Passer du temps avec Pascal Nouma en Turquie n’est pas de tout repos. Demandez aux équipes de tournage de RMC Sport. Parti sur les traces du joueur formé au PSG pour le film Bad Boys, dont le premier épisode est diffusé ce lundi soir sur RMC Sport 2 (21h) et mettra entre autres un coup de projecteur sur son parcours, le journaliste Antoine Chassagne a dû faire preuve de capacité d’adaptation. Nicolas Lansalot, responsable du projet, raconte: « Antoine passe une journée avec lui, il commence à tourner, ça se passe bien et… plus de nouvelles. En fait, Pascal s’était barré, il était parti à l’autre bout de la Turquie pour un match d’anciens qui n’était pas prévu et dont il ne nous avait pas parlé. Il nous a plantés. Antoine a fini par prendre un avion pour le rejoindre. »
?? « En Turquie, Nouma est une star totale qui surfe encore sur son image de Bad Boy. Quand on est allés en Turquie, on a tourné une journée avec lui et… Plus de nouvelle. Il s’était barré à l’autre bout du pays »
? Nicolas Lansalot raconte l’éprouvant tournage de #BadBoysRMC pic.twitter.com/XRSsZNMeAF
— RMC Sport (@RMCsport) November 28, 2020
L’anecdote semble écrite pour une rockstar. Il y a de ça. Sur les rives du Bosphore, Pascal Nouma en est une. Une histoire passionnée et passionnante qui dure depuis vingt ans, flamme ravivée au fil du temps à coups de dingueries bien dans la veine du personnage. L’homme aime son pays d’adoption de tout son cœur. Et la Turquie le lui rend bien. « Je mourrai ici », lâchait-il au Figaro en décembre 2019. Logique. Car c’est « ici » qu’il a connu une forme de renaissance, « ici » qu’on l’a fait roi. La chose n’était pourtant pas gagnée d’avance. Après une solide carrière française entre Paris, Lille, Caen, Strasbourg et Lens, où il inscrit à son palmarès une Coupe des Coupes, une Coupe de France et trois Coupes de la Ligue, ce fils d’un footballeur camerounais (Richard) arrivé en France avec Zacharie Noah (père de Yannick) rejoint Besiktas et la folie des supporters stambouliotes à l’été 2000. Pas vraiment motivé.
« J’avais peur de la Turquie »
« A la base, je ne veux pas y aller, raconte-t-il à RMC Sport. Je demande même à Lens de baisser mon salaire car je ne voulais pas partir. Comme tout le monde, j’avais peur de la Turquie à l’époque. Le pays était flippant. » Midnight Express, film signé Alan Parker, est passé par là et a laissé des traces dans la psyché collective. Mais Lens, qui ne dit pas non à l’argent du transfert, parvient à le convaincre. Direction Istanbul. Arrivé tard en stage, Nouma voit l’entraîneur Nevio Scala lui proposer « un deal de ouf »: en chier pendant quinze jours pour rattraper son retard de préparation avec en récompense s’il y parvient quelques jours de repos… pour aller se détendre à Saint-Tropez. Mission(s) accomplie(s). En Suisse, cadre du stage, Scala prend aussi la parole devant son groupe pour demander qui fume et qui boit. L’attaquant français lève deux fois la main, un peu seul au monde même si un coéquipier l’accompagne. « Je ne suis pas un menteur », appuie-t-il aujourd’hui.
Icon Sport – Pascal Nouma en Turquie en mai 2003
Son coach découvre un bon vivant revendiqué. Les fans du Besiktas, eux, vont voir naître une idole. Deux épisodes marquent les débuts de l’idylle. Sur le terrain, d’abord, avec fin septembre 2000 un match de Ligue des champions à Leeds où l’équipe turque prend le bouillon (6-0). Et où Nouma balance une gifle à Danny Mills, défenseur central de l’équipe anglaise. Le geste ne lui vaut pas de carton rouge, l’arbitre n’a pas bien vu, et pousse son coach à le sortir. Mais il va l’inscrire dans le cœur des supporters. « Mon équipe, c’est mes potes, on part à la guerre ensemble, et Mills s’était pris la tête avec un joueur de chez nous, se souvient-il. En faisant ça, les supporters se sont identifiés à moi et moi à eux car c’est un public chaud, des gens qui ne sont pas riches, un club populaire comme moi je viens de la classe populaire. Je pense que ça a été l’image de l’année pour les supporters du Besiktas. Il se sont dit: ‘Voilà, lui, c’est un des nôtres’. S’ils en reparlent encore aujourd’hui, c’est qu’ils auraient fait la même chose que moi. »
⌛️ 2000, Leeds United – Beşiktaş.
