Il y a cinq ans, Mamadou Sakho faisait vibrer à lui seul les 80.000 spectateurs du Stade de France, avec un doublé pour envoyer les Bleus en Mondial au Brésil, contre l’Ukraine (3-1). Héros déchu depuis, avec un épisode malheureux à Liverpool, le défenseur central renaît de ses cendres à Crystal Palace. Il y a trouvé son équilibre. Et un nouveau moyen de se montrer pour plaire à la Premier League. Davantage au champion du monde, Didier Deschamps. Avec l’espoir de redevenir, à 28 ans, un indispensable dans le paysage du football international.

Un indéboulonnable sur le banc des accusés

Avril 2016. Le destin joue un bien mauvais tour à Mamadou Sakho. Alors qu’il forme une charnière solide avec Dejan Lovren et qu’il enchaîne les bonnes perf’, le Red est rattrapé par l’agence mondiale antidopage. Un laboratoire de Cologne décèle dans un échantillon lui appartenant de l’Higenamine. Cette molécule interdite d’usage est présente dans un complément alimentaire (non prescrit par le club), ingéré par le principal intéressé.

Avant qu’il soit blanchi, l’UEFA décide de le suspendre momentanément de toute compétition officielle, le temps de laisser l’enquête avancer. Trente jours d’attente qui lui font notamment rater la fin de saison en Premier League… et la liste des 23 qui prendront part à l’Euro 2016 à domicile trois semaines plus tard. Autant de coups durs sur un même mois pour l’ancien du PSG, qui ne perd pas espoir pour autant. Signe de sa capacité à gérer la pression et la déception.

« Voir mes rêves se briser trois semaines avant de les voir se réaliser… c’était difficile, explique-t-il dans le Guardian. Mais je savais que je n’avais rien à me reprocher. Le plus difficile, ç’a été de vois ma mère, ma sœur, mon frère et ma femme en larmes… ils ne comprenaient pas ma situation. Ils étaient dévastés, mais j’essayais de leur faire comprendre que je n’avais rien fait de mal et que tout irait bien. »

Calme, sûr de lui et de sa bonne volonté, celui qui doit être rassuré inverse les rôles et console les siens. Il ne baisse pas les bras et engage un préparateur physique qui le fait travailler à raison de trois séances quotidiennes pendant la compétition. Il reprend ainsi la route de Melwood, droit dans ses bottes, la tête remplie des sentiments d’ambition et de revanche. Mais peut-être que la frustration prend le pas sur son professionnalisme.

Klopp n’a eu aucune pitié

Avec Jürgen Klopp, son manager, le dialogue se rompt à la suite de divers retards du joueur. « Ce n’est pas sérieux, s’agace alors le technicien. Il a raté le départ de l’avion (pour une tournée de préparation aux USA, ndlr), il a raté une séance et ensuite il a été en retard pour le repas du club… Je dois construire un groupe ici, je dois tout recommencer, donc je me suis dit qu’il ne serait pas absurde de le renvoyer à Liverpool. Comme ça, dans huit jours, quand on reviendra, on pourra en parler. »

Quand d’autres clubs envoient automatiquement des amendes à leurs hommes dans ce genre de cas, l’Allemand, lui, préfère faire dans la discipline. Pour que ses protégés se responsabilisent. Mais cela n’a pas eu l’impact attendu. Le défenseur poursuit sa préparation, le manager campe sur ses positions. C’est en réserve que « Mama », comme on l’appelle outre-Manche, s’entraîne et s’entretient, sans rechigner. « Ça m’a permis de garder le rythme pour rejouer, positive-t-il dans le Guardian, et aussi de transmettre mon expérience aux jeunes joueurs. (…) A côté de ça, j’ai mon coach personnel. Donc je travaille beaucoup pour rester au sommet. » Pas question de lâcher.

« Il a des qualités indéniables »

Crystal Palace se positionne pour le récupérer en prêt. Une réussite, avec un maintien acquis (passé de la 18e à la 14e place !) et un contrat de cinq ans offert au Francilien (28,2M€) dans les toutes dernières heures du mercato estival 2017. Des performances remarquées contre les cadors et un maintien plus tard, voici le défenseur de retour dans ce qui est son terrain de jeu favori : la Premier League. Imposant dans les duels, précis dans ses passes et propre dans ses tacles, du bon vieux Sakho.

