Un air timide, un discours un brin hésitant, presque gêné de se présenter face aux médias dans la salle de presse du Stade Louis II. Sofiane Diop n’a pas encore l’habitude d’être dans la lumière et pourtant il se retrouve de plus en plus sollicité. Auteur de cinq buts cette saison, le natif de Tours est devenu un élément majeur du onze de Niko Kovac, imprévisible cet été.
Après avoir découvert la Ligue 1 et la Ligue des champions sous Leonardo Jardim et Thierry Henry, Sofiane Diop est envoyé en prêt à Sochaux la saison dernière. Une aventure mitigée (15 matchs, 1 but et 1 passe décisive en Ligue 2) mais bénéfique. « En Ligue 2 je me suis moins épanoui, avoue le milieu de terrain, mais j’ai beaucoup plus bossé sur mon mental. Les coachs m’ont beaucoup parlé, j’ai essayé d’accumuler le plus de temps de jeu possible et c’est grâce à eux que j’en suis là actuellement. » L’antichambre de l’élite avant de grandir aux yeux du tous, une étape quasi-obligatoire pour un professionnel en herbe. « Moi aussi j’ai débuté au Herta Berlin en deuxième division et il y a de nombreux exemples qui montrent ce cheminement », confie son entraîneur Niko Kovac.
« Il a pris des décisions qui n’étaient pas simples »
Quand il a fallu s’éloigner du Rocher pour parfaire sa formation, Sofiane Diop n’a pas hésité. Derrière son profil réservé, se cache un jeune homme qui n’a pas peur de trancher. « C’est vrai que Sofiane dégage l’apparence d’un garçon timide », confirme Yannick Menu, responsable de la formation du Stade de Reims mais surtout l’homme qui l’a repéré en banlieue de Tours pour le faire signer à Rennes puis à Monaco en 2018. « Je le qualifierais surtout de garçon bien élevé, respectueux de la hiérarchie et des adultes. Très jeune, il a pris des décisions qui n’étaient pas simples, il a assumé de quitter Tours à 14 ans pour Rennes, a décidé de ne pas signer son premier contrat pro dans son club formateur pour filer à Monaco. Il a les idées claires. »
C’est à Tours que le tout jeune Sofiane Diop, alors âgé de 13 ans, tape dans l’œil de Yannick Menu, à l’époque recruteur pour le Stade Rennais. « Il avait des qualités indéniables. Il nous a plu par sa curiosité, il se posait des questions sur le jeu et sur le foot. Il était frêle, avait beaucoup d’intentions mais pas mal de difficultés à réaliser ce qu’il entreprenait de par un bagage athlétique encore en sommeil. En grandissant, il a vu ses qualités athlétiques mûrir et il est passé des intentions à la réalisation. En quelques mois, on a vu un autre joueur qui s’exprimait pleinement. »
Fou de foot et acharné de travail
Malamine Doumbouya l’a également vu évoluer. A partir de 11 ans, alors joueur à Blois, il affronte régulièrement le Tours de Sofiane Diop lors des championnats et tournois de jeunes. Alors que le second est amené à rejoindre le Stade Rennais, Malamine le retrouvera au sein du club breton, conseillé par le même recruteur, de quoi lier une forte relation d’amitié toujours intacte aujourd’hui. « En formation, on lui reprochait souvent de pas être assez efficace », se souvient l’actuel joueur du FC Lorient. « Il a grandi là-dessus. La preuve, il en est déjà à 5 buts. Il a aussi pris en maturité et, sur le plan physique, a musclé son jeu. Sofiane est pétri de talent mais ça reste un gros bosseur, il ne se fixe pas de limites. Il vit pour le foot, il regarde tous les matchs et surtout les siens, il est pointu sur ses performances. C’est vraiment sa passion avant d’être son métier mais s’il est aujourd’hui devenu un des meilleurs joueurs de l’AS Monaco, c’est par le travail. »
L’intéressé ne dément pas. « Je suis passé par toutes les phases à Monaco, des périodes parfois compliquées mais j’ai su relever la tête. Je me suis noyé dans le travail. Au départ (cet été), il n’était pas convenu que je joue autant en équipe première mais au club on m’a dit que rien n’était figé et que tout était possible. J’ai travaillé, le coach m’a donné ma chance et j’essaie de lui rendre cette confiance. Je donne tout pour l’équipe. Après le match face au PSG, j’étais rincé. »
