Disons-le d’entrée: avec l’Inter en embuscade, qui plus est privé de coupe d’Europe sur la deuxième partie de saison, l’AC Milan ne s’assurera certainement pas du titre en Serie A ce mercredi soir (20h45), au terme de son choc face à la Juventus. Mais en cas de succès, le club lombard relèguerait la Vieille Dame à treize longueurs. Autant dire qu’il éliminerait quasiment un adversaire direct, et ferait un grand pas vers une qualification en Ligue des champions. Ce qui serait, pour ce prince déchu, déjà une réussite.
Concours de flops, valse des entraîneurs et changement de mains
Pour revoir un Milan au sommet, il faut remonter dans le temps. Loin, trop loin vu le statut de ce géant d’Europe. Dix-huit fois champion d’Italie, sept fois vainqueur de la Ligue des champions, le club rossonero s’est peu à peu enfoncé dans la crise depuis sa dernière C1 en 2007. Compétition à laquelle il n’a d’ailleurs plus participé depuis la saison 2013-2014.
Le départ de Carlo Ancelotti en 2009, puis ceux de plusieurs cadres comme Paolo Maldini et Kakha Kaladze, ou encore Alessandro Nesta, Pippo Inzaghi, et Gennaro Gattuso après le Scudetto de 2011, ont laissé un énorme vide, et marqué le début d’une grande période d’instabilité. Sur le banc, avec une succession infernale de techniciens depuis le départ d’Allegri en 2014 (Seedorf, Inzaghi, Mihajlovic, Montella, Gattuso, Giampaolo, Pioli), dans le vestiaire, avec de retentissants flops sur le marché des transferts, exfiltrés non sans peine (Bonucci, André Silva, Piatek, Paqueta…), mais aussi à la tête du club.
En avril 2017, Silvio Berlusconi vendait officiellement son écurie à un consortium chinois pour environ 700 millions d’euros hors endettement, et cédait la présidence à Yonghong Li. Un an plus tard, ce même Li perdait le contrôle du club au profit de son créancier, le fonds américain Elliott. Ajoutez à cela la menace du fair-play financier, débouchant sur une disqualification pour la Ligue Europa 2019-2020, et le grand Milan se voyait plongé dans une galère bien plus grande que lui. Avant, donc, de remonter la pente.
Après la pluie, le beau temps
Si Elliott est toujours à la tête de l’AC Milan aujourd’hui, et si la santé financière et l’endettement du club font couler pas mal d’encre en Italie, force est de constater que sportivement, les Rossoneri vont mieux. Bien mieux. Leader de Serie A avec la quatrième meilleure défense et la deuxième meilleure attaque, Milan est le dernier club du Big 5 européen invaincu en championnat. En fait, il ne compte qu’une défaite depuis le début de la saison: contre le LOSC en Ligue Europa (3-0 à San Siro), après un match sans, un vrai de vrai.
A l’origine de ce réveil, le mercato 2019: en recrutant (pour un certain coût, certes) Ismaël Bennacer, Rafael Leao, ou encore Théo Hernandez, Milan a eu eu flair. Enfin. Le latéral gauche français, déjà auteur de 4 buts depuis le début de l’exercice, impressionne par son activité (il est le défenseur avec le plus de dribbles réussis et de fautes provoquées), à tel point que les observateurs font désormais de lui l’un des meilleurs joueurs du championnat.
Il y a eu Zlatan, aussi. De retour en Lombardie en janvier dernier, le géant suédois a enfilé les buts comme des perles malgré ses 39 ans, et apporté son expérience à l’équipe la plus jeune de Serie A. « La pression et la responsabilité, c’est moi qui la prends sur mes épaules, lançait ce dernier en novembre. Eux, ils doivent seulement travailler, y croire et suivre. »
Une confiance à toute épreuve, et un peu de réussite, aussi
Mais cet AC Milan n’est pas qu’une somme d’individualités, loin de là. C’est surtout un collectif en pleine confiance, qui a appris à gagner sans Ibrahimovic, blessé depuis la mi-novembre, et su surmonter quelques scénarios défavorables. Parfois au courage, comme face à Benevento (2-0) dimanche dernier à dix contre onze, parfois avec réussite, comme face à la Lazio (3-2) le 23 décembre avec un but d’Hernandez à la dernière minute.
Ce jour-là, comme plusieurs fois depuis le début de la saison, Milan avait complètement abandonné la possession à son adversaire, et accepté de subir. Pour mieux le punir. « Cette équipe-là est sur une autre planète en ce moment, résumait notre spécialiste Johann Crochet dans l’After Foot il y a quelques jours. Tout lui réussit. Tu as l’impression que n’importe quelle frappe va finir dans le petit filet alors que la saison dernière c’était sans doute poteau. Tout tourne dans le bon sens. » L’équilibre est fragile, donc, mais pour le moment, ça tient. Et c’est aussi le mérite de Stefano Pioli.
L’éloge de la stabilité
L’an passé, le technicien était très proche d’être remplacé par Ralf Rangnick, l’ex-coach de Schalke, Hoffenheim et Leipzig. Peut-être que l’Allemand aurait fait des merveilles avec ce groupe, peut-être pas. « Nous sommes sur le bon chemin. Il y a enfin de la cohésion et du partage avec les dirigeants, saluait déjà le maître Arrigo Sacchi en septembre. Je suis heureux que Paolo Maldini (le directeur technique, ndlr), un grand ancien et une personne de grande qualité, soit resté. J’espère qu’on le laissera signer de nouveaux jeunes joueurs pour rendre l’équipe encore plus compétitive. J’ai toujours pensé que le club, avec son histoire, ses compétences et son style, passait avant l’équipe. Gazidis (le directeur général, ndlr) voulait engager Rangnick, un bon entraîneur, mais il aurait perdu Paolo et Pioli, qui ont obtenu d’excellents résultats. Il a changé d’avis, comme quelqu’un d’intelligent. »
Reste désormais à voir comment va se comporter l’AC Milan en deuxième partie de saison, avec le souffle chaud du rival interiste sur sa nuque. « On ne doit penser que match après match, notre classement on ne le regardera qu’en avril, évacuait Stefano Piolo en ce début de semaine. Contre la Juve, ce ne sera pas un match décisif, ni un passage de témoin. Pour moi la Juve, l’Inter et Naples restent les plus forts. »
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