Dans une interview accordée à Sky Sport, début septembre, lui-même parlait d’un changement d’univers. « Je suis passé à un club de niveau mondial, où tout est parfaitement structuré, confiait-il. […] C’est le meilleur club allemand, si ce n’est le meilleur de la planète. Ici, le niveau est incroyable. Tous les détails comptent: une perte de balle, et vous vous faites réprimander. Tout est une histoire de centimètres. »
Après trois saisons à Stuttgart, une montée en première division pour débuter et une relégation pour finir, Benjamin Pavard a plongé cet été, à 23 ans, dans le très grand bain: celui du Bayern Munich. L’affaire avait été bouclée pour 35 millions d’euros dès le mois de janvier et avait pu surprendre dans la mesure où le défenseur vivait un exercice cauchemardesque avec le VfB et se voyait critiqué en équipe de France. Lui ne s’était pourtant pas démonté, avait assuré pouvoir relever le challenge. Mais trois mois après son arrivée, ça donne quoi, Pavard au Bayern?
Un « couteau suisse » systématiquement titulaire, mais pas toujours au même poste
La première chose à retenir est positive: Pavard joue, et beaucoup. Le natif de Maubeuge joue tout le temps, même. Ce n’était pas une évidence. Depuis la Supercoupe d’Allemagne, début août, l’arrière a ainsi été titularisé lors des dix matches du Bayern et n’a jamais cédé sa place. Dans le détail, il a joué trois fois défenseur central, aux côtés de Niklas Süle et a débuté à six reprises comme latéral droit, avant de passer à gauche durant le festival contre Tottenham (7-2) après la blessure de David Alaba et d’y rester contre Hoffenheim le week-end passé.
Autrement dit, Pavard a pu s’exercer davantage dans les couloirs, ce qui n’était pas le cas à Stuttgart. « C’est un plus, je me sens de mieux en mieux à ce poste-là, expliquait mardi en conférence de presse à Clairefontaine celui qui a été champion du monde en 2018 comme latéral droit. C’est bien pour moi, et c’est bien pour l’équipe de France, j’ai encore plus de repères qu’avant. Mais je reste à disposition du coach Kovac. Je suis quelqu’un qui s’adapte à la situation, plutôt polyvalent, donc moi ça ne me pose aucun souci de jouer à n’importe quel des quatre postes à l’arrière. »
Polo Breitner, spécialiste de la Bundesliga pour l’After Foot, est en revanche beaucoup plus nuancé dans son analyse du début de saison. « Il joue, donc c’est une bonne chose, observe le consultant. Mais il joue parce que le Bayern a un effectif extrêmement restreint, en fait. Il y a des blessés, avec Alaba ou Hernandez, et puis il profite de l’autre problème de l’équipe, à savoir l’absence d’un vrai numéro 6, pourtant espéré cet été. Du coup, Kovac a fait monter Kimmich d’un cran et ça lui a donné une opportunité. Quand il est arrivé au Bayern, je me suis dit qu’il allait être un peu le couteau suisse de Niko Kovac, qu’il allait avoir un peu de temps de jeu sur les turnovers, mais là c’est systématique. C’est plutôt une bonne surprise pour lui mais c’est plus un choix par défaut. Avec un vrai onze de départ au complet, il ne jouerait pas. »
Icon – Pavard
Un joli but, mais aussi quelques erreurs
Mais pour le moment, et cela pourrait durer, le problème du milieu défensif n’est pas réglé. Le onze n’est pas complet, donc Pavard joue. Comment? C’est le grand débat. Si Polo Breitner est mitigé sur les premiers pas du Nordiste en Bavière, c’est parce le contenu laisse parfois à désirer. D’un côté, il y a cette magnifique volée au second poteau inscrite face à Mayence fin août (victoire 6-1), un but qui a fait le tour des « best of » et renforcé un peu plus la « légende » du champion du monde. Mais à l’image de son bijou en Russie, ce coup d’éclat est un peu l’arbre qui cache la forêt. Ce même jour (il jouait à droite), Pavard avait vécu une entame de match très douloureuse, et c’est lui qui était au marquage de Boëtius sur l’ouverture du score adverse. Il y a aussi eu ce baptême du feu compliqué à l’Allianz Arena, contre le Hertha (cette fois dans l’axe): après un duel aérien anodin avec le Serbe Grujic, Pavard avait stoppé sa course en se tenant le visage, laissant son adversaire partir seul au but pour le deuxième but berlinois (2-2).
