Le match de Ligue 1 entre Nice et l’OM n’est pas allé à son terme dimanche soir, interrompu par de violents incidents avec les supporters et qui ont poussé Marseille à déclarer forfait pour le reste de la rencontre. Récit d’une triste et folle soirée à l’Allianz Riviera.
On joue la 74e minute à l’Allianz Riviera dimanche soir, lors du match entre Nice et l’OM servant de clôture à la troisième journée de Ligue 1. Konrad De La Fuente, entré en jeu à la place de Luis Henrique, tente d’allumer le côté gauche marseillais pour espérer centrer et offrir une balle d’égalisation à ses coéquipiers, menés depuis l’entame de la deuxième période après un but de Kasper Dolberg. Le ballon sort en corner. Et tout bascule dans la folie.
Cible de projectiles, Payet craque
Excédé depuis de longues minutes car cible de projectiles de la part de certains supporters niçois, Dimitri Payet se dirige vers le poteau de corner en ayant récupéré le ballon face à la tribune des ultras. Les bouteilles d’eau tombent encore sur le bord du terrain. L’une d’elles vient violemment le heurter au dos, le meneur de jeu s’effrondre au sol. Excédé, il se relève en attrapant l’une des bouteilles, qu’il jette avec virulence dans la tribune. L’ancien joueur de West Ham se retourne, dos au public. Il prend une autre bouteille au sol et la jette de nouveau sur les supporters.
Plusieurs joueurs sont arrivés dans la zone, notamment Dante, le capitaine de l’OGCN, qui tente de retenir Dimitri Payet. Alvaro Gonzalez est lui déjà devant, face aux ultras, en colère, accompagné par plusieurs personnes du service de sécurité. Mattéo Guendouzi et Jean-Clair Todibo sont aussi présents. Les joueurs se font encore plus nombreux autour de Payet, pour le calmer. Les stadiers du bord de la pelouse, derrière les panneaux publicitaires, voient arriver plusieurs supporters à leur hauteur: ils ont sauté par dessus la rembarde de leur tribune. Ils se font de plus en plus nombreux et les stadiers sont tout de suite dépassés.
Incidents lors de Nice-OM avec envahissement de terrain © AFP
Tout dégénère: joueurs et supporters en viennent presque aux mains dans un vacarme indescriptible, tandis que les projectiles continuent de pleuvoir. Ni les stadiers, ni les joueurs ne parviennent à calmer la situation, qui ne cesse de s’envenimer. Alvaro tape du pied dans le ballon, qu’il envoie dans le virage, les remplaçants marseillais sont arrivés sur la pelouse et le panneau publicitaire cède sous la pression des supporters qui se massent de plus en plus nombreux et finissent par pénétrer sur le terrain – en restant au bord, retenus par les forces de sécurité – pour invectiver les joueurs phocéens.
L’envahissement de terrain lors de Nice-OM © Capture écran Amazon
Plusieurs membres du service de sécurité de l’OM arrivent en même temps que des renforts pour les stadiers. On tente d’empêcher le ton de monter encore davantage entre les joueurs des deux équipes. Le groupe de supporters entrés sur le terrain est encerclé, pour éviter qu’il ne vienne s’en prendre aux Marseillais. Le bazar est total.
Des supporters niçois déjà bouillants pendant le match
Tandis que la confusion règne, Jorge Sampaoli entre en furie. Déjà nerveux – comme souvent – durant le match, le technicien argentin est sur la pelouse et invective les Niçois. Jean-Clair Todibo apparaît hors de lui, on comprendra mieux pourquoi quelques temps plus tard. La situation globale s’apaise un peu et nombre de supporters qui étaient entrés sur la pelouse remontent en tribune. Plusieurs discutent avec Dante, venu les appeler au calme. Le défenseur avait déjà tenté d’apaiser les esprits durant la première période de la rencontre, alors que les ultras commençaient à être intenables pour encourager leur équipe. Plusieurs avaient même enjambé les barrières après le but de Dolberg et étaient arrivés à hauteur des joueurs, célébrant l’ouverture du score avec eux.
Christophe Galtier, sans doute le plus calme de tous dans cette tourmente, vient échanger avec plusieurs joueurs marseillais, notamment Alvaro Gonzalez. Les joueurs des deux équipes (ceux de Nice en tête) commencent à rentrer au vestiaire. L’arbitre Benoît Bastien invite d’ailleurs les autres à faire de même, tandis que les Marseillais lui font des reproches.
