Mère et agent d’Adrien, le milieu de la Juventus et de l’équipe de France, Véronique Rabiot s’est fait remarquer lundi soir pour une altercation avec les proches de Paul Pogba et Kylian Mbappé après le match contre la Suisse à l’Euro 2021, et l’élimination des Bleus. Un nouveau fait d’armes pour ce personnage à la personnalité bouillante.
Elle est la femme au cœur de la petite affaire qui secoue les Bleus. Comme révélé par RMC Sport mardi, l’après-match entre la France et la Suisse, lundi soir à Bucarest, a été marqué par une altercation en tribune entre des proches de joueurs tricolores. Avec d’un côté le clan de Paul Pogba et celui de Kylian Mbappé, et de l’autre, Véronique Rabiot.
La mère d’Adrien (26 ans), le milieu de terrain de la Juventus, a reproché à l’entourage de la « Pioche » sa perte de balle sur l’égalisation helvète (3-3), et à celui de l’attaquant du PSG, en plus de son penalty manqué, son arrogance. Surtout, elle l’aurait fait à sa manière: avec véhémence, sans mâcher ses mots. Quitte à heurter ses interlocuteurs.
Avec le PSG, un passé chargé
Dans le monde du ballon rond, Véronique Rabiot est un personnage bien connu. Un personnage à part, aussi. Parce qu’en plus d’être la mère d’Adrien, elle est son agent depuis la signature de son premier contrat professionnel en 2012 au PSG, parce qu’elle est une femme évoluant dans un milieu masculin et parfois machiste, et parce qu’elle a été impliquée dans plusieurs règlements de comptes publics au fil des années.
Avant que le milieu relayeur aux célèbres boucles ne quitte Paris en 2019, sa mère a régulièrement ciblé les entraîneurs ou dirigeants du club de la capitale, coupables selon elle de ne pas apporter à sa progéniture le traitement mérité. A l’été 2015, elle réclamait ainsi le départ du PSG de son fils, qui ne jouait pas suffisamment sous les ordres de Laurent Blanc. En glissant au passage un tacle à Olivier Letang, le directeur sportif adjoint: « Que je regrette le départ de Leonardo! Il faudrait un ancien footballeur de haut niveau en tant que directeur sportif, lâchait-elle. Quelqu’un qui sait écouter et comprendre les joueurs. »
En décembre 2018, c’est cette fois avec le directeur sportif Antero Henrique que le torchon avait brûlé. A six mois de la fin du contrat d’Adrien au PSG, sa représentante clamait son envie de liberté, et que sa décision de quitter le club était « ferme et définitive ». « La situation s’est totalement dégradée, résumait Véronique Rabiot sur RTL. Ce n’est plus possible de revenir en arrière. Ce n’est absolument pas une question d’argent et cela n’a jamais été une question d’argent avec le PSG. (…) C’est très simple: Adrien veut partir, le club ne veut pas le laisser partir. Tout le monde le sait dans le monde du football, ce sont des pratiques qui ont lieu, c’est ‘le joueur ne joue plus pour qu’il signe sa prolongation’. »
Le bras de fer n’était pas resté sans conséquence, puisqu’Adrien Rabiot avait été mis à l’écart du groupe pro au PSG, puis carrément mis à pied en mars pour être sorti en boite de nuit après l’élimination du club par Manchester United en Ligue des champions. Furieuse, Véronique Rabiot avait vivement réagi dans une interview à L’Equipe: « Adrien est prisonnier, lançait-elle. Il est même otage du PSG. Bientôt c’est au pain sec, à l’eau et au cachot! Ce milieu est cruel… Un footballeur est fait pour jouer, pas pour rester au placard. » Et d’interpeller la ministre des Sports: « Il n’y a que l’UNFP (Union nationale des footballeurs professionnels) qui réagit. Ils sont là depuis le début pour faire respecter le droit. Après, tout ça ne dérange personne. Y compris en haut lieu… Je suis surprise que les ministres des Sports (Roxana Maracineanu) et du Travail (Muriel Pénicaud) ne s’indignent pas. » Embarrassée, Maracineanu avait gentiment botté en touche.
