Pour Christian Gourcuff, l’actuel entraîneur du FC Nantes, « le football vit à crédit » et serait perverti par une idéologie « spéculative et virtuelle ». Autrement dit, les inquiétudes qui pèsent sur les clubs et les fédérations, en pleine crise du coronavirus, seraient normales. Elles seraient le résultat de la mauvais gestion et des choix absurdes pris par le football depuis maintenant trois décennies.
Gourcuff n’est pas le premier à dénoncer cette « responsabilité » du sport. Avant lui, le président de la FIFA, Gianni Infantino, admettait qu’il fallait changer de modèle, changer de paradigme, pour « un meilleur football, plus solidaire et plus altruiste ».
>> Le sport face au coronavirus: la situation en direct
Le football vivrait au-dessus de ses moyens
Ailleurs, partout dans la presse, des observateurs du ballon rond, des spécialistes, des experts voire des anciens joueurs, appellent à une révolution et accusent le football d’avoir vécu trop longtemps « au-dessus de ses moyens ». On montre du doigt les salaires mirobolants, les lourdes indemnités de transfert, les droits TV colossaux ou les billetteries de plus en plus chères.
Mais ne serait-ce pas trop facile de profiter de l’actuelle crise pour accuser le football de tous les maux? Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas le fonctionnement même du football qui a provoqué ces situations comptables catastrophiques. C’est un élément exogène: le coronavirus.
Profiter d’un élément extérieur pour vouloir changer l’intérieur est un non-sens et une hypocrisie démonstrative. Lorsqu’on veut piquer son chien, on dit qu’il a la rage. C’est la même chose ici.
Les clubs, après seulement trois semaines d’inactivité, crient déjà famine. Cela serait absurde et anormal, alors on critique leur gestion, leur fonctionnement, leur business-modèle et on soutient une révolution économique. Comme Christian Gourcuff le dit, il faut éviter « la fuite en avant » du football.
C’est une crise globale, pas une crise du football
Mais l’actuelle crise touche tout le monde, de la même manière, tout le monde est touché de plein fouet par cet arrêt total d’activité, par ce confinement généralisé et cette chute considérable de la demande.
Les économistes prédisent déjà une récession au moins égale voire supérieure à celle de 2008. La dette française devrait dépasser les 130% du PIB, contre 98% actuellement, le chômage devrait repartir à la hausse, alors qu’aux Etats-Unis, il a atteint les 9% de la population en seulement 15 jours. Mais on accuse le modèle économique du football, responsable des inquiétudes des dirigeants.
Or, le ballon rond reste un spectacle. A ce titre, il vit des supporters et des téléspectateurs, il vit de la visibilité et de la notoriété. Il tire ses revenus des droits TV, du sponsoring et de la publicité, de la billetterie et, en dernier ressort, du trading joueur.
Même avec des fonds propres supplémentaires, même avec du patrimoine immobilier, même avec un stade ou un centre de formation ultra-moderne, même avec un plafonnement des salaires ou une régulation du marché des transferts, même avec une comptabilité à l’équilibre et un solde net positif, si tout s’arrête, tout s’effondre.
Le football ne va pas exploser c’est l’économie qui est inquiétée
On ne peut pas accuser les clubs d’être responsables de leur propre situation, ils ne sont que les victimes d’une crise exogène. On ne peut pas profiter de cet événement historique et exceptionnel pour appeler à des changements extraordinaires.
Demain, dans une décennie ou dans un siècle, mêmes avec des comptes positifs et des rentrées financières pérennes et durables, si un virus revient, les clubs se retrouveront dans la même situation qu’aujourd’hui.
Pour affirmer que le football risque d’exploser, que la bulle inflationniste va éclater, il faut montrer un retournement du système même du football, il faut démontrer qu’il est responsable de son propre échec, de son propre sort.
Ici, rien de tout ça. La crise touche tout le monde, sans distinction, sans condition et sans remord, le football autant que le reste de l’économie, les gros comme les petits.
https://rmcsport.bfmtv.com/football/rondeau-le-football-n-est-pas-responsable-de-sa-propre-faillite-1889623.html