Lundi, la LFP, après une réunion exceptionnelle du conseil d’administration, a annoncé vouloir coûte que coûte terminer la saison 2019-2020, arrêtée après l’épidémie de covid-19.
Elle propose la date du 30 juin et irait même jusqu’au 15 juillet, dans le pire des cas, pour la dernière journée. Mais la ligue n’est pas la seule à mettre en avant cette absolue nécessité. Avant elle, le président de Lyon, Jean-Michel Aulas, avait invité à tout simplement abandonner les coupes nationales et européennes afin de libérer des places au championnat sur le calendrier.
Il faut finir
Idem à Nice, où le président Jean-Pierre Rivère est allé plus loin en soumettant le projet de poursuivre au moins jusqu’en novembre. D’abord pour favoriser la reprise et la réathlétisation des joueurs mais aussi s’adapter aux prochains calendriers internationaux, avec la coupe du Monde de 2022, au Qatar, en ligne de mire.
A l’étranger, c’est le même son de cloche. Il faut absolument finir. Tous les clubs anglais, espagnols, allemands, italiens, etc. veulent aller au bout, c’est une nécessité sportive et économique. La simple annulation des championnats du Big-Five pourrait en effet coûter plus de 4 milliards d’euros, selon un rapport du cabinet d’étude KPMG. Et ce sans compter les effets indirects.
Bernard Caïazzo, président de l’AS Saint-Etienne, chiffrait même le coût à 1 milliard d’euros pour la seule ligue 1 française, contre 480 millions dans le rapport KPMG. A chaque fois, ce sont les pertes sèches en billetterie, les remboursements des droits TV des diffuseurs et les renégociations des contrats commerciaux qui sont mis en avant.
Mais un autre élément jamais cité pourrait, à lui tout seul, mettre à mal grandement toute la structuration et l’organisation du football européen : le marché des transferts.
La logique actuelle de l’économie du foot pourrait être remise en cause
Depuis de nombreuses années, toute l’économie du foot est basée sur le trading, sur la vente et l’achat de joueurs. Comme une espèce de système bancaire indépendant, les clubs s’échangent des joueurs payés à crédit et échelonnent les paiements sur la durée de leurs contrats. Ou alors, si les joueurs sont payés comptants, inscrivent dans leur comptabilité l’échéancier annuel.
D’après un rapport du Sénat, paru en 2004, il s’agit des amortissements d’indemnités de mutation, correspondant à la « la quote-part annuelle des indemnités de mutation étalées sur la durée du contrat des joueurs. »
Par exemple, lorsque le Paris Saint-Germain a acheté Neymar pour 222 millions d’euros en 2017, avec un contrat de 5 ans, le club n’a pas inscrit une perte, dans ses passifs, de 222 millions sur une seule saison, il a divisé le coût en 5 (44,4 millions d’euros). Et chaque année, une nouvelle annuité est rajoutée aux charges.
Ce système permet d’assurer la solvabilité des clubs, impératif voulu par la DNCG depuis maintenant 1984. Les équipes achètent des joueurs mais n’inscrivent pas le coût total à leur bilan, il est échelonné. En échange, les équipes vendeuses récupèrent des sortes d’obligations qui leur permettent d’assurer leur dépenses futures grâce aux remboursements progressifs.
416 millions qui circulent entre les clubs
C’est un formidable système bancaire interconnecté, autonome et indépendant qui s’organise. Tout fonctionne à partir des vases communicants, ce qui est payé une saison sera rattrapé la saison d’après, et les pertes seront compensées par les gains futurs.
Mais que se passerait-il en cas de perturbations dans les rouages? En cas d’élément dysfonctionnel? L’année dernière, ces amortissements d’indemnités de mutation étaient chiffrés à 416,9 millions d’euros, selon les comptes officiels de la DNCG. Ces montants étaient dus à d’autres clubs et garantissaient les investissements futurs, c’était autant d’argent qui restait dans la boucle. « S’il y a 416 millions qui sont dus par un acteur, il y a 416 millions qui sont récupérés par un autre ».
Seulement, en cas de crise économique dans le football, comment les clubs pourront-il assurer le paiement des traites sur leurs anciennes cessions de joueurs? Comment pourront-ils assurer le paiement de leur passif sans liquidité?
Une future crise?
Si une année, les traites ne sont pas payées, comment pourra-t-on financer celles de l’année suivante? Et ainsi, comment certains clubs, basés essentiellement sur le trading, pourront-ils assurer une comptabilité à l’équilibre ? Il faut bien comprendre que, dans la mesure où la logique de solvabilité est privilégiée en France, une équipe ne peut acheter que si elle a l’assurance de s’y retrouver à plus ou moins long terme. Or là, pas d’actif à l’instant T, pas de capitaux, donc pas d’investissement, pas de dépense.
C’est toute la dynamique du football qui pourrait exploser avec cette situation. Et devrait aussi, dans une économie internationalisée, toucher tous les clubs européens. Raison supplémentaire pour absolument finir cette saison et garantir les rentrées financières.
Ou alors passer à un économie de troc et d’échange …
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