Il y a un peu de Naples et d’Argentine dans cette ville de Marseille, où beaucoup de supporters olympiens ont les yeux humides et la voix tremblante depuis l’annonce de la mort de Diego Maradona. Mercredi soir, en urgence et avec sobriété, les South Winners avaient ajouté une banderole « RIP Diego » et un drapeau en l’Argentine en haut du virage sud.
Si Marc Hodoul avait pu aller au stade, il aurait ressorti avec fierté et émotion une autre voile. Marc est un pilier de la Vieille Garde du CU84 (Commando Ultra). Il a sorti cette banderole spéciale Diego dans le collège Marseilleveyre, où il travaille, dans le sud de Marseille. Pour envoyer la photo à un de ses amis napolitains. Et lui envoyer un peu de chaleur et toute son affection, après la mort de leur idole.
Les supporters marseillais auraient pourtant aimé piquer la star argentine, le meilleur joueur du monde, au Napoli. Ils y ont cru, le 3 juin 1989, lorsque L’Équipe et Le Provençal annonçaient en Une: « Maradona à Marseille », « Maradona à l’OM ». Coup de tonnerre dans le monde du football.
Le coup de fil à 2h30 du matin: « Maradona signe à l’OM »
Un coup de tonnerre, né d’un coup de fil, en pleine nuit, au domicile de Mario Albano, jeune reporter au Provençal. Albano raconte pour RMC Sport: « À 2h30 du matin, le téléphone sonne chez moi. Le téléphone fixe, parce que les portables n’existaient pas à l’époque! Donc c’est un bruit strident qui retentit dans la nuit… C’est Jean-Louis Levreau au téléphone, rédacteur en chef et en même temps l’un des bras droits de Bernard Tapie à l’OM. Et il m’annonce: «Il va falloir que tu ailles au journal, Maradona signe à l’OM». Dit comme ça, à 2h30 du matin, j’ai du mal à réaliser si je suis bien éveillé ou si c’est un rêve! »
C’est bien la réalité. Michel Hidalgo est alors à Naples, chez Diego Maradona. Mario Albano poursuit: « Un confrère parisien, avec beaucoup d’intelligence et de débrouillardise, déniche ce jour-là le numéro du téléphone fixe de Maradona. Il appelle chez Maradona, et demande à parler à Hidalgo. Il ne demande pas si Michel Hidalgo est là, il demande à lui parler. Le piège se referme, Hidalgo est là. Jean-Louis Levreau, qui avait promis à Tapie de ne pas dévoiler ce secret avant l’heure, estime que notre journal doit aussi sortir l’information. Je me lève dans la nuit, je fais ce papier. Désormais, tout le monde le sait. Mais à Naples, ça ne passe pas ! »
Un ancien capo : « Francescoli, Waddle, Papin… tu imagines avec Maradona au milieu ?! »
À Marseille, c’est en revanche l’euphorie. Cette une des journaux, cet immense « Maradona à Marseille! », beaucoup d’amoureux de l’OM s’en souviennent comme si c’était hier. Jean-Claude, également membre historique de la Veille Garde Ultra, est alors le capo du CU84. Maradona avec le maillot olympien, il en a rêvé dès le premier jour où l’info a été dévoilée. « C’était le jour d’un déplacement en Coupe de France, à Auxerre. Tout le monde était en folie », raconte Jean-Claude.
« On avait tous acheté Le Provençal, L’Équipe et toutes les unes de journaux qui titraient sur Maradona à Marseille. On les avait placardées contre les vitres du bus. Quand on est arrivés à Auxerre, ils hallucinaient, les mecs. On leur criait: «Oui, oui, il va venir chez nous, Maradona va venir à l’OM!» C’était un truc de dingue. Quand tu repenses à l’équipe que l’on avait, à l’époque! En 1989, il y avait Förster, Mozer, Di Meco, Francescoli, Waddle, Papin… Tu imagines avec Maradona au milieu?! Déjà qu’on avait des extraterrestres, tu rajoutes Maradona au milieu, ça aurait été fantastique. Marseille aurait été le centre du monde, on aurait été champion d’Europe avant 1993, c’est certain ! ».
La Vieille Garde: « On est tombé amoureux de Diego à la grande époque du Calcio »
Mais Maradona ne signera jamais à l’OM. Au grand regret de Pedro, autre fidèle de la Vieille Garde Ultra: « Son transfert avorté, c’est forcément un éternel regret. Diego sous le maillot blanc, cela aurait été l’extase absolue », s’enthousiasme Pedro.
« On est tombé amoureux de Diego à la grande époque du Calcio, où on allait le voir en vrai et où on était fascinés par Naples et sa passion si proche de la nôtre et de Marseille… C’est de là que date l’attraction des supporters de l’OM. pour l’Argentine. D’ailleurs, on le dit, l’OM, c’est l’Argentine. Et ce sentiment a été renforcé par les passages de Lucho, Heinze, Bielsa ou même Enzo Francescoli (Uruguayen mais Argentin d’adoption, ndlr). Tous ont laissé une empreinte énorme, à Marseille et à l’OM… »
Et surtout dans ce fameux virage sud, occupé, en haut, par les South Winners. Emblème: Che Guevara. Idole: Maradona. Plusieurs banderoles, écharpes ou tee-shirts à leur effigie ont vu le jour. Une voile immense, en 2008, avant OM-PSG, affichera même les visages de Maradona et du Che juste à côté avec un cri du cœur: « Futbol – Revolucion ».
Quand les Winners rejoignent les fans argentins en parcage
Un amour et une passion très argentine que Diego Maradona aura pu ressentir lors de son passage avec l’équipe nationale en février 2009. « El Pibe de Oro », alors sélectionneur, déclenche l’hystérie de Marignane à Gémenos, où l’Albiceleste s’entraîne. Tout le monde veut voir, toucher ou parler à Maradona. Ce jour-là, Diego lance même une paire de gants en laine. Une jeune fille attrape l’un des deux gants, se rend compte que c’est celui de la main gauche, et se met à pleurer car c’est… « la main de Dieu », celle qui a marqué contre l’Angleterre en Coupe du monde 1986.
Ce passage de Maradona à Marseille restera inoubliable pour beaucoup de supporters marseillais. « À défaut de l’avoir eu comme joueur, on l’a eu l’espace d’un instant sur le banc et la pelouse du Vélodrome en tant que sélectionneur », souligne Matthieu Franceschi, ancien membre actif des Winners.
« Le stade était à fond derrière l’Argentine. J’ai même le souvenir que des supporters des Winners étaient parvenus à entrer dans le parcage des fans argentins. Ils avaient été surpris. Mais quand ils «nous» ont vu débarquer avec des banderoles et maillots argentins, des tee-shirts du Che ou de Diego, ils ont compris qu’on était amis. J’ai même un collègue qui était parti en Argentine uniquement pour voir Diego. Il avait réussi à se faire signer un autographe sur le dos, avant d’en faire un tatouage dans la foulée ». Très rare pour un papa inconditionnel de l’OM, Matthieu raconte même que le premier maillot offert à son fils n’était pas celui du club olympien… mais celui de Maradona. Acheté en Argentine, évidemment. Sur les terres de Diego.
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