Champion d’Europe avec le FC Porto face à Monaco, l’ancien milieu de terrain Costinha s’est confié sur son amour pour l’AS Monaco, celui pour la Ligue 1 ou encore le sacre de « son » Sporting. Tête à tête avec un romantique…
Vous étiez entraîneur du Nacional jusqu’en 2019. Que devenez-vous depuis votre départ de Madère?
A la fin de ma saison au Nacional, je devais passer le quatrième niveau des diplômes d’entraîneur, en Ecosse (que j’ai obtenu). J’avais plusieurs propositions au Portugal et à l’étranger mais j’ai voulu terminer ma formation. Maintenant, j’attends qu’un projet attractif me soit proposé. J’ai très envie de retrouver les terrains parce que j’aime l’entraînement.
Vous aimeriez retrouver la France en tant qu’entraîneur?
J’aimerais beaucoup. C’est un championnat qui veut dire beaucoup pour moi. C’est la Ligue 1 qui m’a accueilli quand j’ai quitté la II Divisão b (D3 portugaise) pour Monaco. C’est un championnat que je suis, que j’étudie. Avec mon staff, deux jours par semaine, nous étudions des championnats, des équipes, des joueurs, nous observons, tentons de planifier ce qui se passe au Portugal et ailleurs en Europe, et nous avons le plaisir de pouvoir suivre la Ligue 1 à la télévision. La Ligue 2 n’est pas retransmise mais je parviens tout de même à la suivre aussi. J’aimerais beaucoup entraîner en France parce qu’il y a des équipes, des joueurs avec de la qualité. Ce n’est pas un championnat facile, il est très spécifique, bien organisé. Si une invitation d’un club français venait à moi, j’y penserais sérieusement. C’est l’un des pays qui fait partie de mes priorités. Cette saison, j’ai été approché par deux clubs français – dont je ne veux pas dévoiler les noms par respect. Malheureusement ça n’a pas abouti.
Beaucoup décrivent, de façon assez caricaturale, l’entraîneur portugais comme pragmatique. Chaque individu est différent et Paulo Sousa, par exemple, se décrit comme un « romantique » du jeu. Quel type d’entraîneur êtes-vous?
Un entraîneur doit d’abord préserver la culture du club. Ensuite, ça dépend des joueurs qu’il a à sa disposition. Mon profil est plus proche de ce que Paulo Sousa avait pour volonté de mettre en place. Je suis un romantique de nature. J’aime que mon équipe joue bien, mais je comprends aussi que, dans chaque match, il y ait une part de pragmatisme. Regardons ce qu’il s’est passé, par exemple, lors de la demi-finale retour de Ligue des champions entre Manchester City et le PSG. City est une équipe habituée au romantisme mais face au PSG, elle est devenue pragmatique, sur ses contres, ses occasions… Je ne peux pas dire que je suis totalement l’un ou l’autre. J’ai une préférence mais le moment du jeu, de l’équipe et les joueurs disponibles, peuvent ne pas correspondre à ce que j’ai en tête. Je dois donc adapter ces joueurs à la réalité et les rendre les meilleurs possibles. Une chose est sure, j’aime la compétition pour gagner, je suis très ambitieux, peut-être parce que je suis passé par des clubs ambitieux qui m’ont transmis cela: Porto, Monaco, la Seleção, l’Atlético de Madrid…
Le Sporting vient d’être sacré champion du Portugal après 19 ans d’attente. Quel est votre sentiment, vous qui avez été directeur sportif du club (2010-2011)?
Le Sporting fait une excellente campagne. Et ce, depuis la première journée d’un championnat dans lequel il est toujours invaincu [après 32 journées]. C’est une équipe qui n’a encaissé que 15 buts et ça en dit long sur sa force, son efficacité défensive. A mon sens, si on la compare au FC Porto ou au Benfica, c’est une équipe qui a tiré un certain bénéfice face à l’absence du public dans les stades.