? Pascal Nouma, takım arkadaşları ile tartışan Danny Mills’e yumruk atıyor. pic.twitter.com/IGx5a08jWl
— Eskiden Futbol (@EskidenFutbol) April 26, 2020
Sa légende va aussi se construire loin du pré. Un soir, Nouma se rend seul dans une boîte de nuit découverte grâce à son coéquipier buveur-fumeur. « J’étais au bar, j’ai bu cinq vodka-Red Bull, un truc dans le genre, mais l’atmosphère était bizarre car je pensais voir d’autres joueurs mais aucun n’était présent, détaille-t-il. Je me suis dit: ‘Bon bah je vais me casser’. Je vais pour sortir de la boite et je tombe dans un guet-apens de paparazzi! Ça c’est mal fini. Je me suis battu et j’ai terminé au poste. » Il fait un court passage en cellule, où des policiers le prennent en photo à travers les barreaux. Il racontera que le juge, fan de Besiktas, lui aurait dit lors de l’audience: « Si tu marques, l’affaire est close. Sinon, tu retournes en taule. » Le week-end suivant, il égalise dans le temps additionnel.
« Tu n’as plus un mètre pour toi, tu es suivi par les paparazzi vingt-quatre heures sur vingt-quatre »
Avec dix-huit buts en vingt-quatre matches, l’ancien Parisien régale sur le terrain. Une nécessité, à l’écouter. « Pourquoi est-ce que j’étais obligé de faire une saison de fou? La peur. Si tu ne veux pas qu’on te tape, il ne faut pas donner le bâton pour te faire frapper. » Il avait été encore plus précis pour Le Figaro: « J’appelais ma mère avant chaque match pour lui dire: ‘Maman, prie pour que je marque, parce que si je ne marque pas, je peux me faire tuer!' » Mais le serpent se mord la queue. Nouma marque pour être tranquille. Mais plus il marque, plus il se retrouve en pleine lumière. « J’avais une image d’extraterrestre: je suis sportif, je fume, je sors et je dis ce que je veux. » Les fans, les caméras, les photographes, les journaux people, tous le traquent et se délectent de ses aventures nocturnes.
Icon Sport – Pascal Nouma à Istanbul en avril 2008
Avec son pote Doudou, qui vit avec lui dans une villa « trop grande pour (eux) » à Acarkent, côté asiatique, il faut aller jusqu’à se cacher. « On a vécu presque toute l’année les volets fermés parce que les paparazzi prenaient des photos quand on sortait de la maison, quand on allait dans le jardin, se souvient-il. Ils m’attendaient tous au tournant. Donc tous les week-ends, je me disais: ‘Il faut que tu marques’. Et je suis sorti très rarement d’un match sans avoir marqué. C’était la peur de leur donner le bâton, qu’ils aient le droit de me frapper, qui me faisait bien jouer. La peur fait beaucoup de choses. » Mais la prison dorée se révèle difficile à vivre. « En France, quand tu es footballeur, tu es un peu reconnu, ok. Mais là, du jour au lendemain, ta vie change. Tu n’as plus un mètre pour toi, tu es suivi par les paparazzi vingt-quatre heures sur vingt-quatre, matin, midi et soir. C’est pesant. Je n’arrivais pas à gérer. »
Rendez-vous au large pour éviter les paparazzi
Sa femme, devenue depuis ex-femme, ne veut pas le rejoindre en Turquie, jugée trop dangereuse. C’en est trop. Retour en France, où il signe à l’OM, environnement moins difficile à appréhender quand on arrive direct du Besiktas. Au pays, c’est un drame qui l’attend. Un kyste a grossi encore et encore dans sa nuque – son premier souvenir de la chose est d’avoir senti « comme une piqûre de moustique » lors d’une « pool party » en Turquie – et on lui diagnostique un cancer. Opération, sept mois de radiothérapie et de chimiothérapie à l’hôpital Lacassagne de Nice. Son avenir se brouille. Il pense ne jamais rejouer au football. Mais son traitement se termine et Mircea Lucescu, entraîneur roumain tout juste arrivé sur le banc de Besiktas en provenance du rival Galatasaray, espère le faire revenir à Istanbul s’il en est capable. Un rendez-vous est organisé sur un bateau au large de Cannes, pour éviter les paparazzi turcs, avec notamment son médecin (Michel Gaillaud) et celui du Besiktas.
