Quelle sortie de crise pour le football français ? Et dans quel état ? Les clubs de Ligue 1 tremblent depuis que Mediapro se retrouve en retard de paiement sur la deuxième échéance de la saison, avec 141 millions d’euros toujours attendus (sur les 814 millions d’euros par an, L2 comprise), et que son dirigeant, Jaume Roures, a annoncé son intention de renégocier, forcément à la baisse, les droits TV chèrement acquis en 2018. A l’époque, la LFP n’avait pas exigé de garantie bancaire. Seulement une garantie de l’actionnaire majoritaire de Mediapro, le groupe chinois Orient Hontai Capital (53%).
« Le premier choix, c’est de se retourner vers Orient Hontai Capital en disant que Mediapro ne paye pas et que c’est à eux de payer en vertu de la garantie que nous avons », expose Pierre Maes, consultant international en droits TV, auteur du livre « Le business des droits TV du foot » et invité de l’After ce jeudi soir sur RMC. Mais le mystère qui entoure ce fonds chinois n’incite pas à l’optimisme. « La spécificité d’Orient Hontai, c’est que c’est une petite boite… et que personne ne la connait, explique Pierre Maes. Entre le moment où ils ont investi dans Mediapro, début 2018, et aujourd’hui, ils n’ont rien fait. Il n’y a pas eu d’autres investissements. C’est très surprenant. »
Sans nouvelle d’Orient Hontai Capital, la LFP n’aurait guère de choix pour la suite. « Je pense, tout simplement, que la Ligue est obligée de faire un appel d’offres », avance Pierre Maes. Mais la barre du milliard d’euros, dépassée lors de la précédente vente en 2018 (avec Canal+ et Free), pour la période 2020-2024, serait alors un mirage. Comment éviter une baisse conséquente alors que toute l’économie est affectée par les conséquences de la pandémie de coronavirus ? Comment tenter de faire croire qu’un acteur réussira à attirer 3 millions d’abonnés, la promesse semble-t-il intenable de Mediapro?
« Mediapro, c’est tout son projet qui coule »
« Aujourd’hui, il y a un retard de paiement de deux jours. Mais d’un autre côté, Roures, en donnant cette interview, s’est tiré une grosse balle dans le pied, estime Pierre Maes. Mediapro ne vendra plus un seul abonnement. C’est tout son projet qui coule. C’est une attitude quasi suicidaire pour le projet. De là, on peut déduire que le défaut de paiement va se confirmer. On va se retrouver dans un scénario unique, jamais vu en Europe, sauf une fois en Angleterre: la faillite de ONdigital au début des années 2000, qui avait acheté les droits de la D2 anglaise très cher et s’est complètement planté après quelques mois. Il y a eu des faillites de deux, trois clubs (une quinzaine en redressement judiciaire, ndlr). »
Pour les clubs français, si le retard de paiement de Mediapro se transforme en défaut de paiement, c’est l’intervalle jusqu’au prochain appel d’offres, même s’il a lieu assez rapidement, qui générerait beaucoup de tension. « Le fait que les droits TV descendent à 500 millions ou même 300, ce n’est pas tellement un problème, explique Pierre Maes. Il suffit de payer moins les joueurs et de donner moins d’argent dans les transferts. Le problème, c’est la transition, entre le moment A et le moment B. Là, t’es bloqué par les contrats des joueurs que t’es obligé de payer. C’est dans cette période de transition que les clubs qui ont pris le plus de risques, qui ont le moins de trésorerie, peuvent crasher. » Sombre perspective pour les clubs de Ligue 1, déjà affaiblis par la billetterie réduite à néant à cause du Covid-19, entre autres choses. Ils risquent de payer très cher le pari fait en 2018.
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