« Touche pas à ma bâche ». C’est un peu le mot d’ordre et l’idée forte qui rejaillit, quelques heures plus tard, après la deuxième interruption survenue lors du derby Montpellier-Nîmes, remporté largement par les premiers (3-0). Car c’est à cause d’une bâche que la rencontre a basculé dans l’irréel, entre des supporters héraultais déterminés à envahir le terrain et à récupérer leur bien, volé quelques semaines plus tôt, en plein été, et leurs homologues nîmois, rendus coupable de provocation en exhibant la fameuse bâche, découpée en morceaux avant d’être recollée dans le stade pour faciliter son entrée à la Mosson.

« Je pensais qu’il y aurait de l’ambiance. Ce n’est pas non plus surprenant. Les supporters de Nîmes ont voulu faire de ce match sans doute un moment de manifestation de leur retour parmi les supporters de Ligue 1« , commence en guise d’explication Patrick Mignon, sociologue du sport spécialiste dans la relation entre supporters. Avant une première relance. « Ça n’a pas de sens, c’est complètement ridicule, confesse-t-il. Mais ce qui est ridicule pour le commun des mortels… on voit bien avec le phénomène du supportérisme: on a une entité, qui est le groupe de supporters, qui veut partager des valeurs très fortes dont l’existence collective mais aussi individuelle passe par le groupe et ses symboles. » 

« Une bâche, on n’en a pas 14.000 »

Et l’un de ces fameux symboles, c’est donc la bâche. « C’est la représentation du groupe, poursuit Patrick Mignon. Les incidents de relations entre supporters sont liés au fait du vol ou de l’atteinte à la bâche. C’est le symbole de leur existence. Vous êtes quelqu’un qui a un attachement à un pays. Ce pays a un symbole. Ce symbole, quelqu’un le prend, le piétine, le brûle, cela va déclencher des choses très, très violentes du côté de ceux qui sont les plus fervents et qui ne peuvent pas supporter ce type d’attaques.

Le plus fréquent lors d’une agression contre un pays, c’est de prendre le drapeau de ce pays et de le brûler. Des supporters volent la bâche d’un autre club de façon à exhiber leur prise de guerre, ce qui est donc inadmissible pour le groupe qui s’est fait gruger. » Inadmissible au point de vouloir envahir le terrain. Peu importe le fait que sa propre équipe soit en train de l’emporter, en plus. « Cette bâche, on n’en a pas 14.000, appuie le sociologue. On en a une, qui a fait l’objet d’un travail, d’une imagination pour trouver les bons symboles, la bonne caligraphie. » Le vol d’une bâche, un crime de lèse-majesté donc. Plus qu’une défaite lors d’un fight, par exemple?

« Le groupe de supporters est plus important que le club lui-même »

« Un fight, c’est un épisode dans la relation entre supporters, décode pour nous Mignon. Selon les règles établies, on a des raisons ou pas de considérer qu’on a été battu dans le fight. Quelque fois, c’est la police qui l’interrompt, chacun pense qu’il a gagné ou n’a pas perdu parce que le combat n’a pas été jusqu’au bout. La bâche, quand quelqu’un vous la prend et l’exhibe devant vous… C’est une atteinte beaucoup plus forte qu’une bagarre. Finalement les coups de poings, ce n’est pas très grave parce que cela n’engage pas l’existence de votre identité de supporter. » Une identité finalement plus forte que le reste. La preuve avec cette mise en sommeil au printemps dernier des ultras du Malherbe Normandy Kop, juste avant un quart de Coupe de France contre Lyon, après le vol de leur bâche. Un match qui aurait pourtant mérité son lot d’animations en tout genre.

« Le groupe de supporters est plus important que le club lui-même, que l’équipe, explique Patrick Mignon pour justifier une décision aussi radicale. Le groupe de supporters s’est détaché du club. A l’origine, on crée un club de supporters pour soutenir l’équipe. Après, ce groupe gagne son autonomie, il a sa vie à lui, qui est une vie de compétition avec les autres clubs. Le rapport à l’équipe peut être secondaire ou considéré que finalement l’intérêt de l’équipe est inférieur à celui du groupe de supporters, ces derniers se voyant comme les vrais symboles du club. Ce qui est arrivé à Nîmes, c’est un classique. Les envahissements de terrain, ça intervient en général quand une équipe est battu, les supporters envahissent le terrain un peu comme un 12e homme.

« On va faire en sorte d’interrompre une défaite »

Puisque les onze joueurs sur le terrain n’y arrivent pas et ne peuvent pas se défendre, on arrive et on arrête le cours des choses. Là, ce n’est pas le cas. On est à 3-0, on va faire en sorte de faire un geste qui va interrompre la rencontre. Qu’est-ce que l’envahissement de terrain lors de France-Algérie? Il s’agissait entre autre chose de montrer le drapeau algérien mais aussi d’interrompre une défaite. Il n’y a pas eu d’envahissement de terrain dimanche, à La Mosson. Mais ce n’est pas pour autant que Montpellier ne paiera pas les pots cassés pour cette interruption de terrain. » La commission de discipline de la LFP a ainsi décidé de « mettre le dossier en instruction et à titre conservatoire:
– de fermer le parcage visiteur des supporters de Montpellier en déplacement
– de fermer la tribune basse Etang de Thau et la tribune haute Petite Camargue »

https://rmcsport.bfmtv.com/football/montpellier-nimes-une-bache-volee-un-sacrilege-dans-le-milieu-ultras-on-vous-explique-pourquoi-1534776.html

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