ancien footballeur en D3 à Vienne – gère une carrière d’architecte en parallèle de sa vie dans les stades.

Missions pour une agence ou des particuliers, micro-entreprenariat, la sentinelle défensive passe des pelouses aux croquis avec le même abattage minutieux. Et son autre passion l’a mené à signer un bijou. Pas un but, non. Un vrai bijou. Tout part d’une rencontre. Septembre 2019. Maéva Clemaron vient de disputer la Coupe du monde 2019 en France et de rejoindre Everton, en Angleterre, après deux saisons à Fleury. Un matin, arrivée trop tard à l’aéroport de Manchester, elle rate son avion pour Paris. Le Franco-Italien Stefano Bernabino, ancien journaliste sportif et producteur, fondateur d’une agence de conseil en création, innovation et storytelling dans le sport, aussi.

La plaque des GI américains revisitée

Ils vont attendre cinq heures le prochain vol ensemble, longue conversation qui mène à une collaboration. « Il m’a expliqué qu’il avait créé une marque de bijouterie sportive, raconte-t-elle à RMC Sport. Ça m’a directement inspiré dans l’idée d’un concept de bijou pour soutenir l’égalité hommes-femmes. Il a beaucoup aimé et m’a demandé de faire quelques dessins. » Le projet « My Kee » voit le jour. L’idée? Revisiter la célèbre plaque des GI américains en collier. « Elle est dédiée aux militaires et avait plutôt vocation à être pour les hommes donc on a voulu lui associer des codes plus féminins pour la rendre mixte, explique l’apprentie joaillière. Ce bijou peut donner envie d’être porté à une femme comme à un homme. Sans être féministe dans l’excès, chacun a sa place, chacun a le droit d’exister, et on a besoin les uns des autres. On est dans cette recherche d’équilibre. Tout le monde est libre de ses choix. C’est le sens du message derrière. »

La footballeuse-architecte n’avait jamais imaginé créer un bijou. Mais elle va se prendre au jeu, aidée d’un designer et de l’autre associé du projet, Guillaume Boutry, expérimenté joaillier français qui a travaillé avec de grandes marques du milieu dans plusieurs pays et avait développé des projets de bagues commémoratives pour des clubs de foot avec Stefano Bernabino. Pour Maéva Clemaron, ses six années d’études, où concilier les deux à Saint-Etienne n’était pas toujours facile, et sa profession dans la vie civile vont servir. « J’ai pensé ce collier comme un projet en archi, avec les codes et principes enseignés à l’école, précise celle qui avait avoué qu’elle dessinait mal plus jeune (elle s’est bien rattrapée depuis). Il y avait le côté travail d’équipe, qu’on retrouve en architecture où on n’est jamais seul pour concevoir un projet. C’était le même process. »

Moucharabiehs

Le collier est constitué de deux plaques qui associent différents matériaux « comme (elle) aime faire en architecture ». Une en or ou argent, avec des informations personnelles gravées, l’autre en titane ou acier (avec un diamant), selon la gamme du modèle. « Cette plaque est perforée avec un motif, détaille sa conceptrice. J’adore l’architecture orientale et les façades moucharabiehs, qui te permettent de voir sans être vu. L’idée, c’était de retrouver ça. Cette plaque vient te montrer tes informations personnelles sur l’autre mais sans les laisser voir totalement. » Même travail architectural sur la bélière. « On l’a grossie. Dans les colliers, elle est souvent très petite. On a assumé que ces deux plaques soient connectées par un maillon important. C’est comme une sorte de mousqueton, ça permet de porter son collier avec une plaque ou deux, avec ses informations devant ou derrière. Tu n’as pas un collier mais trois, plusieurs combinaisons possibles. C’était important pour moi car en architecture, les bâtiments sont parfois voués à évoluer, à être revisités, réhabilités, et ce collier fait écho à cette partie de l’architecture. »

Le bijou réalisé, restait à en assurer la promotion. Et quoi de plus logique pour une internationale tricolore que de se tourner vers ses amies footballeuses. Maéva Clemaron souhaitait onze ambassadrices, clin d’œil à son sport. Elles sont finalement six. Cinq proches l’accompagnent: les Françaises Méline Gérard (Betis Séville), Eugénie Le Sommer (Lyon), Sakina Karchaoui (Lyon), Kadidiatou Diani (PSG) et la Néerlandaise Kika Van Es (Twente), qui a joué avec elle à Everton. « Ce sont des amies qui ont les valeurs que j’essaie d’incarner via le projet. Le message est plus fort s’il est présenté en équipe. Elles ont toutes dit oui assez rapidement. »

« Une mise en lumière différente qui peut toujours aider »

Eugénie Le Sommer, la meilleure buteuse de l’histoire de l’équipe de France, auprès de qui sa coéquipière tricolore (rencontrée via une amie commune pour un projet chez elle) avait évoqué pour la première fois la chose lors d’un rassemblement des Bleues en octobre 2019, confirme pour RMC Sport: « Je me suis dit que c’était cool par rapport à son vécu et à l’architecture, un nouveau challenge pour elle. Elle ne pensait peut-être pas faire ça à la base mais ça a abouti. Et c’est un projet qui avait du sens à tous les niveaux, dans le message, le côté équipe. Chaque personne qui participe au projet a un lien avec Maéva. C’est personnel et collectif à la fois. Et quand elle a dessiné le collier, on a tout de suite vu que ça avait un lien avec le foot. La façade ressemble à un ballon. »

Chacune des ambassadrices a choisi ses matériaux, ses couleurs et ses gravures (nom, prénom, numéro, pays, club, mot ou citation de vie) et le grand public pourra reproduire l’un des six colliers des footballeuses ou personnaliser le sien, le tout dans trois gammes de prix (dont une très haute, bijouterie oblige) pour « proposer un collier accessible à un maximum de personnes » dixit la conceptrice: « Je sais d’où je viens et je sais aussi que le football est un sport populaire. Pour moi, c’était important de tenir compte de ça. »

Elle espère aussi compter, à terme, sur des ambassadrices ou des ambassadeurs en plus séduits par le message. « Rien n’est fermé à ce que l’équipe s’agrandisse et qu’on intègre footballeurs, tennismen ou tenniswomen, rugbywomen ou rugbymen, peu importe les parcours ou les choix de vie. C’est justement l’idée que soutient ce projet. » Une autre façon, aussi, de faire parler du sport et du foot féminin. « Chaque projet peut contribuer au développement, confirme Eugénie Le Sommer. C’est une mise en lumière différente qui peut toujours aider. »

https://rmcsport.bfmtv.com/football/bleues-maeva-clemaron-un-bijou-hors-des-terrains-1990848.html

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