Sampaoli en furie
Alors que la situation semblait se calmer, d’autres supporters échappent à la vigilence des services de sécurité et déboulent une nouvelle fois sur le terrain, rattrapés de justesse par des stadiers. L’un d’eux arrivent d’une autre tribune et court dans tous les sens sur le terrain.
L’entraîneur de Marseille Jorge Sampaoli maîtrisé par ses joueurs et membres du staff après des incidents au stade Allianz Riviera de Nice, le 22 août 2021. © Valery HACHE © 2019 AFP
Sur le bord de la pelouse, en bas de la tribune présidentielle, Jorge Sampaoli ne tient plus. En fusion, le coach de l’OM doit être retenu par son staff et ses propres joueurs, qui l’emmènent vers le couloir menant au vestiaire, ,avec un Dimitri Payet qui tente de le calmer. Un attroupement a lieu à l’entrée (à l’extérieur) du couloir, avec plusieurs personnes qui se bousculent et montrent les muscles, dont des joueurs des deux équipes et des membres des services de sécurité des deux clubs.
L’OM menace de ne pas reprendre
On finit tant bien que mal par faire rentrer les joueurs dans le couloir. Niçois et Marseillais échangent avec un ton plus ou moins animé. Les arbitres arrivent dans la zone et rentrent dans leur vestiaire, les joueurs s’attardent dans la zone. Les dirigeants et entraîneurs les rejoignent. Jorge Sampaoli et ses adjoints ne décolèrent pas et hurlent en espagnol, disant qu’ils ne « rejoueront pas ». « Il faut prendre une décision! », crie l’Argentin.
L’altercation entre Longoria et Cobos en tribune
Dehors, Jean-Pierre Rivère est parti à la rencontre des ultras et de leurs représentants. Le président de l’OGC Nice les appelle à se calmer. Il veut comprendre ce qu’il s’est passé et s’assurer que si le match reprend, cela ne se reproduira pas. Il regagne ensuite les vestiaire, alors que Pablo Longoria est dans les couloirs et tente de se calmer. Le président de l’OM a, auparavant, eu une altercation avec l’ancien Niçois José Cobos en tribune présidentielle.
Trois joueurs de l’OM blessés, des joueurs de Nice frappé par la sécurité marseillaise
Dans les deux vestiaires, on fait le bilan. Côté marseillais, trois joueurs sont blessés: Luan Peres, Matteo Guendouzi et Dimitri Payet. Les trois hommes présentent des marques sur le corps et les photos filtrent dans les médias et sur les réseaux sociaux. Du côté de Nice, on se plaint du service de sécurité de l’OM, accusé d’avoir frappé plusieurs joueurs des Aiglons: les noms de Jean-Clair Todibo et de Justin Kluivert sont cités. Par ailleurs, sur les réseaux sociaux, une vidéo circule, montrant un adjoint de Jorge Sampaoli (qui semble être Jorge Desio) en train de frapper un supporter entré sur la pelouse.
L’OM se dit atterré par le manque de sécurité: « On fait ça au vélodrome on prend 10 matchs à huis clos », déplore un haut dirigeant. Le club phocéen refuse de retourner sur la pelouse pour poursuivre la rencontre. Jean-Pierre Rivère veut toujours que le match reprenne: « Il s’est passé beaucoup de choses. J’ai dit à l’OM que ce n’était pas un problème de football mais d’ordre public et de responsabilités, déclare le dirigeant sur Amazon Prime Video. Il y a le sport, l’ordre public, et il faut reprendre le jeu. Vous reprenez, la trubune ne bougera plus. L’ordre public est au delà du football et la sagesse, tout le monde en a convenu avec la Préfecture, c’est de reprendre le match. »
S’installe alors une très longue attente. Les discussions s’enchaînent dans tous les sens: dans les vestiaires, avec les services de sécurité, les arbitres, la Préfecture, la Ligue de football professionnel… Les autorités prennent tour à tour position en autorisant – voire en encourageant – la reprise du match. Le délégué assure d’ailleurs que la rencontre va se poursuivre. Ce n’est pas l’avis de l’OM, qui insiste pour dire que la sécurité des joueurs n’est pas assurée.
