Avant de pousser en faveur de l’organisation de la Coupe du monde et de l’Euro tous les deux en tant que directeur du Développement du football mondial à la Fifa, Arsène Wenger fut l’un des entraîneurs les plus virulents à l’égard des Fédérations et des sélectionneurs lorsqu’il était question de protéger ses joueurs à Arsenal.
Arsène Wenger n’a pas retourné sa veste. Mais à 71 ans, le technicien alsacien a changé de camp. Et donc d’intérêts. Depuis 2019, le Français occupe le poste de directeur du Développement du football mondial à la Fifa. Une fonction qui l’a conduit à travailler sur une refonte totale du calendrier international avec le projet d’une Coupe du monde et d’un Euro disputés tous les deux ans et non tous les quatre ans. Une véritable révolution qui va dans le sens des sélections, beaucoup moins dans celui des clubs. Wenger assure ce vendredi à L’Equipe que le calendrier étudié ne donnerait pas plus de matchs à disputer aux joueurs et garantirait moins de fatigue en raison d’une saison beaucoup moins hachée par les trêves internationales. Pas sûr néanmoins que les coachs des clubs soient emballés à l’idée de perdre leurs meilleurs joueurs chaque été.
D’ailleurs, entre 1996 et 2018, lorsqu’il était le tout puissant manager d’Arsenal, Arsène Wenger n’a jamais ménagé les sélections pour défendre les intérêts de son club. On ne compte pas les conflits ou les passes d’armes avec les sélectionneurs présent ou passé.
En 2005, il tacle la FFF pour un match des Bleus organisé en Martinique
Octobre 2012 : le très fragile Abou Diaby se blesse avec les Bleus face à la Finlande (1-0, but de… Diaby). Puis rechute avec les Gunners contre Chelsea. Colère de Wenger. Sa cible, Didier Deschamps: « C’était une erreur de l’aligner contre la Finlande. Ils pouvaient l’appeler sans le faire jouer. Ce gars a été blessé un an et n’avait disputé que quatre ou cinq rencontres. Cette trêve internationale lui offrait une pause de deux semaines pour récupérer complètement. » Réponse, ou plutôt recadrage de DD: « Je voudrais lui rappeler que ce n’est pas lui qui décide de qui va être sélectionné et du temps de jeu des sélectionnés. Il n’y en a qu’un qui décide de ça et c’est moi. Au cas où, si quelqu’un ne le savait pas… »
Arsène Wenger ne décolère pas, surtout quand ces blessures (ou leur aggravation) surviennent lors de matchs amicaux, comme ce fut le cas pour Robin van Persie et Thomas Vermaelen, toujours en 2012. Il avait alors qualifié l’attitude des deux sélections d’ »irrespectueuse ». En 2005, l’Alsacien s’emporte contre la FFF, qui organise un match amical face au Costa Rica en Martinique, alors que la saison est bien chargée. « C’est scandaleux, souffle-t-il alors. Faire de l’humanitaire avec l’argent des autres, c’est facile. »
Gallas « est payé par le club, pas par l’équipe de France »
A cette époque, le boss des Bleus s’appelle Raymond Domenech. Pas le meilleur ami de Wenger, qui n’a jamais épargné « le seul sélectionneur national » qui ne l’appelle jamais. Grand pourvoyeur de talents dans les années 2000, Arsenal a pu compter sur un Wenger cinglant et offensif face à l’ex-coach du FC Nantes. « Nous devons tout d’abord nous préoccuper des intérêts d’Arsenal, se fâche-t-il en 2007 après une blessure de son défenseur William Gallas. L’équipe de France, c’est quelque chose d’important. Mais Arsenal l’est tout autant, et puis il est payé par le club, pas par l’équipe de France. »
Les blessures des internationaux ont toujours été au centre des tensions voire des querelles entre l’ancien coach londonien et les sélections. En 2016, Alexis Sanchez se blesse aux ischio-jambiers avec la sélection chilienne. Pour le coup, Wenger n’affichera pas une confiance absolue au staff médical sud-américain pour gérer sa blessure: « Notre staff médical doit avoir accès aux résultats de l’IRM pour voir le degré de blessure et à quel point c’est grave. Nous devons être sûrs qu’ils ne vont pas prendre une décision suicidaire qui pourrait nuire à son avenir pour deux ou trois mois. C’est une zone d’ombre entre l’équipe nationale et le club. Bien sûr, ils regardent leurs propres résultats et je peux les comprendre mais nous devons penser à la santé d’Alexis Sanchez. Il veut toujours jouer et c’est ce qui en fait un cas plus sensible car il a déjà joué blessé. »
Wenger « comprend les réticences » pour une Coupe du monde tous les deux ans
Ces craintes pourraient-elles se multiplier si le projet d’une Coupe du monde et d’un Euro tous les deux ans est acté ? Le Wenger entraîneur d’Arsenal l’aurait-il soutenu ? « Si en contrepartie, j’avais pu avoir mes joueurs avec moi toute l’année, j’y aurais réfléchi sérieusement, répond l’intéressé ce vendredi. Je comprends les réticences, mais je dois souligner que 166 pays ont demandé que l’on étudie cette possibilité. Je pense que c’est faisable, à condition d’obtenir cette clarté et cette simplicité dans l’organisation. Il faut qu’il y ait moins de mixité dans le calendrier entre les périodes des clubs et les périodes des sélections, et donc moins de voyages transcontinentaux pour les joueurs, par exemple. Ce qui ressort des études sur la récupération, c’est que la fatigue des joueurs est impactée par les voyages et les chocs climatiques », conclut l’Alsacien.
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