Confinés mais au travail, forcément par téléphone donc. Bernard Caiazzo, président du conseil de surveillance de Saint-Etienne, Gérard Lopez, dirigeant du LOSC, et Nicolas Holveck, nouveau président du Stade Rennais, ont évoqué les inquiétudes de la Ligue 1 en cette crise du coronavirus. Et les questions sont nombreuses.
La reprise de la saison
« Le postulat de base est de préserver la santé de tous, toutes les énergies sont mobilisées pour sauver nos clubs, insiste Bernard Caiazzo à propos d’une éventuelle reprise de la saison de Ligue 1. On ne peut pas arrêter le championnat car on s’expose à des sanctions de la part de l’UEFA. La Belgique l’a fait et s’est faite reprendre de volée. Nous ne sommes que début avril, on a encore le temps. » Une référence au coup de pression de l’instance européenne concernant le championnat belge, qui a scellé l’arrêt définitif de sa saison.
Comme le souligne Nicolas Holveck, « le scénario de reprise va dépendre de la décision du gouvernement pour la réouverture des centres d’entraînements et des stades. Il faut tenir compte aussi de l’UEFA, qui maîtrise le calendrier et qui souhaite une harmonisation pour terminer la saison au 3 août ». Histoire de ne pas trop bousculer la saison suivante.
Les discussions avec les diffuseurs pour les droits TV
Autre question épineuse: le paiement des deux dernières échéances de droits TV pour la saison en cours. Quatre présidents de clubs (Nasser Al-Khelaïfi, Jacques-Henri Eyraud, Olivier Sadran et Jean-Pierre Rivère, ont été nommés pour mener les négociations avec Canal+ et BeIN Sport, qui ont suspendu leurs versements.
« Dans cette situation de crise, nous sommes des associés, insiste le dirigeant des Verts. Canal+ est un partenaire de longue date qui mérite un certain respect. Je suis sûr d’une chose, Canal + ne laissera jamais tomber le foot français. Il n’y pas que Canal, il y a aussi BeIN. L’objectif est d’éclaircir la situation et pour cela, on fait confiance aux gens qui vont négocier. »
« Aujourd’hui, on traverse une crise très grave pour tous les clubs français, rappelle Nicolas Holveck. La seule chose qui compte, c’est de sauver tout le monde, les 40 clubs professionnels de L1 et de L2. Aujourd’hui, il y a tous les egos à mettre de côté et c’est pour cela que l’on envoie les meilleurs pour discuter. » Gérard Lopez tenant à signaler que « Nasser Al-Khelaïfi ne s’est pas proposé. On lui a demandé. Il faut être clair là-dessus ».
Des risques de faillite pour certains clubs
Une chose est certaine selon Bernard Caiazzo, « tous les clubs sont au même niveau d’inquiétude. Si la crise dure six mois, il n’y aura pas grand monde à résister. » Si le chômage partiel a été largement utilisé en Ligue 1, d’autres solutions sont envisagées, en concertation avec les joueurs et l’UNFP.
« On est tous à la recherche de financement et d’économie et donc, forcément les joueurs seront mis à contribution, admet le président de Rennes. Mais il n’y a pas que les joueurs qui sont concernés dans nos clubs. Le chômage partiel a été mis en place pour tous les effectifs et tout le monde est touché. Nous sommes des entreprises particulières, parce qu’on a des masses salariales très importantes. Le chômage partiel compense surtout les bas salaires. Nous sommes très certainement les entreprises qui sont les plus sujets à la crise, et les salaires très importants sont moins couverts par le chômage partiel. Cela nous amène à chercher d’autres solutions. »
« On avance avec les joueurs et l’UNFP, mais aussi avec nos partenaires, nos banquiers, pour trouver le maximum de ressources possibles, poursuit Nicolas Holveck. On avance par étapes, nous travaillons sur le mois d’avril parce qu’on ne sait pas combien de temps va durer la crise. Si la crise doit durer, on va devoir envisager d’autres mesures. On cherche d’autres financements car il y a cette particularité du foot, qui fait que nous sommes plus impactés que les autres. L’idée n’est pas de se plaindre mais c’est un fait. On doit agir avec ce fait. »
Les priorités des présidents de clubs
Bernard Caiazzo l’assure: il n’est pas question d’en laisser sur le bord de la route. « On travaille pour trouver des solutions avec les diffuseurs, réduire les charges, trouver des financements intelligents, anticiper sur les scénarios possibles, se coordonner avec la fédération et la ligue, dialoguer avec les pouvoirs publics et échanger les informations avec tous les clubs. On veut sauver tout le monde. On ne veut pas laisser sur le bord de la route un club quel qu’il soit, petit, moyen ou grand! », insiste-t-il.