« Si Pascal doit mourir, vous devez le rapatrier avant »
« Ils repartent et là, grosse bombe en Turquie: Nouma ne pourra pas signer, explique l’intéressé. Le docteur avait une déclaration à la télé, au journal de 20h ou un truc du genre: ‘Pascal va mourir dans une semaine donc on ne peut pas le faire revenir’. Mais les supporters du Besiktas, qui m’aiment comme des fous, ils ont fait une manifestation devant le siège du club et ont tout cassé en disant: ‘Si Pascal doit mourir, vous devez le rapatrier avant pour qu’il meure en Turquie’. Ils avaient la pression donc ils m’ont envoyé un jet privé. Il fallait que je signe et j’ai signé. » La légende dit qu’il est alors payé… au match joué. L’homme marque moins mais semble assagi. Jusqu’à ce que… Fin avril 2003, année des cent ans du club, c’est le derby Besiktas-Fenerbahçe. Ambiance électrique. Nouma ouvre le score. Pour célébrer, il met la main dans le short et mime une masturbation!
« C’était pour répondre au médecin qui avait dit que j’allais mourir, avoue-t-il. Mettre la main dans le froc, c’était pour lui dire: ‘Va te faire foutre mec, je suis toujours là et tu partiras avant moi’. » Le geste fait grand bruit en Turquie, choque et prend une dimension politique. La direction du Besiktas, sous pression, doit se séparer du joueur. Et il y a d’autres conséquences: « Je me suis fait expulser, je n’avais plus le droit de revenir en Turquie pendant deux ans et demi ». Après un passage au Qatar puis un tour en Ecosse, il met un terme à sa carrière en 2005. Mais il va revenir en Turquie et y devenir… une star de la pop culture.
Danse avec les stars, Koh-Lanta, The Voice…
En 2006, sans passer de casting – il a expliqué au site de So Foot ne jamais en passer là-bas –, il tourne dans un premier film, Le fils de l’homme qui sauva le monde, plus connu sous le titre Turkish Star Wars 2 (pas grand-chose à voir avec le vrai Star Wars, pourtant, sauf le fait que l’action se passe dans l’espace). Sa nouvelle carrière dans son pays d’adoption est lancée. « J’ai dû faire huit longs métrage au cinéma, cinq ou six séries télé, une trentaine de pubs », énumère-t-il. La télé-réalité va vite flairer le bon client. A l’automne 2010, il repart finaliste de l’émission Danse Avec Les Stars. L’année suivante, c’est Survivor (Koh-Lanta) qui l’accueille pour… une altercation violente avec un autre candidat qui conduit à son éviction prématurée. Et en 2012, c’est dans la version turque de The Voice qu’il fait admirer son organe vocal. Il ne gagne jamais mais sa populaire grandit encore et toujours. Plus tard, il tiendra aussi une matinale radio en Turquie. Et depuis plusieurs années, c’est en tant que DJ-chanteur qu’il écume les quatre coins du pays pour faire plaisir à « son » public.
Une superstar locale, quoi. Qui n’avait « rien calculé » pour le devenir. « Je ne me suis jamais dit: ‘Je vais mettre ma main dans mon froc pour me faire expulser du pays pour revenir trois ans plus tard et être encore plus populaire’ ou ‘Il faut que tu fasses ci ou ça pour être populaire’. Je n’ai rien choisi, c’est arrivé comme ça. » Sorte d’ambassadeur français en Turquie, où il a bien plus marqué les esprits que d’autres joueurs français passés dans le pays comme Frank Ribéry ou Nicolas Anelka, Pascal Nouma y vit sous le feu des projecteurs. Sous celui des rumeurs, aussi, avec des médias pointant les sorties nocturnes, les verres et les aventures. Il répond avec le sourire: « Les gens disent: ‘Pascal Nouma, il a niqué toute la Turquie’. Tu imagines? Il faudrait des cojones de taureau. Ce n’est pas le cas… Ce qui me fait plaisir, quand je sors et que je suis en Turquie, c’est qu’il y a des gens qui s’en foutent du foot et qui ne m’imaginaient pas être comme je suis. Mon image est tronquée par certains médias. » Pascal Nouma se définit comme « un bad boy en rémission ». En Turquie, où même les fans des adversaires du Besiktas le respectent, il est surtout devenu une star dans les émissions.
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