Nice veut reprendre, Marseille dit non
Les joueurs de Nice finissent par sortir du vestiaire pour retourner sur le terrain, où ils entament un échauffement. Pas de nouvelles des joueurs phocéens. C’est finalement Jorge Sampaoli qui arrive dans le couloir, sac sur le dos. Ses adjoints le suivent, eux aussi ont pris leurs affaires et l’on commence à comprendre que Marseille n’y retournera pas. « Je pense que Marseille ne va pas reprendre, précise d’ailleurs Christophe Galtier sur Amazon Prime Video. On vient de me dire que les joueurs s’étaient douchés. On va se présenter sur le terrain, on verra ce qu’il va se passer. »
Les arbitres finissent par entrer sur le terrain et l’hypothèse d’un forfait de l’OM gagne en crédibilité. Cela fait plus d’une heure que les incidents ont éclaté. Vers 23h45, Benoît Bastien se place. Fait « amusant »: les Niçois prennent la reprise très au sérieux en reprenant tous bien leur place de la 75e minute, comme s’ils allaient vraiment disputer la fin de la rencontre. Leurs adversaires ne sont pourtant pas revenus sur la pelouse. L’arbitre siffle la reprise puis l’arrêt définitif du match, qui s’achève sur un forfait et, si la logique est respectée, sur une défaite de l’OM sur tapis vert.
Ce que dit le réglement
Le réglement de la Ligue est un peu flou sur ce point, concernant les interruptions de matchs: « Un match peut être interrompu, à plusieurs reprises, par l’arbitre, pour une durée indéterminée, en raison d’incidents graves pouvant entraîner ou non un retour des joueurs et de l’équipe arbitrale aux vestiaires. Le match ne peut reprendre que si les incidents graves ont cessé. Si la ou les interruptions de match ont manifestement été inefficaces, l’arbitre doit, en dernier ressort, après consultation des délégués de la rencontre et des représentants des autorités publiques, arrêter définitivement le match. De tels incidents relèvent de la compétence de la Commission de Discipline de la LFP. Toute décision de la Commission de Discipline est renvoyée pour enregistrement à la Commission des Compétitions », précise l’article 549 concernant la procédure en cas d’incidents de match.
Longoria accuse la Ligue
Match terminé, une autre étape s’ouvre: celle de la communication. Pablo Longoria dégaine, dans une réaction transmise à RMC Sport: « On a décidé de ne pas reprendre le match pour la sécurité de nos joueurs. C’est déjà la deuxième fois, on a vécu ça à Montpellier, on a décidé de reprendre là-bas. Ce qu’il s’est passé aujourd’hui est complètement inacceptable, déplore le président de l’OM. On doit faire des précédents pour le football français. L’arbitre était avec nous, il nous a confirmé, à Jorge Sampaoli et moi, que la sécurité n’était pas garantie. Sa décision était d’arrêter le match. La Ligue a décidé, pour une question d’ordre public, de faire reprendre le match. Ce n’est pas acceptable pour nous, c’est pour cela qu’on a décidé de ne pas reprendre le match et de retourner à Marseille ce soir. »
Le maire de Marseille est évidemment sur la même ligne et s’exprime sur Twitter: « Des joueurs blessés, une sécurité défaillante: le match Nice-OM n’aurait jamais dû reprendre. Triste décision. Fier de mon équipe qui ne s’est pas prêtée à cette mascarade. »
Rivère ne « comprend pas » la décision de l’OM
Dans un court point presse, Jean-Pierre Rivère se présente: « C’est une déception que cela se termine comme ça. Les choses sont assez claires. On a eu des jets de bouteilles d’eau, malheureusement ce qui a mis le feu aux poudres, c’est la réaction des joueurs marseillais de rejeter les bouteilles dans la tribune. La sécurité de Marseille n’a pas à intervenir sur le terrain et à frapper nos joueurs », regrette le dirigeant niçois.
Jean-Pierre Rivère © RMC Sport
Il poursuit en interrogeant l’attitude de la direction marseillaise: « L’arbitre était hésitant sur la reprise du match, les services du sécurité lui ont affirmé qu’il n’y avait pas de problèmes. Tout le monde a décidé de reprendre le match, le Préfet, les responsables du service d’ordre. Je n’ai pas très bien compris la décision de nos confrères marseillais de ne pas reprendre. Je suis allé en tribunes, ils m’ont garanti qu’il n’y aurait pas de problème. Tout le monde a dit que tout irait bien. Les Marseillais n’ont pas voulu. » Nul doute que l’affaire est loin d’être terminée. La soirée, elle, s’achève sur un goût très amer.
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