Vainqueur de l’AC Milan (2-0) ce week-end, le club promu de la Spezia fait sensation en Italie grâce à son équipe munie de courage, de dynamisme et de jeu moderne. A sa tête, Vincenzo Italiano, l’un des entraîneurs de la nouvelle vague italienne.
« La Spezia est une équipe qui joue très bien au football et donne du fil à retordre à tout le monde. » Le compliment est signé Gian Piero Gasperini ce dimanche en direct à la télévision italienne, lorsqu’il lui a été demandé son avis sur la compétitivité de la Serie A 2020/2021. L’idée était d’évoquer ces matchs contre des équipes supposées inférieures mais qui regardent les grands clubs droit dans les yeux depuis quelques saisons maintenant. A l’image de l’Empoli d’Aurelio Andreazzoli en 2018/2019, dont sont issus les Bennacer (Milan), Di Lorenzo (Napoli) et Caputo (Sassuolo), ou du Lecce de Fabio Liverani la saison passée, le club basé à La Spezia a décidé de miser sur le jeu pour obtenir son maintien.
La Spezia, 90.000 habitants, est une ville réputée pour être la porte d’entrée des Cinque Terre, l’une des destinations les plus touristiques d’Italie. Pour les passionnés de foot, c’est désormais aussi un nom sur la carte du football. Le club a obtenu sa première montée en Serie A à l’issue de la saison passée et d’une finale gagnée face au Frosinone, entraîné par Alessandro Nesta. Et pour cette première expérience dans l’élite italienne, son entraîneur, Vincenzo Italiano, a décidé de mettre les petits plats dans les grands, en proposant un jeu proactif, où ses joueurs mettent le pied sur le ballon et pressent très haut, quel que soit l’adversaire en face.
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En Serie B, il projetait des vidéos de Manchester City à ses joueurs
« J’aurais pu parier tout ce que j’avais qu’on n’aurait pas changé notre manière de jouer en Serie A, nous explique Matteo Ricci, milieu de terrain italien du Spezia, qui en est à sa troisième saison dans ce club. Notre entraîneur a cette idée de jeu et ce n’est pas une montée dans l’élite qui allait changer quoi que ce soit. Je pense qu’il ne changera pas ses convictions et il nous demandera même d’aller encore plus loin. »
Ses idées sont les suivantes: jouer haut, avoir le ballon plutôt que de courir derrière, prendre des risques, et laisser une certaine liberté créatrice. Le parallèle peut sembler évident avec le Sassuolo de Roberto De Zerbi, malgré certaines différences. Lors du match entre les deux équipes, début février, les Neroverdi s’étaient inclinés (1-2) à domicile face au promu et avaient enregistré ce jour là, l’une des plus faibles possessions de balle de leur saison (52%). Un fait peu commun pour Sassuolo qui est en tête des équipes ayant le plus souvent la balle (58,1% en moyenne en 2020/2021), devant la Juve, Naples ou encore la Lazio. D’ailleurs, le Spezia est 7e de ce « classement » avec une moyenne de 51,8%.
L’adaptation à la Serie A n’a pas été si simple. Si le club est 13e de Serie A avec 9 points d’avance sur le premier relégable, les premiers matchs ont servi de variable d’ajustement, la faute à un effectif inexpérimenté. « Au début, on avait peut-être moins confiance en nos qualités pour affronter certaines phases de jeu, comme des duels en 1 contre 1, ce qui est quand même la base du foot d’aujourd’hui, raconte Matteo Ricci. On a réussi à passer ce moment et cela nous a aidé car on a maintenant joué plus de la moitié de la saison, on s’est habitué à cette Serie A qu’aucun d’entre nous ne connaissait. »
Le milieu de terrain n’a pas été surpris et n’était pas particulièrement inquiet: « On savait qu’on allait connaître des difficultés en début de saison. L’année passée, en Serie B, on était 17e (après 7 journées, avec 4 points pris seulement, ndlr) et on avait connu des débuts difficiles. On a finalement terminé 3e, on a gagné les playoffs et on est montés en Serie A. Il y avait un peu de crainte et maintenant je vois une équipe qui est plus sûre de ses qualités. »
Certains matches ont été un déclic. La conviction et la persuasion de Vincenzo Italiano ont fait le reste. L’entraîneur de 43 ans aborde les matches contre les grosses écuries du championnat avec la même volonté de jouer. Contre la Juve lors de la 6e journée, l’équipe avait tenu tête aux Bianconeri pendant une heure de jeu, avant que l’entrée en jeu de Cristiano Ronaldo fasse pencher la balance du côté des Turinois, victorieux 4-1 à l’extérieur.
