Il a commencé à pointer le bout de ses crampons en Ligue 1 il y a un an, en avril 2019. Trois entrées, d’abord, pour se familiariser et devenir le plus jeune joueur de l’histoire du Stade rennais, le premier né en 2002 sur le terrain des cinq grands championnats européens. Depuis, Eduardo Camavinga a débuté vingt-huit des trente-deux rencontres pour lesquelles il était disponible. Un jeune homme pressé, remplaçant deux fois seulement en L1 cette saison, devenu contre Paris le passeur décisif le plus précoce du championnat depuis qu’Opta analyse la compétition.

Dans la construction : mobilité, prise d’information et aisance technique

Ce qui frappe, d’abord, c’est la disponibilité d’Eduardo Camavinga. Le milieu sollicite sans cesse le ballon, le bras tendu vers ses pieds, signe d’une personnalité affirmée dans le jeu. Il décroche beaucoup pour soulager sa charnière sur le lancement des actions, crée des lignes de passes derrière la première ligne adverse, joue avec le pressing de ses adversaires directs – qu’il aspire parfois vers le ballon, toutefois. Quand il n’est pas servi pour orienter lui-même le jeu de son pied gauche (quasi exclusif), il ouvre intelligemment des espaces à ses coéquipiers. S’il évolue un jour dans un club doté de défenseurs centraux plus à même d’assumer la première passe vers l’avant, ses déplacements devront être différents, mais ses sollicitations, même sous pression, seront aussi plus souvent servies.

Une étude avait démontré que Xavi scannait le terrain un peu plus de huit fois en moyenne dans les dix secondes avant de recevoir le ballon, contre six pour Frank Lampard et Steven Gerrard. Il faudra peut-être un jour inclure Eduardo Camavinga dans cette enquête, tant le néo-international espoirs se donnerait presque un torticolis à sans cesse mettre à jour visuellement la situation du jeu. Des regards appuyés en amont, puis beaucoup plus furtifs une fois la passe lancée vers lui, grâce auxquels il anticipe sa réalisation technique vers le choix et la zone les plus pertinents, en gardant un temps d’avance sur l’adversaire.

Dernier atout dans la construction : sa propreté et son aisance techniques, à la fois sur une première touche de balle excellente et dans la passe, qui en font un premier relanceur très fiable (93% de passes réussies dans son camp) même sous pression… quitte à être, parfois, un peu trop dans le confort et la facilité. Il ne brille ainsi pas dans la catégorie des “progressive passes”, les passes qui font gagner au moins dix mètres vers le but adverse, avec seulement 2,47 transmissions de ce genre par 90 minutes (deux fois moins que Clément Grenier, par exemple). Mais peut-on vraiment lui reprocher, à dix-sept ans, de n’avoir pas encore la vista d’un Sergi Busquets?

Défensivement: une grosse activité à optimiser

Personne, en Ligue 1, ne réalise plus de tacles par quatre-vingt-dix minutes qu’Eduardo Camavinga (4,17 en moyenne). S’il effectue moins d’interceptions (1,45/90 minutes, quatrième moyenne rennaise), il est aussi l’auteur dans son équipe du plus grand nombre de “pressions” sur les joueurs adverses (574). Et avec 32,6% de “pressions réussies” (qui débouchent sur une récupération de son équipe dans les cinq secondes suivantes), il fait partie des meilleurs milieux de Ligue 1. Une activité défensive nourrie par son gros volume de courses et son agilité, qui lui permettent d’aller chasser l’adversaire et de couvrir de gros espaces.

Contre Cluj, Camavinga a également montré qu’il avait du métier et le sens du sacrifice en fauchant juste avant la surface Billel Omrani, qui filait au but. Même si le contexte était différent (Rennes était déjà mené 1-0 et réduit à dix), et donc peut-être moins pertinent, le geste rappelle celui de Federico Valverde contre l’Atlético de Madrid en finale de la Supercoupe d’Espagne.

Le natif de Miconje a encore toutefois une belle marge de progression défensivement. Il est parfois trop facilement éliminé en un contre un, souffre dans le contre-effort et dans la couverture des projections adverses. Il lui arrive, enfin, d’avoir un engagement fluctuant quand il sort cadrer un adversaire, offrant la possibilité de jouer dans son dos, dans l’espace abandonné. Une problématique également liée à l’organisation et aux couvertures collectives, exacerbée dans un milieu à deux devant la défense, la configuration habituelle du Stade rennais, mais mieux compensée dans un entrejeu à trois. L’arrivée de Steven Nzonzi cet hiver lui est d’ailleurs bénéfique, comme le travail ciblé au quotidien du staff breton. Mais c’est en partie pour ces progrès à effectuer défensivement que les exigeants recruteurs des grands d’Europe le considèrent davantage comme un 8, un relayeur box-to-box, qu’une sentinelle.

S’il n’a pas le gabarit (1,82 m) pour s’imposer dans les airs, Eduardo Camavinga peut-il encore s’étoffer physiquement pour s’affirmer encore plus dans la rude bataille de l’entrejeu ? C’est l’interrogation principale des scouts des clubs anglais, avec le risque, en plus, qu’un travail de musculation ne l’expose à des blessures ou à une perte de vivacité. En attendant, il tente de compenser par son agilité et un surplus d’énergie… quitte à commettre des fautes dans son élan.

Offensivement: un potentiel de percussion à affirmer

Si les chiffres défensifs d’Eduardo Camavinga sont bons, le versant offensif révèle un autre axe d’amélioration, et pas seulement en nombre de buts (1) et passes décisives (2). En Ligue 1, il crée peu d’occasions pour lui ou pour les autres (0,08 Expected Goals + Expected Assists/90 minutes, ce qui le place derrière Santamaria, Romao, Maïga, Tousart…), n’a touché que onze ballons dans la surface adverse, n’a donné que sept passes débouchant sur un tir, et seuls 12% de ses passes ciblent les trente derniers mètres (2,4/90 minutes, deux fois moins que Grenier, Bourigeaud et Nzonzi).

En attaque, sa contribution repose surtout sur ses projections balle au pied, où il a déjà démontré, comme sur son but contre Lyon (pas gêné par un Andersen généreux), son explosivité, sa capacité à éliminer (78% de dribbles réussis) et sa vitesse sur la première accélération. Ses 130 mètres gagnés vers le but adverse balle au pied par 90 minutes dépassent la moyenne des autres milieux rennais. Il parvient aussi régulièrement à obtenir des coups francs bien placés. Reste à rentabiliser cette activité plus souvent par une avant-dernière ou dernière passe (comme celle pour Tait contre Montpellier avant l’interruption du championnat) ou un tir, afin de mieux faire tolérer les points défensifs encore à peaufiner.

Évoluer au poste de relayeur, comme contre les Héraultais, pourrait l’aider à améliorer sa contribution offensive. Il se retrouverait également plus souvent en mesure de se projeter sans ballon dans l’espace entre le central et le latéral adverses, à la Blaise Matuidi, référence de l’exercice dont il partage l’origine angolaise. Depuis l’axe droit, il aime aussi repiquer sur son pied gauche pour avoir le but face à lui. Sa passe décisive pour Del Castillo contre le PSG doit l’encourager à chercher plus de passes déstabilisantes depuis cette zone. Enfin, en plus de son volume de courses, sa faculté à jouer juste et vers l’avant rapidement après la récupération du ballon en fait une arme potentielle sur attaque rapide. À condition, encore, d’avoir la faculté à faire le contre-effort dans l’autre sens.

https://rmcsport.bfmtv.com/football/que-vaut-vraiment-eduardo-camavinga-1900415.html

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