Parce que le Sporting a débuté dans un climat de contestation à l’égard de son président, Frederico Varandas. Peut-être qu’une équipe avec autant de jeunes joueurs n’aurait pas gagné autant de matchs qui n’ont pas été aussi bien réussis, comme ce fut le cas ; peut-être qu’un contexte avec du public aurait été plus préjudiciable. Ce qui est sûr, c’est que Ruben Amorim a réalisé un excellent travail. L’un des matchs références de la saison est celui face au FC Porto, où il est mené 2-1 et égalise à 2-2. Il a démontré à ses concurrents qu’il était là pour rivaliser. Ce Sporting n’a pas perdu face à ses adversaires directs. Cela apporte de la confiance à l’équipe. Il a aussi eu une petite étoile qui est importante pour vaincre: celle qui permet de gagner des points même lorsqu’on est moins bien. Et le Sporting a eu une efficacité impressionnante sur les dernières minutes de jeu. Et il a fait en sorte de la mériter. Ils se créé beaucoup d’occasions et en concède très peu. C’est un juste champion, il suffit de voir le nombre de points d’avance qu’il compte sur ses concurrents.
Vivez-vous ce titre de façon particulière du fait d’être sócio du Sporting ou suivez-vous cela en tant que professionnel du football?
C’est clair que je suis un professionnel du football mais… avant d’avoir le regard d’un sócio du Sporting, je constate que c’est un grand club, avec beaucoup de supporters et qu’il manque au football portugais dans la lutte pour le titre. Il faut le Benfica, le FC Porto, le Sporting et, si possible, un Braga, un Vitória de Guimarães pour rendre le championnat encore plus intéressant. Quand on voit que, dans beaucoup de championnats européens, l’attribution du titre ne se décide que vers la toute fin… C’est important que le Portugal puisse avoir plus de compétitivité, de rivalité, dans le bon sens du terme (pas la violence). Voilà pourquoi il est important que le Sporting soit champion, et qu’il puisse maintenir ce niveau, non pas tous les 19 ans, mais au moins qu’il parvienne à entrer dans une alternance. Il y a trop de différence au classement à mi-championnat entre le trio de tête et les autres équipes. Cela ne traduit pas la qualité de notre championnat.
Qui dit Costinha dit aussi Monaco. Quel regard portez-vous sur la saison de l’ASM?
Monaco réalise une saison fantastique. C’est un club qui n’est pas facile, qui a un contexte particulier. C’est très important de bien choisir le type de joueurs qu’on y fait venir. C’est un grand club, qui sera à jamais dans mon cœur, dans mes pensées. Celui qui m’a donné la chance de gagner mon premier trophée en tant que professionnel, qui m’a ouvert les portes de la Seleção, de la Ligue des champions. Il a connu des difficultés, il est passé par la L2, mais il est revenu. Niko Kovac fait un excellent travail, en alliant les jeunes à l’expérience dont Fabregas est certainement le symbole maximal. Peu auraient misé sur leur position actuelle mais le travail de Kovac porte ses fruits.
Quelle est votre opinion sur les deux Portugais actuels de Monaco: Gélson Martins et Florentino?
Gélson, qui est arrivé un peu plus tôt à Monaco, était un joueur peut-être plus préparé que Florentino. Il était déjà lancé. Il a eu cette suspension qui l’a empêché de poursuivre ce qu’il avait bien entamé. C’est un très beau joueur. Personnellement, j’aime beaucoup Florentino. C’est un très grand joueur. C’est un dommage qu’il ne joue pas plus, ça lui permettrait de grandir, mais l’entraîneur de Monaco a certainement ses raisons et le classement démontre qu’il a raison. Florentino est, pour moi, l’un des grands talents du football portugais. Ce n’est pas facile pour lui parce que Monaco a recruté Fofana et Tchouameni, six mois avant son arrivée. Ce sont tous de jeunes joueurs avec beaucoup de qualités. De plus, Florentino n’appartient pas à Monaco mais au Benfica. Ce que je peux dire, c’est que si Florentino trouve une équipe où il peut développer son football, il pourra démonter sa qualité, lui aussi. C’est dommage qu’au moment où il a quitté le Benfica il n’ait pas dit aux dirigeants qu’il voulait rester pour démontrer sa valeur. Peut-être que s’il y était resté, il y jouerait aujourd’hui. Il a décidé d’aller à Monaco qui est un grand club mais avec ces deux problématiques : deux concurrents à son poste, ce qui n’altère en rien ses qualités.
Quels conseils lui donneriez-vous?