Contre la Lazio, trois matchs plus tard, le Spezia Calcio réalise sans doute l’un des meilleurs matches de son début de saison, mais paye cash des erreurs sur des contres des Romains. « Contre la Lazio, on avait eu beaucoup d’opportunités pour marquer et gagner le match, et on avait pris un but en contre d’Immobile sur une erreur de notre part, rappelle Ricci. Je pense qu’on a beaucoup progressé depuis ce match car on était à l’époque un peu timides. J’ai hâte d’affronter à nouveau ces équipes comme la Lazio, la Juve, pour mesurer nos progrès. »
En conférence de presse d’après-match, c’est un Vincenzo Italiano désabusé qui s’était présenté devant les micros. Son équipe avait dominé la Lazio mais n’avait pas su concrétiser ses actions. Un peu fataliste ce soir-là, les compliments sur la qualité du jeu de son équipe ne semblaient pas lui remonter le moral, pas plus que l’exposition des expected goals de la rencontre: 1.73 côté Spezia, 0.44 côté Lazio.
Déjà annoncé à Sassuolo, Naples ou la Fiorentina
Les prestations du Spezia Calcio ne sont pas passées inaperçues. Et son entraîneur a la côte. On l’annonce déjà comme possible successeur de De Zerbi à Sassuolo, comme le technicien pour relancer un nouveau projet sportif à Naples ou comme le nouvel homme fort de la Fiorentina. Il fait partie de la nouvelle vague des entraîneurs qui font bouger le football italien et aime que son équipe soit ambitieuse dans le jeu. Et pour convaincre ses joueurs, il n’hésite pas à leur montrer des vidéos des équipes de Pep Guardiola.
« C’est un passionné de foot. Il est capable de regarder 30 matchs dans une semaine, rigole Matteo Ricci. Dès son arrivée, l’année dernière en Serie B, il nous montrait des vidéos de Manchester City pour travailler certaines situations. Nous, on se regardait et on se disait ‘mais en on est Serie B, on n’est pas Manchester City’. Mais lui voulait nous transmettre ces idées-là, qui lui ont permis d’atteindre des objectifs et de voir notre équipe faire ce que nous sommes en train d’accomplir. Je pense qu’il aura un futur intéressant parce que c’est un entraîneur avec de vraies idées de jeu et les idées comptent dans le football. Il nous transmet tout ça, ce qui fait qu’un joueur de Spezia, quand il entre sur le terrain, ne pense pas juste à courir ou à gagner des duels, ce qui reste important, mais il doit penser et réfléchir lorsqu’il a le ballon, il doit essayer de retranscrire ce qu’on travaille la semaine avec la balle. »
Milieu de terrain, aligné devant la défense, Matteo Ricci est déjà une indication du style de football prôné par son entraîneur. Formé à la Roma, ce milieu technique d’1m76 se régale dans cette équipe joueuse: « Pour un joueur comme moi, avec mes caractéristiques, c’est avec ce type d’entraîneur que je me sens le mieux. C’est évident que je suis meilleur si j’ai le ballon souvent dans les pieds que si je dois courir derrière la balle. Avoir cette idée de jeu au quotidien est la chose la plus importante. Je me sens au coeur du projet et des idées du Mister, et j’essaye d’aider tout le monde, surtout les nouveaux à s’insérer dans notre système de jeu. »
Avec Matteo Ricci, Nahuel Estevez, Giulio Maggiore ou encore Tommaso Pobega, sans oublier le jeune Français Lucien Agoume, le milieu de terrain de Spezia est bien fourni en joueurs à la technique fine et au dynamisme avéré. L’AC Milan peut en témoigner après avoir été submergé de vagues samedi dernier, lors de leur défaite 2-0 en Ligurie. Avec un pressing haut, des joueurs très proches des Rossoneri et des attaques rapides, les joueurs de Vincenzo Italiano n’ont pas laissé respirer les hommes de Stefano Pioli. Le premier but du match est un modèle de récupération au milieu de terrain et de projection dans la surface adverse.
Un bel aperçu de ce qu’est capable de faire ce promu. Seul regret ? De ne pas partager tout ça au stade avec les supporters, comme l’explique Ricci : « Je n’ai jamais joué en Serie A et aller dans tous ces stades vides, ça gâche un peu le plaisir. Mais je l’ai pris avec ma propre philosophie : ‘Bon, Matteo, la première année, tu découvres la Serie A sans supporters, comme ça tu t’habitues et l’année prochaine, on reste en Serie A mais avec les supporters (rires).’ J’essaye de voir le verre à moitié plein. C’est triste pour tous les gens de La Spezia qui ont tant attendu ce moment et qui ne peuvent pas le vivre pleinement. » Si Spezia continue sur sa lancée, les supporters auront effectivement droit à une deuxième saison consécutive en Serie A. Pour notre plus grand plaisir.
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