Le fantasme créatif n’a été séparé de la réalité du terrain que par quelques jours d’entraînement et un premier match amical. Après la nomination d’Andrea Pirlo début août, tout l’écosystème du football italien, de la presse aux tifosi, en passant par les anciens joueurs, ex-techniciens et observateurs, se demandait bien à quoi allait pouvoir ressembler la Juve de cet entraîneur sans expérience, au passé de joueur particulièrement glorieux. Alors, tout le monde a fouillé. Anciennes interventions comme consultant sur le bouquet satellite Sky Sport, interviews dans la presse italienne et même lives pendant le confinement sur les réseaux sociaux, tout a été disséqué. Mais, ce qui n’est resté pendant longtemps que de la littérature ou de la joute verbale a commencé à se matérialiser à partir du 25 août, date du premier entraînement des Bianconeri de la saison.

À mesure que les jours ont passé, la Juventus du « maestro » Pirlo a commencé à se dessiner avec, en point d’orgue, le premier match amical du club turinois face à Novara le week-end dernier. Un petit match d’entraînement plus qu’un amical de fin de préparation, à une semaine seulement de la reprise de la Serie A. Le moment est ainsi fait. La crise sanitaire omniprésente, la fin tardive du championnat précédent et les matchs européens fin juillet et début août ont engendré de profondes adaptations dans tous les clubs italiens. Dans un pays où la préparation estivale est un art inimitable, Pirlo et ses joueurs ont dû ajuster leur travail.

Pressing haut et volonté de confisquer le ballon

Parallèlement à son travail avec ses hommes sur le terrain, Andrea Pirlo a terminé son cursus et obtenu son diplôme final d’entraîneur, la licence UEFA Pro. Sa thèse « le football que je voudrais » a séduit le jury, même si on y décèle beaucoup de bon sens à défaut d’une quelconque révolution tactique. Dans cette écrit d’une trentaine de pages, le néo-entraîneur italien introduit son football : proactif, de possession et tourné vers l’attaque. Avec quelques attributs bien précis. « Les deux principes cardinaux de mon idée de jeu sont liés au ballon, explique Pirlo. On veut et on doit le garder le plus longtemps possible dans nos pieds aussi longtemps que nous attaquons, et on doit avoir un courage féroce pour aller le récupérer lorsque nous le perdons. »

Le nouvel entraîneur de la Juve souhaite donc avoir une équipe de possession, également habile dans sa volonté de presser haut pour le récupérer. Pour un joueur aussi délicat avec le cuir, cette volonté n’étonnera personne. Pirlo détaille ensuite dans cette thèse sa volonté d’avoir un collectif capable d’exalter les qualités des individualités,  la nécessité de miser sur les un-contre-un sur les côtés (avec également des « latéraux-organisateurs ») et d’avoir une occupation dynamique du terrain en fonction du système mis en place. Il égrène également ses inspirations, allant du Barça de Cruyff et Guardiola, à la Juve de Conte, en passant par l’Ajax de van Gaal et le Milan d’Ancelotti. Différentes influences donc et aucune construction philosophique sur un seul modèle de jeu.

Un gros travail l’attend sur l’un de ses préceptes majeurs : le pressing haut. La saison passée, Maurizio Sarri avait également cette volonté qui ne s’est quasiment jamais traduite sur le terrain, en dehors de la double confrontation contre l’Inter. Dans une équipe où Higuain et Cristiano Ronaldo étaient parmi les deux joueurs déclenchant le moins d’action de pressing en Europe (Dzeko et Suarez sont également tout en bas de ce classement), la tâche ardue s’est rapidement transformée en mission impossible avec, en plus, un milieu peu en adéquation avec les idées de jeu du technicien napolitain.

Andrea Pirlo hérite d’un groupe qui a évolué mais n’a pas été transformé en profondeur. Le mercato ne se termine certes que le 5 octobre prochain. Les départs de Matuidi et Higuain sont d’une logique implacable. Khedira n’a plus sa place. Les arrivées d’Arthur (dans une logique économique lors du double transfert avec Pjanic au Barça) et de Kulusevski (transfert réalisé en janvier dernier) apportent du sang frais et surtout des profils plus en accord avec les concepts de Pirlo. Mais elles mènent surtout à l’idée que l’on se fait du football en 2020 : à la fois technique et capable de répondre sur l’intensité et le volume d’effort.

Défense à trois avec le ballon, à quatre sans le ballon

Lors du match amical face à Novara, Andrea Pirlo ne pouvait compter sur tout son effectif, Dybala et De Ligt étant encore à l’infirmerie. Si chaque mi-temps a vu un onze différent dans les rangs turinois, celui de la première période s’approchait le plus de ce que l’on pourrait voir ce dimanche face à la Sampdoria, en attendant d’autres éventuelles recrues.

Dans sa thèse, Andrea Pirlo a parlé d’occupation dynamique des espaces en fonction du système de jeu. Positionnée en 3-5-2 quand elle a le ballon, la Juve de Pirlo se rabat dans une défense à quatre lorsqu’elle le perd, la variable étant le positionnement d’Alex Sandro, latéral classique sans ballon, mais piston très haut dès que la Juve a la balle ; Danilo agissant comme 3e défenseur central ou latéral droit selon les deux phases.

Contre Novara, Kulusevski et Ronaldo, en pointe, étaient très à l’intérieur du jeu et participaient beaucoup à son développement. Il n’était pas rare de voir Aaron Ramsey, la pointe haute du milieu bianconero, faire des courses en profondeur et être plus haut sur le terrain que les deux attaquants. Un rôle qui sied mieux au Gallois. Mais avec le retour de Dybala et l’arrivée d’un second attaquant, l’ancien joueur d’Arsenal devrait prendre place sur le banc. Les côtés étaient quant à eux animés par Cuadrado et Alex Sandro, qui cherchaient des relais à l’intérieur, comme sur l’ouverture du score de Ronaldo après un bon une-deux avec Kulusevski.

Avec moins d’un mois de préparation et un seul match amical, la Juve de Pirlo va débuter sa saison contre l’expérimenté Claudio Ranieri, confirmé cet été à la tête de la Sampdoria, après son arrivée en cours de saison passée. La décision courageuse de la Juve de nommer un entraîneur sans aucune expérience est intrigante. Autant fascinante que risquée. Comme un an auparavant avec l’arrivée de Maurizio Sarri. A voir si l’ancien milieu de terrain aux 116 sélections parviendra, contrairement à son prédécesseur, à poser sa patte sur cette équipe, son jeu et ce vestiaire de champions. La saison de la Juve dépendra beaucoup de cette donnée.

https://rmcsport.bfmtv.com/football/serie-a-la-juventus-de-pirlo-commence-a-se-dessiner-1978744.html

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.