Eric Cantona est un personnage singulier de notre football. Inclassable. Lionel Charbonnier l’a une nouvelle fois prouvé dans l’After Foot ce vendredi soir sur RMC, en rapportant la folle histoire d’une tournée estivale en Pologne qui aurait pu tourner au drame. Auxerre s’y déplace à la fin des années 80 pour disputer un tournoi amical, « le premier qui est télévisé en Pologne ». « Il fallait absolument que l’équipe locale aille en finale pour les télévisions », s’est-il souvenu à propos de cette rencontre.
Auxerre mène alors 1-0, mais l’arbitre siffle « un penalty imaginaire », d’après le récit qui en est fait par Lionel Charbonnier. Une fois la sentence exécutée, les deux équipes sont à égalité 1-1, forcées de se départager à l’issue de la séance des tirs au but. « Canto est très énervé, poursuit Charbonnier. Il y a eu des échauffourées avec l’arbitre. Les caméras sont rentrées sur le terrain pour filmer de plus près. Canto a baissé son froc devant la caméra pour lui montrer son cul. » Guy Roux se serait interposé pour aplanir les tensions entre les acteurs de ce match.
Une poignée de dollars ou la vie
C’est alors qu’intervient la fameuse séance de tirs au but. Une chanson très entraînante retentit dans une salle extrêmement bruyante. « Canto se met à faire la danseuse, à sauter d’un pied sur l’autre, les bras en l’air, reprend Charbonnier. Et il y va comme ça, depuis le milieu de terrain, pour tirer son penalty, ça met une haine terrible aux joueurs. Il prend 20m d’élan, tout le monde s’attend à ce qu’il mette une sacoche. Mais il met un petit piqué. Il marque le but et file vers la tribune. Il se remet à danser devant tous les Polonais. Il est seul contre tous. » Un oeuf cru lui tombe sur la tête.
Cantona disparaît sur le chemin des vestiaires, ses coéquipiers et son entraîneur n’ont pas idée d’où il peut bien se trouver. Un bruit sourd retentit au-dessus de leurs têtes, qui n’annonce rien de bon. « Canto était parti retrouver le mec, seul contre tous les Polonais, jure Charbonnier. Il s’en est sorti parce qu’il lui restait quelques dollars dans la poche. C’est lui qui nous l’a raconté, le pauvre: ‘Ils étaient en train de m’étouffer, j’ai juste eu le temps de prendre les dollars et de les balancer en l’air’. Ils l’ont laissé tomber pour ramasser les dollars et lui s’est échappé. »
Guy Roux a déjà livré sa propre version des faits
Une histoire en tous points identiques a été narrée dans la biographie de l’enfant terrible du football français, intitulée: « Cantona, le rebelle qui voulut être roi » (Philippe Auclair, aux éditions du Cherche midi). Interrogé par l’auteur de ce livre, Guy Roux donne sa propre version des faits.
« Auxerre participait à un tournoi à Mielec, dans le sud-est de la Pologne. Cantona régale le public avec une reprise en ciseaux, puis un but magnifique… Mais les gens n’apprécient pas, loin de là. Pendant qu’on rentre aux vestiaires, un type balance un oeuf sur la cuisse de Cantona. Il devient fou, j’essaie de le retenir. Rien à faire. C’est comme faire du ski nautique derrière un bateau de course. Eric escalade la tribune à la recherche du type et je me dis: ‘Pourvu que l’autre se cache quelque part.’ Je lui lance alors: ‘Eric, si tu le touches, on est en Pologne, chez les communistes, tu vas te prendre dix ans et je ne pourrai pas te sortir de là.’ Bernard Ferrer, lui, criait: ‘Pense à Isabelle!’ Là, on se retrouvait au milieu de tous ces mineurs polonais, des gars qui descendaient à 2000 mètres sous terre tous les jours. Mais Eric n’a jamais retrouvé son lanceur d’oeuf, et on était sauvés. »
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