Jordan Siebatcheu (24 ans) a suivi « de loin » les violences commises par des partisans de Donald Trump au capitole lors de la certification de l’élection de Joe Biden comme nouveau président des Etats-Unis, la semaine dernière à Washington. De Berne, précisément, où il évolue depuis le début de saison puisque Rennes l’a prêté avec option d’achat aux Young Boys. L’histoire de l’attaquant est pourtant intimement liée à la capitale américaine où il est né le 26 avril 1996, de parents camerounais. Mais son souvenir du pays de « l’Oncle Sam » s’arrête à son état-civil et à certains membres de sa famille y vivant toujours. Lui en est vite parti.
« Je suis arrivé bébé à Reims, raconte-t-il. Je suis venu directement en France parce que ma mère n’aimait pas trop les Etats-Unis. Elle a fait ses études en France, elle est partie un peu aux Etats-Unis mais elle est vite rentrée en France, elle préférait ici. » Le joueur s’est construit dans l’Hexagone où il a lancé sa carrière avec Reims, son club formateur, un détour à Châteauroux (en prêt), puis Rennes, qui l’a recruté contre 9 millions d’euros en 2018. Sans occulter totalement ses racines US. Sur les réseaux sociaux, il accole le nom Smith à son prénom complet Theoson-Jordan, en référence à l’acteur Will Smith, dont il est fan. « Avec les origines, ça passait bien », sourit-il. Son maillot, lui, est floqué « Pefok » du nom de sa mère.
Depuis quelques mois, les Etats-Unis ont pris une tournure plus concrète que son style vestimentaire ou son goût pour la musique US. La sélection et l’entraîneur Gregg Berhalter lui font les yeux doux de manière plus insistante. Au point que l’appel avec la Team USA de soccer semble imminent. « Ils sont venus, surtout pendant le confinement, pour savoir comment ça allait pour moi, si j’allais jouer plus avec Rennes ou partir pour un prêt ou un transfert pour pouvoir me suivre pour la suite », confie-t-il.
Reyna, Pulisic, McKenzie…
L’intérêt n’est pas nouveau. Son état civil et ses performances remarquées avec Reims ont vite mis en alerte les décideurs. « Quand je suis parti en Espoirs avec la France, les Espoirs américains m’avaient aussi appelé, rappelle-t-il. Depuis que j’ai commencé en pros, ils me suivent. » A l’époque, Siebatcheu, buteur face à l’Albanie avec les Bleuets en 2017, privilégie la France parmi les trois sélections auxquelles il peut prétendre. La tournure de sa carrière et le discours américain lui ont fait revoir ses plans, même si le Cameroun est aussi venu aux renseignements. « Il y a aussi eu des contacts mais je suis plus porté par les Etats-Unis, ajoute-t-il. J’ai beaucoup de famille et de proches qui sont là-bas (au Cameroun, ndlr). On verra comment ça va se passer, ça dépendra des discours. »
La traversée de l’Atlantique tient davantage la corde. « Ils sont partis sur un renouveau avec beaucoup de jeunes, ils essaient de partir sur une nouvelle équipe pour grandir, explique-t-il. Franchement, sur le discours que j’ai, ça m’a beaucoup plu. » La génération dorée portée par Christian Pulisic (Chelsea), Weston McKenzie (Juventus) ou Giovanni Reyna (Dortmund) présente quelques atouts. Siebatcheu se tient prêt, se « débrouille » en anglais – « parce que ma famille est anglophone » – et suit un peu les résultats de MLS. « C’est compliqué de regarder des matchs avec le décalage horaire », fait-il remarquer. « J’ai aussi des potes qui jouent là-bas, on en a discuté », ajoute le joueur.
Bluffé par l’intensité des entraînement en Suisse
En attendant, il évacue son aventure en demi-teinte à Rennes – entre blessure et choix de l’entraîneur – par une confiance retrouvée à Berne. Cela s’est passé par étape avec une remise en forme, un temps de jeu parsemé, puis une réussite enfin de retour avec deux doublés lors de ses deux derniers matchs (19 matchs, 4 buts). Le tout accompagné d’une belle aventure en Ligue Europa avec une affiche face au Bayer Leverkusen en 16es de finale.
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« La Suisse, c’est un très bon championnat avec beaucoup de joueurs prêtés qui veulent se montrer, explique-t-il. Quand je suis arrivé ici, j’ai cru que j’allais tomber dans les pommes à mes premiers entraînements! Je ne m’attendais pas à un niveau aussi haut lors des séances avec des courses, de l’intensité. Ça n’a rien à voir avec la France. On s’entraîne le matin du match mais aussi un peu après le match. C’est tous les jours à 100%. Quand tu rentres chez toi, tu n’as qu’une envie: c’est manger et dormir. Je n’ai jamais autant dormi depuis que je suis arrivé ici! »
« Un groupe incroyable à Rennes »
Florian Maurice, directeur sportif de Rennes, l’a contacté « trois ou quatre fois » pour prendre de ses nouvelles. L’été prochain, il pourrait rester en Suisse si les Young Boys lèvent l’option d’achat ou revenir à Rennes, où il est sous contrat jusqu’en 2023. Un éventuel retour en Bretagne ne se ferait pas à reculons. « Ce qui m’a aidé à Rennes, c’est que le groupe était incroyable, explique-t-il. J’étais dans un vestiaire avec le sourire tous les jours, c’était la rigolade. A Rennes, les joueurs qui ne jouent pas beaucoup tiennent le coup parce que le groupe est vraiment top. Avec mes frérots, comme Hamari (Traoré), James (Léa-Siliki), Faitout (Maoussa), Mbaye (Niang), on se parlait, on se remontait le moral. »
Son avenir dépendra de ses performances. Cela vaut aussi pour son destin international qui se dessine vers les Etats-Unis. « Je n’y suis pas retourné depuis mon départ, conclut-il. Je devais y aller l’année dernière mais le corona a fait que je suis resté en France. » Il pourrait enfin y mettre les pieds dès la prochaine fenêtre internationale en mars. Avec en ligne de mire, une potentielle qualification à la Coupe du monde 2022.
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