« Profondément attristé d’apprendre la perte de Pape Diouf. Toutes nos pensées et nos prières à sa famille. » En découvrant mardi soir le décès de Pape Diouf des suites du coronavirus, Franck Ribéry n’a pas manqué de rendre hommage à l’ancien président de l’OM, son ancien président. Preuve que le temps a fait son effet et que les deux hommes étaient liés par un respect mutuel. Pourtant, il y a quatorze ans, l’attaquant français, le dirigeant olympien et Jean-Michel Aulas s’étaient livrés une sacrée passe d’armes. Avec, en toile de fond, le faux-départ de Kaiser Franck à l’OL.
Jeux d’influence, et « fieffé menteur »
Retour à l’été 2006. Après un transfert de Galatasaray et une très belle première saison à l’OM, Ribéry est appelé à 23 ans en équipe de France afin de participer à la Coupe du monde en Allemagne, pour le plus grand bonheur des supporters olympiens. Mais à la mi-juin, alors que la compétition a déjà commencé, le joueur fait une sortie fracassante dans les colonnes du Parisien, affirmant vouloir quitter le navire marseillais, pour rejoindre celui des Lyonnais. « L’OM ne peut aujourd’hui offrir à aucun joueur des garanties sportives à court et moyen terme, déplore-t-il. Lorsque je suis arrivé l’été dernier, le président m’avait prévenu que ce serait une saison de transition. Or, le départ de Jean Fernandez, qui a surpris tout le monde, à commencer par moi, me fait penser qu’on vivra cette année une nouvelle saison de transition. »
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Si Ribéry est alors effectivement proche de Fernandez, le dossier est plus complexe. D’abord, son agent d’alors, Bruno Heiderscheid, est en conflit avec Pape Diouf et fait tout pour pousser son poulain vers la sortie. Ensuite, le président de l’OL, Jean-Michel Aulas, a lancé une grande opération séduction. Un juteux contrat de quatre ans attend Ribéry dans le Rhône, dit-on, et JMA profite de son statut pour circuler librement durant le Mondial dans les rangs du groupe bleu, et ainsi effectuer un gros pressing sur sa cible. Ce qui agace beaucoup, mais alors beaucoup, le patron de l’OM.
Début août, Diouf assure ainsi devant la presse que Ribéry ne partira pas, et envoie deux missiles à son homologue lyonnais, en le qualifiant d’abord de « plus fieffé menteur du football français », puis en faisant un clin d’oeil à la culture rhodanienne: « On serait un éléphant aux pattes d’argile si on se laissait déstabiliser par le premier guignol venu ». La fin de l’histoire? Absolument pas.
Le 20h de Ribéry? « S’il avait une chance sur 1.000 de partir, il venait de la perdre »
Quelques jours plus tard, Ribéry est invité au journal de 20h de TF1. Et en remet en couche devant la France entière: « Mon souhait, c’est de quitter Marseille, martèle-t-il. Je souhaite partir parce que j’ai envie de gagner d’autres choses, j’ai envie de jouer la Ligue des champions, j’ai envie de continuer à évoluer, j’ai envie d’avoir autour de moi de grands joueurs. Pour moi c’est important. » Il poursuit: « Mon choix est fait, je ne reviendrai pas en arrière. Mais je n’oublie pas qu’ici (Marseille) c’était mon club. J’aimais ce club, j’aimais les supporters parce que c’est vraiment un public extraordinaire. Je pense que c’est le meilleur public de France. Je ne retiens que des bons souvenirs et j’espère qu’ils pourront me comprendre. Je sais qu’il y aura des supporters un peu déçus, mais je suis jeune, j’ai 23 ans, j’ai envie de continuer à prendre du plaisir, de passer à autre chose, de voir un peu ce qu’est la Ligue des champions, de gagner des titres. »
Le point de non-retour est atteint, pense-t-on alors. Mais l’inflexible Pape Diouf (soutenu dans ce dossier par Robert Louis-Dreyfus) ne plie pas, comme il le racontait dans le Vestiaire (RMC Sport) en septembre 2016. « J’étais avec mes collaborateurs dans mon bureau (quand Ribéry a parlé au 20h, ndlr), et j’ai dit ce jour-là que s’il avait une chance sur 1000 de partir, il venait de la perdre, se souvenait-il. Franck est venu me voir deux jours plus tard. J’ai dit à mon assistante de le faire attendre, le temps que je lise mes journaux, parce que c’est ce dont j’avais envie. Quand j’ai eu fini, je l’ai fait venir. Il s’est assis, je me suis mis debout, je lui ai dit: ‘Franck, il parait que tu veux me voir. J’ai deux choses à te dire: la première, c’est que même si on me donnait une indemnité comme jamais l’OM n’en a touchée dans son histoire, tu ne partirais pas. Et la deuxième chose, c’est que si tu ne veux pas jouer, libre à toi, mais tu joueras en réserve. Et si ne tu ne veux pas jouer en réserve non plus, je ne te payerai pas. C’est à toi de choisir. Maintenant, troisième et dernière chose, tu as aussi ma parole que si les choses se passent bien et que l’année prochaine, en fin de saison, un club vient te chercher et que tu as envie d’y aller, je te laisserai partir.’ Il ne m’a jamais répondu… »
Pas besoin, non. Comprenant qu’il fait face à un mur, Ribéry se ravise. Il repart pour un exercice de plus en Provence, se réconcilie avec le Vélodrome, avant, cette fois, de s’envoler pour le Bayern (contre 30 millions d’euros) au mercato estival 2007. « On a souvent dit qu’un joueur est plus fort qu’un club, confiait Pape Diouf à RMC Sport. Les journalistes m’ont souvent demandé: mais comment peut-on garder un joueur contre sa volonté? Moi je répondais: mais comment peut-on contraindre un club à vendre contre sa volonté? J’ai eu raison… Les bras de fer, je savais les faire. Dans les règles bien sûr, pas pour embêter les joueurs. Mais qu’on ne vienne pas me dicter une loi qui n’est pas la mienne. »
https://rmcsport.bfmtv.com/football/mort-de-pape-diouf-comment-le-president-de-l-om-avait-gagne-son-bras-de-fer-contre-l-ol-et-ribery-en-2006-1886299.html