Pourquoi Canal+ a-t-elle intérêt à faire une offre?
Depuis la défaillance de Mediapro, le groupe sino-espagnol qui avait promis au football français la somme record de plus de 800 millions d’euros par an jusqu’en 2024 pour diffuser la Ligue 1 et la Ligue 2, 80% des rencontres sont sur le marché. C’est une aubaine pour Canal+, la chaîne historique de première division, repartie bredouille de l’appel d’offres en 2018. Depuis plus de deux ans, la chaîne cryptée martèle via son patron Maxime Saada que la L1 ne vaut pas plus de 650 millions d’euros par an. L’occasion est unique de prouver au marché que sa stratégie était la bonne.
Pourquoi Canal+ temporise-t-elle?
Alors que la LFP a récupéré ses droits TV depuis le 22 décembre, aucune offre formelle n’a été soumise par la chaîne du groupe Vivendi depuis lors, selon plusieurs sources ayant connaissance des négociations. Seule la codiffusion par Canal+ du Trophée des champions (PSG-OM le 13 janvier) a été actée. Quelques chiffres ont été évoqués oralement auparavant, selon ces mêmes sources, avec une potentielle proposition à hauteur de 590 millions d’euros annuels pour l’intégralité de la saison de L1, bien loin du 1,153 milliard d’euros obtenu initialement.
« Canal+ n’est pas pressé », confirme à l’AFP un connaisseur du dossier. « Ils ont été ridiculisés il y a trois ans et cela les a vraiment blessés. Aujourd’hui, Canal doit se poser la question: a-t-elle vraiment besoin du foot français? La réponse, c’est qu’il y a un prix où ça peut être intéressant, et un autre où ça ne l’est plus ». En effet, depuis l’échec de l’appel d’offres de la Ligue 1, Canal+ a rebondi en rachetant à beIN Sports deux affiches de championnat par journée pour 330 millions d’euros par an, et en sécurisant le retour de la prestigieuse Ligue des champions dès 2021-2022.
Résultat: les pertes d’abonnés ont été minimisées. Autre explication pour cette temporisation: les difficultés pour budgétiser un tel investissement imprévu. Or, chaque semaine qui passe, c’est autant de journées de championnat qui s’écoulent, et donc autant à retirer de la facture. « Le temps joue pour Canal car finalement, ils n’ont pas grand-chose à perdre. En termes de négociation, leur position est extrêmement favorable », analyse Thomas Coudry, analyste médias et télécoms chez Bryan, Garnier & Co.
Quel rôle pour l’Etat?
Plusieurs sources proches du dossier avancent l’existence de négociations en cours entre Vivendi et l’Etat en vue d’obtenir des réformes audiovisuelles favorables au groupe de Vincent Bolloré notamment sur la TVA, qui seraient des conditions préalables à un investissement massif sur le foot. Encore faut-il que le gouvernement soit déterminé à agir pour sauver le monde du foot et ses gros salaires, dont la « cupidité » a récemment été dénoncée par le ministre de l’Education et des Sports Jean-Michel Blanquer. A ce sujet, des dirigeants du foot français vont ouvrir le débat de la baisse des salaires des joueurs: une réunion est prochainement prévue avec le syndicat des joueurs UNFP, comme expliqué par RMC Sport.
Y a-t-il un risque d’écran noir?
L’accord entre la Ligue et Mediapro prévoit que la chaîne Téléfoot diffuse à ses frais les matchs « jusqu’au 31 janvier au plus tard ». La chaîne a d’ailleurs déjà prévenu ses abonnés qu’elle émettrait au moins jusqu’au 20 janvier. Selon une source proche du dossier, Téléfoot est néanmoins prête à jouer les prolongations jusqu’à la désignation d’un nouveau diffuseur. « Après le 31 janvier, cela reste ouvert. Il faudra que Mediapro et la Ligue renégocient », estime cette source. Une date est dans toutes les têtes, celle du 7 février, jour du choc de Ligue 1 entre Marseille et Paris, une affiche à fort potentiel. Canal+ aura-t-elle dégainé une offre d’ici là?
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