Il a besoin de trouver un club où il puisse jouer. Aucun club lui donnera cette garantie. Personne ne peut faire ce genre de promesses, parce qu’il y a un groupe avant tout. Mais il a besoin d’être en confiance, de jouer une saison entière. Avant, on pouvait ne pas jouer régulièrement pendant trois, quatre mois sans que ça ne se remarque trop mais, aujourd’hui, le rythme est plus intense et ne pas jouer pendant un mois est déjà compliqué, alors toute une saison… Il est titulaire avec les Espoirs du Portugal, pouvait se rapprocher de la Seleção A mais, avec ce passage à Monaco qu’il a choisi, il a hypothéqué certaines possibilités qu’il aurait pu avoir et qu’il n’a pas eues.
Y’a-t-il un joueur dans lequel vous vous retrouvez aujourd’hui?
Je ne sais pas. Ce sont des époques différentes, un football différent. Il y a peut-être certains joueurs qui ont quelques-choses qui me ressemblent, d’autres pas. Mais je ne saurais pas dire quel joueur actuel me ressemble. Même si j’en vois beaucoup, je n’arrive pas non plus à voir tous les joueurs. Et chaque joueur est différent. Par exemple, aucun joueur n’est identique à Thierry Henry. Certains disent que Mbappé lui ressemble mais ce n’est pas le même. Je ne vois aucun avant-centre aujourd’hui comme Trezeguet. Sur sept ballons, il marquait sept buts. Je parle d’avant-centre pur. Cristiano Ronaldo marque autant mais ce n’est pas un pur avant-centre. Le football a pas mal changé, y compris la mentalité des joueurs, des clubs, ce qui rendent plus difficiles encore les comparaisons.
On vous surnomme « Le Ministre » pour vos goûts en matière de « sapes », votre penchant pour les costumes. Vous avez confié, dans une interview au Expresso, que cette passion est née à Monaco. C’est là-bas qu’est né votre sobriquet?
C’est Thierry Henry qui m’a surnommé « Le Ministre ». C’était avant l’un de mes premiers matches, contre Bordeaux. Jean Tigana m’a annoncé que j’allais être au marquage de Jean-Pierre Papin. Je n’étais pas serein. J’allais être au marquage d’une légende du football français. On était dans le bus et Thierry Henry me dit: « Costa, tranquille. Vu la façon dont tu t’habilles quand tu quitteras Monaco on ne t’appellera plus Costinha mais Le Ministre. » Et c’est resté.
Ce fut comment de passer de la D3 portugaise à la Ligue 1? Comment se sont passés vos premiers jours?
J’ai eu le soutien de grands messieurs. Jean Tigana qui a cru en moi, bien sûr, et les joueurs expérimentés du vestiaire : Fabien Barthez, Franck Dumas, Christophe Pignol, Japhet N’Doram, Ali Bernarbia, John Collins… Collins a été un père pour moi dans le football. Ils ont fait des choses pour moi… Je suis arrivé à Monaco à l’essai mais je me suis blessé aux adducteurs. J’étais allongé dans mon lit. On avait une séance d’entraînement mais je ne pouvais pas, j’avais tellement mal. Ali Bernarbia et John Collins viennent et me disent: « Viens, on y va. » Je leur dis que je me suis blessé. Bernarbia dit alors à Collins: « Tiens, on a un touriste! » « Moi, un, touriste?! Personne ne dira de moi que je suis un touriste. » Ça m’a tellement piqué que je suis retourné sur le terrain et j’ai tout donné. Suite à cela, Jean Tigana m’a proposé de rester et j’ai signé mon contrat.
José Mourinho, votre entraîneur au FC Porto, s’est engagé avec la Roma à partir de la saison prochaine. Que répondez-vous à ceux qui disent qu’il fait partie du passé?
Il ne fait pas du tout partie du passé. Si Mourinho fait partie du passé que dire de ceux qui n’ont rien gagné? Ils ne valent rien? Non, non. Il a gagné l’Europa League, il y a encore peu [2017]. Je ne m’attendais pas à ce qu’il reprenne un projet aussi rapidement, même s’il avait prévenu qu’il ne voulait pas rester inactif trop longtemps. Parce qu’il aime ce qu’il fait, il aime gagner. Il veut rester au contact des Guardiola, Tuchel, Klopp, en ce qui concerne les trophées. Et je pense que s’il est allé à la Roma, c’est que le club lui a donné des garanties pour construire une équipe capable de lutter pour le Scudetto.
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