C’est la crise au Losc. Pourtant, les hommes de Christophe Galtier sont en tête du championnat et réalisent de belles performances en Ligue Europa. Mais le problème n’a rien de sportif. Il est financier et politique: le fonds d’investissement Elliot, qui détient des créances du club, réfléchit à mettre le président Gérard Lopez sur la touche, alors même que le rachat du Losc avait été effectué par ce dernier. Comment expliquer cette tempête? Voici quatre questions pour comprendre.
Comment le club est-il structuré?
En janvier 2017, le président historique Michel Seydoux vend le club à Gérard Lopez, qui devient le nouvel actionnaire majoritaire. Le modèle économique annoncé se base sur le « trading », en achetant de grands espoirs pour essayer de les transférer rapidement avec une forte plus-value. Ce qui implique de devoir beaucoup investir au préalable, d’exceller dans le recrutement, d’obtenir de bons résultats pour mettre en valeur les joueurs et d’être capable de maintenir un bon niveau même si l’effectif est chamboulé à chaque mercato estival.
Un flou a toujours entouré la structure administrative et financière du club. Dès les jours suivant la reprise, plusieurs médias, dont Mediapart, avaient dévoilé le complexe montage financier ayant permis le rachat. En juin dernier sur RMC, Gérard Lopez assurait dans l’After: « Le Losc est détenu par moi à 100% ». Tout en admettant: « C’est vrai qu’il y a un fonds d’investissement qui a investi pour qu’on puisse investir dans une politique de joueurs. J’ai d’abord acheté, et ils sont entrés après ».
?? « En voyant que sa première réflexion passe par le jeu, on comprend mieux là où il veut en venir. »
Laure Lepailleur et Daniel Riolo reviennent sur le modèle lillois après les explications de Gérard Lopez dans l’#AfterFoot #RMClive pic.twitter.com/1f4lT2H16I
— After Foot RMC (@AfterRMC) June 2, 2020
En fait, en 2017 et 2018, le fonds américain Elliott a effectivement prêté de l’argent à une des sociétés mères du Losc. Il serait question de 130 millions d’euros. Surtout, ces versements se sont faits dans le cadre d’emprunts obligataires. Avec deux conséquences majeures autrefois révélées par France 3: celui qui prête s’assure de recevoir des intérêts fixe chaque année et il s’empare de la gouvernance du club, en pouvant éventuellement devenir propriétaire.
Les comptes du club sont-ils dans le rouge?
La DNCG, gendarme financier du football français, a plusieurs fois eu le Losc dans le collimateur. Début 2018, soit un an seulement après l’annonce de la vente, la presse rapporte que le club est rétrogradé à titre conservatoire. La sanction est finalement levée, mais un encadrement de la masse salariale et des transferts est mise en place. Le rapport de la DNCG pour la saison 2017-2018 permet de comprendre: Lille accuse un déficit de 141,8 millions d’euros.
Puis à la fin de la saison 2018-2019, le résultat net annoncé par la DNCG est de -66 millions d’euros au 30 juin. Un mois plus tard, le club rééquilibre ses comptes pour passer à un maigre bénéfice de 127.000 euros.
Durant l’été 2020, le Losc a dû repasser plusieurs fois devant les contrôleurs, qui avaient émis un « sursis » et demandé des « examens complémentaires ». Il s’avère que le club était encore en difficulté, à cause de transferts sortants ayant pris du retard et d’autres ayant manifestement échoué (Ikoné, Soumaré, Soumaoro). Le départ de Victor Osimhen à Naples, annoncé pour 80 millions d’euros, ne s’est ainsi concrétisé qu’au dernier jour de juillet. L’Équipe rapportait alors que Gérard Lopez avait apporté une garantie, à la manière de Frank McCourt avec l’OM.
Pourquoi ce timing, alors que le club est premier de L1?
Au micro de RMC, Gérard Lopez se montrait confiant sur la situation financière du Losc, arguant notamment que les mercatos étaient négociés depuis l’été 2019 sur des « fonds propres ». Sauf que la pandémie de coronavirus et d’autres aléas ont abîmé ses plans et sans doute suscité l’inquiétude des créanciers.
À cause du Covid-19, le manque à gagner est énorme, compte tenu de l’absence de billetterie et de la baisse du merchandising. Comme la saison 2019-2020 de Ligue 1 n’est pas allée à son terme, une partie des droits TV n’ont pas été versés et, surtout, le Losc a raté la qualification pour la Ligue des champions (l’UEFA verse au moins 15 millions d’euros à chaque club de la phase de poules).
À cela, s’ajoutent deux autres problèmes. Le premier étant les futures modalités d’entrée de nouveaux joueurs au Royaume-Uni par rapport au Brexit, ce qui pourrait nuire à la valeur de jeunes joueurs comme ceux du Losc. Mais, surtout, le Losc est désormais certain de perdre encore plus d’argent à cause de la défaillance de Mediapro. Les non-versements du diffuseur et la baisse inéluctable du montant global avec le(s) futur(s) repreneur(s) des droits créent un nouveau trou dans les caisses. Autant de raisons qui semblent pousser le fonds d’investissements à vouloir reprendre la main, pour ne pas risquer de perdre tous ses fonds prêtés.
Quelle est la suite?
Selon les informations de RMC Sport, le fonds d’investissement Elliott pourrait faire valoir ses droits, permis par les emprunts obligataires, pour changer la gouvernance du club. Gérard Lopez pourrait donc être poussé vers la sortie. À sa place, Olivier Létang, ancien président du Stade Rennais, pourrait être nommé avec l’apport d’un nouvel actionnaire.
Dans les deux cas, les fonds Elliott pourrait impulser des changements au mercato. La Voix du Nord affirme qu’un départ de l’international portugais Renato Sanches n’est pas exclu au mercato d’hiver. Ce qui renforcerait les finances du club, mais affaiblirait considérablement l’équipe actuellement en tête de la Ligue 1 et seizième de finaliste de la Ligue Europa.
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