Et sa réputation taillée par Klopp, son actuel manager Roy Hodgson n’en a que faire. Interrogé sur le possible manque de professionnalisme de son joueur, il a même tenu à réfuter en bloc. « Son professionnalisme n’a jamais été à remettre en cause, assurait-il face à la presse au printemps dernier. C’est surtout des problèmes de blessure qu’il a pu avoir. (…) Nous entretenons une bonne relation. J’adore le joueur qu’il est. Il a des qualités indéniables. »

Les blessures pourraient le condamner

Ce n’est pas plus son comportement que sa forme qui pose problème depuis deux ans. Celle-ci aurait pu lui coûter sa place en club. A Anfield, il est victime d’un problème au tendon d’Achille avant d’être mis à l’écart jusqu’en début 2017. En arrivant à Selhurst Park, il traîne une blessure au ligament du genou qui le prive de deux rencontres. Puis, le ligament fait de nouveau des siennes et le contraint à abandonner à la 35e journée de la saison 2016-17 après seulement huit parties disputées.

Enfin, c’est son mollet qui est touché lors du dernier exercice et qui l’éloigne des terrains pendant neuf matches. Vingt-quatre matches loupés sur deux saisons. Ça fait un joli petit lot d’ennuis. « Il y a un passif, rappelle Hodgson. Des blessures, des cicatrices, toujours présentes dans le muscle touché. Cela rend la reprise un peu plus compliquée pour retrouver 100% des capacités physiques. »

Au moment de reprendre, le doute s’installe et l’espoir de recouvrer son statut d’antan s’envole. « Il a le sentiment, selon ses mots, et la peur que quelque chose lui arrive s’il rejoue, confiait le technicien en février, inquiet. Il ne veut donc pas prendre ce risque. On essaie en ce moment de l’encourager. Pour l’instant il a bien insisté sur le fait qu’il ne se sentait pas prêt à jouer. »

Son leadership reste intact

Mais au-delà de l’état physique, c’est surtout son mental qui en fait aujourd’hui un irremplaçable du groupe londonien. En moins de deux ans, Sakho a pris de la place dans le vestiaire, jusqu’à être placé au troisième rang de la hiérarchie des capitaines par Roy Hodgson. En l’absence de Jason Puncheon ou encore Scott Dann, c’est lui qui a eu l’honneur de se voir remettre de brassard pour quatre rencontres de premier League. Pas étonnant quand on sait qu’il était déjà capitaine à 17 ans au Paris Saint-Germain. Sa personnalité qui fait de lui un leader naturel lui permet aussi d’avoir une vision collective du jeu et de ne jamais se mettre trop en avant. De quoi lui redonner le sourire. « Je suis heureux, je me sens bien ici, se réjouit l’ancien Red. Je suis aussi quelqu’un d’ambitieux. » Et le redonner aux supporters, heureux de le compter parmi leurs joueurs.

Palace l’aide à remonter la pente

Et puisqu’il a déjà sauvé les Eagles à deux reprises, alors à eux maintenant d’en faire un peu pour lui. Ce ne sont pas les éloges de leur part qui manquent pour prouver au monde entier son importance. « L’élan défensif qu’il a redonné à l’équipe est incroyablement bon, lâche son ancien manager Sam Allardyce. Il s’est très bien adapté à l’environnement et il a travaillé très dur pour revenir au top de sa forme. Maintenant il montre à quel point c’est un bon défenseur. » Ses coéquipiers n’en pensent pas moins.

« C’est un roc, il est si solide et à la fois si posé, s’étonne la star Wilfried Zaha. Si vous bougez, il trouvera de la place pour vous et vous fera parfaitement la passe. C’est essentiel pour nous. On est deux fois plus costauds maintenant. On a retrouvé nos fondamentaux et si on les exécute bien, le reste suivra. » Epanoui et tourné vers l’avenir avec Crystal Palace la saison dernière, le défenseur central n’a pas été plus étonné que cela d’apparaître dans la liste des suppléants pour le Mondial en Russie.

« Un soldat ne lâche jamais, déclare-t-il sur Facebook. Et pour moi, c’est une victoire d’être dans cette liste de réservistes. » Derrière les piliers Raphaël Varane, Samuel Umtiti ou encore Presnel Kimpembe, son nom n’avait pas de quoi faire tâche.

Absent de la sélection depuis plus de deux ans, en coulisses, le staff de l’équipe de France lui a toujours accordé de bénéfice du doute en l’incluant à chaque fois dans sa liste des 50 présélectionnés. Comme un message passé. Celui que le souvenir de ses exploits ne s’effacera jamais. La carrière d’un joueur ne tient qu’à un fil et Mamadou Sakho en a fait l’expérience. Désormais, grâce à un Palace qui en fait son boulier chouchou, Sakho a tout à gagner. Ou plutôt à regagner.

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