Cette confiance accordée par Niko Kovac est pour Yannick Menu un facteur essentiel dans l’évolution de son ancien protégé. « Je ne peux pas être surpris de le voir s’imposer ici en Ligue1, c’était notre vœu quand on l’a fait signer à Monaco. Aujourd’hui, il y a un coach qui lui fait confiance et c’est un élément qui permet à un jeune joueur d’évoluer sereinement, d’exprimer tout son potentiel. Quand on a 20 ans, qu’on joue en L1, qu’on est titulaire à Monaco, on peut prétendre à l’équipe de France Espoirs. J’aimerais le voir porter ce maillot très vite, je suis fier de son parcours. »
Fier de son joueur, Niko Kovac l’est aussi. « Il est très performant avec le ballon et même s’il peut encore s’améliorer sans ballon, sa progression est remarquable », a salué l’entraineur monégasque juste avant la victoire à Montpellier (3-2, le 15 janvier dernier). « Contre Angers, (9 janvier, victoire 3-0), on a vu un Sofiane qui avait envie d’apporter au collectif, qui sprintait, qui se battait sur chaque ballon, même en défense. Dans le football moderne, il faut savoir être bon avec et sans ballon mais aussi dans les deux transitions, il a réussi à le faire. »
Association B.L.O. : un parrain pas comme les autres
En dehors du terrain, Sofiane Diop se distingue aussi sur le plan social. Tenté par son meilleur ami Malamine Doumbouya, il se lance dans l’association B.L.O (Besoins, Loisirs, Organisation) basée à Blois et organise une distribution alimentaire au début du mois de décembre. « Sofiane est généreux, très attachant, là pour ses amis et sa famille », résume le jeune joueur de Lorient. « Il voulait marquer le coup en faisant une distribution dans son quartier d’enfance à Tours. On a pu voir que c’était quelqu’un qui voulait aider son prochain, ça le représente totalement. On a mis les choses en place en appelant la mairie de Tours puis on a fait une grosse commande de produits alimentaires, du liquide vaisselle aux légumes en passant par les conserves… de quoi tenir pour une semaine. »
Ne pouvant être présent car, par obligation professionnelle, il doit se déplacer à Lille, le milieu de terrain prévient ses parents et des amis pour la distribution. De son côté, Basekhou Cissé, président de l’association B.L.O. et désormais ami de Sofiane Diop, ne pouvait rêver meilleur parrain. « Il a financé entièrement la distribution et n’a pas demandé un euro à l’association pour aider les personnes en précarité. Sofiane est important pour nous car il participe pleinement aux décisions. Partout dans le monde, il y a un paquet de sportifs dans les associations mais qui s’investissent comme lui, je pense qu’ils ne sont pas nombreux. Il prend le temps de nous écouter, de nous aider, de nous mettre en relation avec des partenaires, c’est plus qu’un parrain. Il fait partie intégrante de l’association. »
Vers de nouvelles œuvres sociales
Si cette distribution alimentaire est la première action sociale organisée par Sofiane Diop, le milieu monégasque a déjà d’autres envies. « Il y a de gros projets que Sofiane nous a soumis », se félicite Basekhou Cissé. « Il aimerait faire une grande tombola et ainsi faire gagner des chaussures, des maillots ou des survêtements. On travaille aussi sur l’ouverture d’une épicerie sociale et solidaire dans un quartier en grande précarité à Blois. Elle serait ouverte tous les jours pour permettre aux personnes dans le besoin de faire leurs courses à bas prix. Si cela marche, alors on envisagera de la faire à Tours, chez lui. »
Cette facette du personnage, Yannick Menu ne la connaissait pas forcément. Cependant, le néo-rémois n’est pas surpris. « Un garçon de 20 ans est sans doute préoccupé par autre chose que de venir en aide à des gens en difficulté. Quand on connait son environnement et ses parents ce n’est pas étonnant. Son éduction lui permet cette ouverture vers les autres, cette empathie et ainsi se tourner vers des causes nobles. » En revanche, pour la réception de Marseille, ce samedi, au stade Louis II, Sofiane Diop n’a pas prévu de faire dans la charité.
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