Le Graët en a pris pour son grade, ses détracteurs aussi
En janvier 2020, après avoir exfiltré son fils du côté de Turin lors du précédent mercato estival, c’est le président de la FFF, Noël Le Graët, qui avait été l’objet de son courroux. Le patron de la Fédération, revenant sur le refus d’Adrien Rabiot d’être réserviste chez les Bleus avant le Mondial 2018, avait évoqué une tentative de réconciliation tuée dans l’œuf par Madame Rabiot. Réponse de la concernée sur La chaîne L’Equipe: « Je n’ai eu aucun contact avec Monsieur Le Graët. Il ne m’a pas parlé, je ne lui ai pas parlé. (…) Je sais ce que Monsieur Le Graët a déclaré et aujourd’hui, droit dans mes bottes, je vous dis: Monsieur Le Graët est un menteur. » Crochet du gauche, une victime de plus.
Vous l’aurez compris, la maman-agent n’est pas du genre à arrondir les angles. Elle vide son sac régulièrement, attaque frontalement, ne flatte pas les egos. Dans un portrait en 2014, le JDD parlait d’une personne « sensible et intelligente », mais aussi d’une mère à « l’omniprésence envahissante », « butée », « parano » ou « susceptible ». Moquée dans certains sketchs, Véronique Rabiot n’a pas hésité à attaquer en justice ses détracteurs.
Obstinée, mais protectrice
Mais la conseillère est avant tout protectrice. Dans un contexte familial douloureux, puisque Michel, le père d’Adrien, a souffert pendant une douzaine d’années d’un syndrome d’enfermement (une paralysie quasi-totale, tout en restant conscient) avant de s’éteindre début 2019, cette médiatrice de formation a fait en sorte de protéger ses trois fils et de défendre corps et âme les intérêts du dernier.
Si son franc-parler et sa propension à bloquer l’accès à Adrien n’ont pas forcément servi l’image de l’international, si ses choix n’ont pas toujours été compréhensibles, Véronique Rabiot a privilégié la carrière du joueur et son évolution sportive à de juteuses commissions. Ce qui la rend plus difficile à cerner – ou à contrôler – pour les dirigeants de clubs. « C’est mon agent, donc elle a forcément un rôle, expliquait le Turinois lors de son arrivée en Italie à l’été 2019. On travaille ensemble. Elle m’aide de la façon dont un agent aide son joueur. Les relations entre une mère et un fils sont une autre part. Pour ce qui est du travail dans le monde du football, c’est quelqu’un qui compte beaucoup pour moi. »
Pour ce qui est du privé, le milieu ne s’est jamais véritablement confié – sans doute par pudeur. A son époque PSG, il a longtemps vécu à Saint-Germain-en-Laye avec Véronique, qui venait en plus assister aux entraînements au Camp des Loges. On disait parfois les deux en désaccord, mais jamais le fils n’a tourné le dos à la mère, ni confié la gestion de sa carrière à une tierce personne. Car la confiance est là, toujours.
Des coups de main salués
Quand elle ne s’occupe pas du « Duc », Véronique Rabiot se démène parfois pour aider les autres. A l’été 2019, une anecdote surprenante était venue d’Allemagne. Une anecdote confiée par l’ancien joueur belge Jean-Marc Bosman, qui a donné son nom dans les années 90 au fameux arrêt sur la suppression des limitations de joueurs étrangers européens dans les clubs, mais qui a fini sans le sou. « J’ai un seul ami dans le foot: Adrien Rabiot, disait-il à Bild. L’an dernier, sa mère avait vu mon histoire dans un documentaire. Elle l’avait trouvée géniale et voulait m’aider. Elle m’a rendu visite avec le frère d’Adrien et m’a donné 12.000 euros. »
Ces derniers mois, c’est à l’US Alfortville (Val-de-Marne), un club de jeunesse d’Adrien en conflit avec la municipalité, que Véronique a donné de son temps et de son argent. « Sans elle, on n’existerait plus, assurait en mars le président du club amateur à So Foot. Elle nous paye la location des terrains, les éducateurs, des stages et des sorties pour les enfants pendant les vacances scolaires, elle leur offre des maillots d’Adrien et des masques de la Juventus. Depuis septembre, ce qu’elle donne au club doit dépasser les 100.000 euros. » Alors oui, Véronique Rabiot est une personnalité bouillante, parfois embarrassante. Mais elle est davantage que cela.
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