Décisif avec l’équipe de France en Ligue des nations, Karim Benzema a vu dimanche soir le Real Madrid demander le Ballon d’or pour lui. Un soutien qui compte, quand on sait la puissance du club espagnol, et l’influence que peut avoir l’opinion publique sur les votes. Mais il en faudra sans doute d’autres.
Et si c’était son année ? Et si, 23 ans après Zinedine Zidane, Karim Benzema décrochait à son tour un Ballon d’or le 29 novembre prochain ? L’interrogation est loin d’être insensée. Parce que l’attaquant français, comme N’Golo Kanté et Kylian Mbappé, fait partie des 30 finalistes, ce qui est un bon début, parce qu’aucun grandissime favori ne se dégage cette année, et parce que dimanche soir, le merveilleux but de KB9 en finale de la Ligue des nations – et donc en mondovision – n’est pas passé inaperçu…
L’avant-centre tricolore de 33 ans, qui porte le Real Madrid à bout de bras depuis des mois et des mois, et qui avait réussi (individuellement) son retour chez les Bleus cet été, se voyait jusque-là reprocher une année 2021 sans trophée par rapport aux autres candidats crédibles tels que Robert Lewandowski (Bayern), Jorginho, vainqueur de la Ligue des champions avec Chelsea et de l’Euro avec l’Italie, ou encore Lionel Messi (PSG), qui a enfin remporté la Copa America avec l’Argentine. Depuis ce week-end, l’argument ne tient plus. Certes, Benzema n’a soulevé « que » la Ligue des nations, une compétition dont le poids est à relativiser, mais il l’a fait en venant à bout – avec les autres Bleus – de la Belgique et de l’Espagne. Et surtout, en marquant à chaque fois. Comme il le fait, semaine après semaine, en Liga.
Le soutien de taille du Real Madrid
De toute manière, on le sait depuis des années, quand il s’agit de Ballon d’or les titres et les performances ne suffisent pas. A l’image d’un Oscar, et encore plus les années « serrées », le trophée atterrit souvent dans les mains du prétendant qui a bénéficié de la meilleure campagne, du meilleur lobbying en coulisses. Antoine Griezmann (3e en 2016 et 2018) ou Franck Ribéry (3e en 2013) en ont fait les frais par le passé, et peuvent en témoigner. Mais cette fois, la donne pourrait être différente. Justement parce que le Real, dimanche soir, a lancé l’opération Benzema 2021.
Après un message à l’attention de la Roja, très intéressante pendant cette Ligue des nations, le club merengue a dégainé un tweet de félicitations pour l’équipe de France… et demandé la récompense individuelle ultime pour son propre poulain. « Félicitations à notre joueur spectaculaire Benzema, Ballon d’or », a écrit la formation madrilène.
Un post anecdotique ? Pas vraiment, non. « Ça fait presque 30 ans que je suis l’actualité du foot espagnol, et en particulier l’actualité du Real Madrid, et jamais un joueur madrilène n’a été mis en avant comme ça par le club dans la course au Ballon d’or, observe Fred Hermel, ancien correspondant à Madrid. L’Espagne est sans doute le pays où l’on aime le plus le Ballon d’or, on le célèbre comme un titre. Mais faire campagne de façon aussi claire pour un joueur, c’est du jamais vu. » C’est un peu vite oublier le travail de communication effectué avant le sacre de Luka Modric en 2018, mais cela ne change rien au débat actuel, et au fait que le Real s’est rangé derrière KB9.
« Il est important aujourd’hui pour le Real de mettre en avant un joueur comme Benzema, poursuit Hermel. Parce qu’il est là depuis plus de dix ans, parce qu’il est le joueur préféré du président Florentino Pérez qui est allé le chercher lui-même en 2009… Quelque part, Benzema est devenu une icône au Real Madrid. Le Real veut surfer sur la bonne image de Benzema pour sa propre image à lui. Il n’est plus le club incontournable en Europe comme il l’a été au moment des trois Ligues des champions de suite sous Zidane. Il n’est plus au centre du jeu aujourd’hui. Donc faire la promotion de Karim Benzema lui permet d’occuper la scène médiatique. »
La FFF n’a pas entamé de lobbying, mais pourrait s’y mettre
Et oui, le procédé est efficace. « Le Real est le club qui a le plus de suiveurs sur les réseaux sociaux au monde, sa force de frappe est extraordinaire, rappelle Fred Hermel. Il peut faire pression sur l’opinion publique, qui peut elle-même influencer les votes des journalistes du monde entier… » En 200 caractères sur Twitter, le Real a ainsi fait fleurir des articles « Benzema Ballon d’or » sur quasiment tous les sites des médias sportifs espagnols. Des articles, et même des sondages, comme celui d’As, où 76% des 24.000 votants se disaient ce lundi soir favorables à un Ballon d’or pour le Français. La petite tornade médiatique a d’ailleurs traversé les frontières, puisque même en Belgique, un article à ce sujet apparait sur la page sport de la RTBF.
Et en France ? Benzema – en concurrence avec deux compatriotes – va-t-il bénéficier du soutien public des instances ? Contactée par RMC Sport, la Fédération française de football précise qu’il n’y a aujourd’hui aucune stratégie en place pour pousser Karim Benzema ou un autre candidat au Ballon d’or. Il n’y a pas vraiment non plus de lobbying, si ce n’est que certains dirigeants échangent sur ce thème avec les journalistes votants qu’ils connaissent bien. La FFF, qui sait que des joueurs lui ont reproché plusieurs fois son manque de soutien par le passé, estime que cette démarche existe surtout à l’étranger. Mais – c’est peut-être une nouveauté – l’instance précise que s’il lui faut un jour soutenir un joueur publiquement, elle le fera.
En attendant, l’intéressé a débuté de son côté son opération séduction. En plus du tweet du Real, Karim Benzema a également relayé ce lundi un message très explicite de son ancien agent Karim Djaziri. L’expérience d’un grand joueur se mesure aussi en dehors de terrains…
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