Du côté du Stade Rennais, on pense à finir le championnat dans des conditions sanitaires le permettant. « La priorité des priorités, c’est de finir le championnat dans des conditions sanitaires rassemblées pour le terminer, insiste Nicolas Holveck. On verra ensuite pour le mercato, mais ce sera après les championnats. Et on parlera ensuite de la saison prochaine. Allons-y par étapes. »
Le mercato pourrait d’ailleurs subir quelques changements. « L’UEFA discute de l’idée d’un seul mercato qui pourrait durer quatre mois, en tenant compte des règlements à mettre en place avec des joueurs à inscrire pour les coupes d’Europe, détaille Gérard Lopez. Et donc ne pas avoir deux mercatos, un pour l’été qui sera décalé et ensuite un pour l’hiver. Aujourd’hui, les discussions vont dans ce sens, en sachant qu’il faudra réadapter les règlements. »
Pourquoi il n’y a pas de fond de réserve dans le foot professionnel
« Personne n’avait prévu cette situation, cette crise sanitaire, rétorque Bernard Caiazzo. Dans aucun pays, il n’y a eu ce genre de prévisions. Le championnat ne s’est pas arrêté en France depuis la Seconde Guerre Mondiale. Peut-être que pour les années futures, il faudra envisager d’anticiper pourquoi pas. Personne ne pouvait prévoir tout ça. »
Parmi les explication, l’idée que le football est ancré dans l’instant. « La culture du foot, c’est la culture du prochain week-end, résume le président de Lille. Et à partir de là, plus vous allez mettre de l’argent dans le système, plus le système va l’utiliser. Pour moi, il y aura un avant et un après… J’espère qu’on n’aura pas une nouvelle pandémie, mais je pense qu’il y aura des réflexions à mener pour être capable, peut-être pas d’avoir des réserves, mais de pouvoir répondre à des situations exceptionnelles. C’est vrai que le fait de mettre en place un genre de parachute, c’est quelque chose sur lequel il faut réfléchir. »
C’est après aussi, Nicolas Holveck l’entrevoit: « Il y aura forcément un après. J’espère que l’on sera pragmatiques pour en tirer les conséquences. Les enjeux sont tellement importants, les montants sont tellement énormes que c’est impossible d’avoir un fond de garantie. Il faudra se préparer à d’autres crises de ce type et être un petit peu plus raisonnable en prévoyant la possibilité que ça arrive. Mais prévoir des réserves, je n’y crois pas beaucoup. »
Une saison qui pourrait dépasser le 30 juin
Terminer la Ligue 1 durant la période estivale supposerait quelques dérogations concernant les joueurs en fin de contrat au 30 juin. « Si on veut que l’équité soit respectée, les contrats qui se terminent au 30 juin et les contrats de fin de prêts devront forcément être prolongés, pour permettre aux clubs de finir la saison avec leur effectif, insiste le dirigeant rennais. C’est le droit du travail qui prévaut. Il y a la FIFA qui aura son rôle à jouer, avec la période de mercato notamment. Si la période est décalée, il n’y aura pas la possibilité pour les joueurs de se réenregistrer. Et pas question de laisser des joueurs sans club. Ce sera une discussion individuelle avec le joueur concerné, puisque le contrat de travail doit être signé par le joueur lui-même. »
Quels financements intelligents pour demain?
« Si l’on ne reprend pas et que les diffuseurs ne paient pas, le besoin sera de minimum de 200 à 300 millions d’euros, estime Gérard Lopez. Ce sont des chiffres que l’on connait en se référant aux comptes d’exploitation de la plupart des clubs. Si le décalage est plus important, ce chiffre va passer à 400 à 500 millions. La capacité d’emprunter pour ne pas bloquer son capital, c’est très anglo-saxon. Si on doit aller chercher un financement de ce type-là – la ligue a déjà travaillé sur ce sujet – c’est pour que tous les clubs qui en ont besoin en France, de façon intégrée, puissent avoir accès à ce financement. Ceux sont des fonds qui sont habitués à réagir rapidement. »
« Cela se fait avec des garanties, c’est ce dont on doit discuter avec la ligue et les clubs. Je donne un coup de main parce que je les connais et que je peux peut-être aider à faire accélérer le processus, poursuit le président lillois. Les garanties seront importantes mais c’est une question de semaines, pas de mois, si on ne perd pas trop de temps avec la préparation. C’est quelque chose qui peut se faire assez rapidement. »
https://rmcsport.bfmtv.com/football/ligue-1-reprise-problemes-economiques-mercato-trois-presidents-font-le-point-1889369.html