« Ses performances sont très moyennes, son match contre le Hertha est catastrophique, et contre Mayence il doit sortir à la demi-heure de jeu, Tolisso était même parti s’échauffer, rappelle Polo Breitner. Ce n’est pas terrible, vraiment. Il est un peu ballotté entre les différents postes, donc c’est difficile de le juger, mais encore une fois il dépanne. Il ne joue pas assez bien pour s’installer. » Et le spécialiste du foot allemand d’en remettre une couche: « Défensivement il n’est pas terrible, sur les relances on ne voit pas grand-chose, quand il a joué dans l’axe il était plusieurs fois à trois mètres de son bonhomme, et puis physiquement je ne le vois toujours pas au niveau de la Bundesliga. Je dois dire qu’il ne m’avait déjà jamais impressionné à Stuttgart, même s’il surnageait dans une équipe qui coulait. Sa polyvalence est un formidable atout, mais les perfs en elles-mêmes… »
Là-encore, Pavard n’a pas du tout le même regard sur ses propres prestations. « La plupart des gens qui regardent le Bayern Munich se rendent compte que je fais mes matches et que je prends de plus en plus mes marques, dit-il. […] Je n’ai jamais douté de moi, je connais mes qualités, je connais mes défauts, je travaille tous les jours pour être le plus performant possible. […] Je prends plus de risques, je me positionne mieux, avec les épaules face au jeu, je joue plus vers l’avant. J’ai évolué. Côtoyer de grands joueurs fait forcément progresser. Et j’espère pouvoir le démontrer bientôt en sélection. »
Icon – Pavard et Tolisso
Des Français à ses côtés, et des dirigeants accueillants
Sûr de lui, Pavard? Mis dans une position de confort, plutôt. Le défenseur, qui ne maîtrise toujours pas bien l’allemand trois ans après avoir franchi le Rhin – mais promet de faire « davantage d’efforts » –, a eu la chance de retrouver cet été quatre compatriotes dans le vestiaire bavarois: Lucas Hernandez, Corentin Tolisso, Mickaël Cuisance et Kingsley Coman. Autant dire que son intégration a été facilitée.
Surtout, Pavard a vu les têtes pensantes du Bayern plutôt chaleureuses avec lui depuis son arrivée. « Ce qu’il fait ici, c’est très bien, autant sur les côtés que dans l’axe », saluait la semaine dernière Niko Kovac, qui lui avait pourtant adressé un petit avertissement face à Mayence. « Tout se passe calmement entre nous, assurait Pavard à Sky au sujet de son coach. J’ai immédiatement senti qu’il me faisait confiance. » Le directeur sportif Hasan Salihamidzic s’est lui dit « très content de Pavard et de son développement », ajoutant que le Français « s’est montré très professionnel depuis qu’il est là ». Même le président Uli Hoeness, pas toujours tendre, y est allé de ses louanges fin septembre, indiquant que le montant déboursé pour le faire venir était totalement justifié. « Pour moi, le coût d’un joueur n’est pas le plus important, a assuré le boss à Sport1. J’ai toujours su qu’il représenterait un superbe transfert. Notamment en raison de son formidable caractère. »
Les médias locaux, eux, ne se sont jusqu’à présent pas attardés sur l’arrière des Bleus. « Il n’y a pas de focus sur lui, note Polo Breitner. Un Pavard, médiatiquement, ça n’existe pas beaucoup en Allemagne. Le vrai problème, à l’image de ce qui s’est passé entre Müller et Kovac le week-end passé, c’est plus l’institution bavaroise. Il y a d’autres sujets plus importants. Lui, il est presque neutre. » Sans que l’on sache encore si c’est une bonne ou une mauvaise chose.
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