Le PSG, propriété du Qatar, et Manchester City, sous pavillon émirien, s’affronteront mardi soir en Ligue des champions (21h, sur RMC Sport 1). L’occasion de revenir sur le financement de ces richissimes formations, leurs similitudes et leurs différences, avec Christophe Lepetit, économiste au Centre de droit et d’économie du sport (CDES) de Limoges.
Christophe Lepetit, on sait qu’Abu Dhabi et le Qatar ont acheté Manchester City et le PSG pour des raisons de soft power, mais le business model des deux clubs est-il le même ?
Il est souvent reproché à Manchester City comme au Paris Saint-Germain de n’avoir aucun business model, et de vivre uniquement sur les investissements de leurs actionnaires de référence. Que ce soit QSI et l’état du Qatar d’un côté, ou les Emirats arabes unis de l’autre. Mais je trouve que c’est un raccourci, puisqu’on a quand même deux clubs qui ont bâti un business model, notamment en construisant des grandes marques internationales, en sortant de leur seul marché domestique pour être présents sur tous les continents.
Après, on a deux stratégies différentes sur la façon de parvenir à ce résultat. Côté PSG, on a un investissement de QSI qui a été concentré sur Paris – le club de Paris et la ville de Paris. Ils ont joué sur ce côté « Paris ville-monde », sur le très grand luxe, et la grande performance en recrutant quelques-uns des meilleurs footballeurs de la planète. Et de l’autre côté, on a Manchester City qui, via City Football Group, a créé une grande plateforme de clubs. Aujourd’hui, on a plus de dix clubs qui sont dans l’escarcelle des Emirats arabes unis, eux aussi présents sur tous les territoires.
Ça permet à l’un et à l’autre d’avoir créé de très grosses communautés internationales, communautés qu’ils sont désormais en capacité de pouvoir monétiser auprès de sponsors, auprès d’annonceurs et plus largement de la cible des fans de foot.
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Ce sont deux clubs qui ont aussi eu des soucis avec le fair-play financier…
Tout à fait, ce sont deux clubs qui ont été inquiétés. Pourquoi? Tout simplement parce que ce sont deux projets qui, pour être lancés, ont nécessité l’injection de liquidités assez massives, puisque la clé du succès résidait dans le fait d’être sportivement très compétitif, très rapidement. Or, au départ, il n’y avait pas les revenus « nécessaires » pour recruter quelques-unes des plus grandes stars. Il a fallu, d’un côté comme de l’autre, assumer un déséquilibre économique pendant une période de trois ou cinq ans. A Paris comme à City, on a été ennuyé par le fair-play financier car l’UEFA a considéré que les injections étaient couvertes par de l’argent qui provenait des actionnaires de référence, via des sponsors.
Pour le PSG, c’est le contrat avec l’office de tourisme qatari qui a cristallisé la méfiance de l’UEFA. Elle y voyait un moyen déguisé du Qatar de financer le déficit d’exploitation du PSG. Côté Manchester City, c’était un peu plus précis, puisqu’il y avait des accusations de malversation en ayant mobilisé des sociétés-écrans. Les Emirats arabes unis auraient versé de l’argent à des sociétés qui seraient elles-mêmes devenues sponsors de City.
C’est pour cela que Paris et Manchester avaient été inquiétés, et même sanctionnés dans le cadre d’accords de règlement, avec des limitations de joueurs dans l’effectif et des amendes. Mais aucune de ces deux situations n’a donné lieu à une exclusion des compétitions européennes, même si Manchester City a dû aller devant le Tribunal arbitral du sport (TAS) pour éviter cette exclusion.
On a pu lire que City était valorisé par le magazine Forbes à 2,7 milliards de livres (3,16 milliards d’euros), qu’en est-il pour le PSG ?
Je vais prendre une autre référence de Forbes, qui dit que Manchester City est valorisé à 4 milliards de dollars, et se situe au 13e rang de toutes les franchises de sport, là où le PSG est à 2,5 milliards de dollars et se situe au 43e rang. Donc il y a encore un écart, qui s’explique notamment par le fait qu’il y a une économie extrêmement puissante au niveau de la Premier League, avec les droits TV par exemple. A ce niveau-là, le PSG souffre d’un déficit par rapport à Manchester City.
En revanche, ce qui est intéressant, au-delà des différences, ce sont les dynamiques de croissance. La valorisation de Manchester City a doublé en cinq ans, là où celle du PSG a augmenté de 220%, ce qui est la plus grosse progression du Top 50 de Forbes. Donc l’écart se réduit. Est-ce qu’il se réduira totalement? Je n’en suis pas certain, vu qu’il y aura toujours une économie globale de la Premier League plus puissante que celle de la Ligue 1.
Abu Dhabi aurait dépensé un milliard de livres (1,17 milliard d’euros) dans Manchester City, prix d’achat compris. Est-ce qu’on a une idée de la somme totale dépensée par le Qatar avec le PSG ?
C’est toujours compliqué de dire « le Qatar a mis tant », puisqu’il y a eu beaucoup d’argent investi dans le PSG, oui, mais une partie des investissements a été financée avec l’argent généré par les activités du PSG. Ce qu’on peut dire néanmoins, c’est qu’au-delà du prix d’achat d’une centaine de millions d’euros, QSI a fait des investissements dans les infrastructures, d’une centaine de millions d’euros aussi, et puis des investissements dans les joueurs, bien sûr.
On compte plus d’1,4 milliard d’euros d’achats de joueurs entre 2010 et 2020, et 400 millions d’euros de ventes. Donc l’investissement global de QSI dépasse aussi probablement le milliard d’euros, et d’autres investissements sont programmés, notamment avec le nouveau centre de performance à Poissy qui va coûter 350 millions d’euros au PSG.
https://rmcsport.bfmtv.com/football/ligue-des-champions/psg-manchester-city-au-dela-du-derby-qatar-emirats-deux-clubs-qui-ont-bati-un-business-model_AV-202109270357.html