Jacques-Henri Eyraud n’est plus président de l’OM, après quatre saisons et demi pleines de promesses inachevées. S’il est possible de parler d’un certain redressement du club, le dirigeant-entrepreneur de 52 ans aura traîné comme un boulet le « Champions Project », jamais vraiment digéré par les supporters.
Les supporters olympiens un brin moqueurs rappelleront sûrement que l’aventure marseillaise de Jacques-Henri Eyraud avait débuté il y a un peu plus de quatre ans, bien étrangement: avec une conférence de presse un peu lunaire, appuyée d’un Powerpoint un poil en décalage avec l’ambition affichée pour son OM. En faire un club qui compte, à nouveau, sur les scènes française et européenne, en braquant les projecteurs sur le désormais célèbre « Champions Project » souhaité par Frank McCourt. Arrivé dans un total anonymat sportif sur la cité phocéenne, en octobre 2016, pour prendre les rênes d’un club qui n’est comme aucun autre, le désormais ex-président de l’OM aura vécu quatre saisons et demi intenses et contrastées, lui qui n’aura jamais été vraiment accepté par ses supporters.
Alors que le club est lâché par Margarita Louis-Dreyfus contre un peu moins de 50 millions d’euros, le duo Frank McCourt – Jacques-Henri Eyraud apparaît dans le paysage, un peu à la surpsie générale. Avec une constante: replacer l’OM là où il doit être. Il s’agit de vendre un peu de rêve à l’américaine, alors que les Marseillais sortent d’une saison 2015-2016 terminée à une impensable 13e place. Oui, il faut faire rêver à nouveau le peuple marseillais. Lui qui restait sur des années maigres, malgré un titre de champion acquis en 2010 et trois Coupes de la Ligue sous l’ère Robert Louis-Dreyfus.
Le programme est alléchant: « Etre dans le top 3 de la Ligue 1 tous les ans », « gagner le championnat plus souvent qu’on ne le perd », et, on vous le donne en mille, « gagner la Ligue des champions ».
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Un bilan sportif en demi-teinte
Quatre ans et demi plus tard, quel bilan tirer des années olympiennes d’Eyraud? Sur la scène française, des cinquième places en 2016-2017 et 2018-2019, une quatrième en 2017-2018, et une position de dauphin du PSG en 2019-2020. Des classements tout à fait honorables.. mais pas le titre espéré. L’OM aura perdu le championnat bien plus souvent qu’il ne l’aura remporté. Cette deuxième place arrachée la saison dernière par la bande d’André Villas-Boas – choisi par l’ancien directeur sportif Andoni Zubizarreta – a également permis de replacer l’OM sur la scène européenne, huit ans après sa dernière participation en Ligue des champions. C’est déjà pas mal.
Mais pour ce qui est d’ajouter une deuxième étoile européenne au maillot olympien, Eyraud était bien loin de réussir cet exploit. Pire, son club a vécu un enfer lors de sa campagne de C1, devenant le seul club à avoir concédé 13 revers d’affilée dans la compétition: un triste record arraché aux mains des Belges d’Anderlecht (12). A jamais les premiers. Il y a toutefois eu cette belle épopée olympienne en Ligue Europa, menée en octobre 2018 jusqu’en finale face à l’Atlético d’Antoine Griezmann. Car après tout, cela reste une finale européenne.
Une relation bouillante avec les supporters
Lorsque l’on met un pied sur la Canebière, impossible d’ignorer les fervents supporters, soutiens infaillibles et indéfectibles du club neuf fois champion de France. « Notre plan, c’est aussi la mise en valeur des racines, expliquait à l’époque Jacques-Henri Eyraud. On est à fond avec Frank sur la notion de « OM Way ». Notre défi principal, ça va être de le trouver et de l’affiner. (…) On va bâtir ce club dans le respect de la tradition marseillaise. »
Avec les supporters de l’OM, l’âme du club, la greffe n’aura jamais pris. Moqué pour ses conférences de presse et sa fameuse « tisane » aux journalistes, l’entrepreneur aura plus donné l’impression de vouloir faire de l’Olympique de Marseille une marque porteuse et connue hors de France plutôt qu’un club identitairement respecté en France.
Et c’est peut-être là que la grogne marseillaise est née. Elle a fini d’exploser. Loin d’être en osmose avec leur dirigeant, les supporters ont lancé une opération anti-Eyraud. C’est finalement de cela qu’il s’agissait au moment où plusieurs centaines d’individus marchaient sur la Commanderie lors d’un samedi brûlant avant une rencontre face à Rennes.
Le projet du président de lancer « Agora OM », une « grande initiative de concertation avec les supporters », avait fini d’acter la séparation, ce projet étant considéré comme un geste de défiance par de nombreux ultras. Tout comme la mise en demeure de certaines associations olympiennes aura suscité la colère des supporters jusqu’à l’étranger. La fracture est définitive, le point de non-retour a été atteint: le président devait partir. Le message a été entendu.
Un divorce devenu inévitable
C’est dès son arrivée que Jacques-Henri Eyraud actait son échec, regrettant après coup que le Champions Project « n’ait pas été utilisé pour ce qu’il était: la traduction d’une ambition, avec des mots anglo-saxons, ni plus, ni moins ». Une vision bien trop gourmande, qui augurait déjà d’une déception annoncée, car née d’un appétit impossible à assouvir. Frank McCourt a cédé face à une frange de supporters, mais pas que. Eyraud aura raté ses mercatos, en misant bien trop sur des joueurs qui ne lui auront jamais rendu l’investissement de départ (Kevin Strootman, Kostas Mitroglou…).
Les caisses de l’OM sont désespérément vides, l’actif joueurs commençant à peine à exister – grâce surtout à l’impulsion de Pablo Longoria précieux dans ses décisions sportives – alors que des cadres, Florian Thauvin en tête, sont en fin de contrat. La gestion des hommes, de Zubizarreta à Villas-Boas en passant par Garcia, aura aussi péché. Le bilan de JHE, mis au placard désormais en tant que président du directoire, n’est pas bon, malgré quelques nuances sportives. Et pour beaucoup, il était temps que cela se finisse. Est-ce que Marseille, septième de Ligue 1 avant que Jorge Sampaoli ne vienne ajouter un peu plus de piment à cette fin de saison rocambolesque, aura véritablement grandi en quatre ans et demi? Pas besoin d’une explication à renforts de Powerpoint pour comprendre qu’a priori pas vraiment.
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