La dernière fois que Cristiano Ronaldo avait dû céder sa place à deux reprises en l’espace quelques jours, c’était en mai 2016. Le Portugais évoluait alors au Real Madrid, sous les ordres de Zinédine Zidane, et devait se préserver après une alerte musculaire, à quelques jours d’une finale de Ligue des champions face à l’Atlético.
Aussi, lorsque Maurizio Sarri a fait sortir le quintuple Ballon d’or dimanche soir, à la 55e minute de Juventus-AC Milan (1-0), quatre jours après un traitement similaire sur le terrain du Lokomotiv Moscou en Ligue des champions, la scène n’est pas inaperçue. La réaction de Ronaldo non plus: visiblement mécontent du choix de son coach, CR7 a envoyé quelques mots peu aimables en direction du banc de touche, pour regagner aussitôt le vestiaire et quitter le stade avant même le coup de sifflet final.
Interrogé sur cette séquence après la partie, Sarri a dédramatisé: « Il n’y a aucun problème. Au contraire, je m’inquiéterais si je le voyais content au moment de sortir. Mais il faut plutôt le remercier de s’être mis à disposition alors qu’il n’est pas dans une condition physique exceptionnelle. Il a un petit problème au genou depuis un mois, il a pris un coup à l’entraînement. Il a une petite gêne depuis. Il est dans une période où il ne peut pas s’entraîner plus que ça. Il a du mal à frapper à 100%. Alors cinq minutes de colère, ça me paraît normal. Ça fait aussi plaisir à un entraîneur de voir un joueur furieux de sortir. »
Moins de buts, et surtout moins de buts importants
Va pour l’argument du problème physique, largement recevable. Mais n’y aurait-il pas aussi, chez Ronaldo, un léger problème de rendement? Depuis le début de la saison, le Portugais est loin de ses standards habituels. Certes, il a déjà fait trembler les filets à six reprises en 14 apparitions, et délivré deux passes décisives. Beaucoup de joueurs se satisferaient d’un tel bilan. Pour lui, c’est différent… Depuis le mois d’août, CR7 a ainsi marqué en moyenne un but toutes les 202 minutes. En 2018-2019, c’était un toutes les 130, et en 2017-2018, lors de sa dernière saison à Madrid, c’était un toutes les 84 minutes. La baisse de régime est notable.
Surtout, Ronaldo n’a pas (encore) été réellement décisif dans les grosses affiches. Il a marqué contre Naples (4-3) fin août, oui, mais c’était le but du 3-0, avant que le Napoli ne revienne à 3-3, et que Koulibaly n’inscrive un malheureux CSC dans les derniers instants. Sinon? Un but contre le Hellas Vérone, un but contre la SPAL, un contre Bologne, un autre contre le Genoa, tous des mal classés de Serie A. En Ligue des champions, constat similaire: Ronaldo n’a marqué que lors de la large victoire face au Bayer Leverkusen (3-0), et encore une fois, a inscrit le troisième but.
Face à l’Inter, début octobre c’est Higuain qui avait inscrit le but victorieux à la 80e (2-1). A Moscou, mercredi, c’est Douglas Costa qui a offert la qualification à la Vieille Dame à la 93e (2-1). Et dimanche soir, c’est son remplaçant, Paulo Dybala, qui a glacé l’AC Milan à la 77e (1-0). L’homme qui, il y a quelques mois encore, pouvait signer un triplé face à l’Atlético en huitième de finale retour de C1, peine donc à retrouver son costume de super-héros.
Un nouveau positionnement à adopter
Dimanche, Fabio Capello, ancien entraîneur de la Juve, n’a d’ailleurs pas hésité à égratigner la légende. « Je n’ai pas aimé son attitude, Sarri a eu le courage de le faire sortir, parce qu’il voulait gagner le match. […] La vérité, c’est qu’il n’a pas dribblé d’adversaire depuis trois ans, a lancé le technicien, sans sourciller, à la télé italienne. Alors que Dybala et Douglas Costa y arrivent, regardez. Cristiano a fait la différence, mais actuellement ce n’est pas lui qui est décisif et il doit récupérer surtout sur le plan physique. Il n’a pas la rapidité et le dynamisme dont il a fait preuve par le passé. »
C’est vrai, mais c’est un peu prendre un raccourci, tout de même. Ronaldo a 34 ans, et fait logiquement moins de différences qu’à sa grande époque dans les un contre un. Mais s’il dribble moins, c’est aussi dû à son positionnement. Depuis son arrivée à Turin, Sarri le fait jouer très haut, généralement avec un autre attaquant, et lui demande surtout une chose: se concentrer sur les buts, plus que sur la construction. Dans un rôle d’attaquant avancé, difficile de partir dans des dribbles fous pour éliminer toute une défense. Encore plus si le quintuple Ballon d’or est handicapé par un pépin physique…
Et un coach à apprivoiser
Demeure aussi une autre question: celle de son intégration à la Juventus. Au Real, la place de Ronaldo dans le vestiaire était assez claire. A Turin, c’est un peu plus flou. On a prêté au Portugais des relations orageuses avec Paulo Dybala, on l’a dit déçu de ne pas accueillir son grand copain Marcelo durant l’été dans le Piémont, et triste, aussi, de voir son compatriote Joao Cancelo être transféré à Manchester City lors du dernier mercato. Sans que jamais, CR7 lui-même ne s’exprime publiquement sur ces dossiers.
Ronaldo a en outre assisté à l’arrivée de Maurizio Sarri sur le banc de la Juve, après une première saison sous les ordres de Massimiliano Allegri. En juillet, l’un de leurs premiers échanges avait fait l’objet de nombreux commentaires: remplacé lors d’un match amical face à Tottenham, Ronaldo avait (déjà) exprimé son mécontentement, visage fermé au moment de glisser quelques mots à son entraîneur.
Depuis, CR7 a pourtant tenu des propos plutôt flatteurs à l’égard du Napolitain. « Nous avons changé beaucoup de choses avec l’arrivée de Sarri, disait-il fin octobre. Nous avions fait du très bon travail avec Allegri, mais je pense qu’avec Sarri nous avons progressé. Comparé au passé, nous nous créons plus d’occasions. Nous avons une énorme possession, et nous nous déplaçons mieux. Personnellement mon positionnement a un peu changé. J’essaye d’évoluer là où je me sens le mieux sur le terrain, j’ai davantage de libertés de mouvements. Il y a encore des choses à régler, mais je suis heureux. » Il n’y a donc plus qu’à attendre le prochain triplé, le prochain festival CR7. Et nul doute qu’il devrait arriver.
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