Juin 2019: le malaise de la Coupe du monde
Cet été-à, la France organise pour la première fois sur son sol la Coupe du monde féminine. Mais ce qui devait être une grande fête du football tourne pour les Bleues au malaise. Plusieurs sources internes pointent le comportement autoritaire de Corinne Diacre avec son groupe, mais aussi ses choix, comme celui de ne pas avoir sélectionné la buteuse parisienne Marie-Antoinette Katoto, déjà allumée en public quelques mois plus tôt.
On sent aussi une vraie tension avec Wendie Renard, à qui la coach a retiré le brassard de capitaine lors de sa prise de fonction en 2017. La raison alors annoncée? Que la joueuse « se recentre sur ses performances ». En réalité, la technicienne voulait être la patronne sur tous les plans, et avait du mal avec l’autorité naturelle et l’aura de Renard au sein du vestiaire bleu. Elle lui aurait même dit qu’elle voulait qu’elle « redevienne une joueuse lambda ». Plutôt décevantes dans le jeu, les Françaises se font sortir en quart de finale par les Etats-Unis (2-1).
>>> Amandine Henry détruit Corinne Diacre
Juillet-août 2019: le tacle à Le Sommer et le rassemblement de la discorde
Quelques jours après l’élimination des Bleues, Corinne Diacre débriefe l’échec tricolore devant les caméras de TF1. Et tacle notamment… l’attaquante Eugénie Le Sommer, qui n’aurait pas respecté ses consignes, notamment en matière de positionnement. « Même moi, je lui ai dit: ‘Pourquoi tu restes à gauche?’ L’idée et notre projet de jeu, ce n’était pas ça. Sauf que c’est ce qu’elle a fait. Pour quelle raison? Je pense qu’on en discutera plus tard. »
Un mois après, juste avant un rassemblement qui donnera lieu à un grand règlement de comptes – Diacre pense qu’un putsch s’organise contre elle – et à plusieurs crises de larmes, la meilleure buteuse française se défend dans un entretien à RMC Sport: « Je l’ai su après, j’ai reçu beaucoup de messages, confie-t-elle. Je pense que je serais tombée de mon canapé si j’étais en train de regarder en direct. Je n’ai pas du tout eu l’impression de ne pas avoir respecté les consignes. (…) Je ne voulais plus entendre parler de cela. Voir mon nom sortir dans la presse, ça n’a pas été évident pour moi et mes proches. J’avais juste envie de partir loin, me vider la tête. »
Décembre 2019: Renard sort les griffes dans un livre
Wendie Renard publie son autobiographie dans laquelle elle n’épargne pas la sélectionneure, évoquant notamment dans un passage « son désaveu et sa brutalité ». Invitée de RMC Sport pour parler de l’ouvrage, la défenseure rappelle qu’elle a failli mettre un terme à sa carrière internationale après la perte du brassard. « Le problème n’est pas de ne pas se sentir aimée, c’est d’être juste ou non envers moi, souffle-t-elle. C’est dur quand on te fait comprendre que tu n’as pas de valeurs, pas de respect, alors que ce n’est pas toi… » S’en suivra une tentative de conciliation de la part de Noël Le Graët, avec, dans le rôle du médiateur, le président de la FFF en personne.
Janvier 2020: le bras droit s’en va
Philippe Joly, adjoint de Corinne Diacre en sélection, quitte son poste. Comme indiqué à ce moment-là, le technicien voulait même partir l’été précédent, après le Mondial, ce qu’avait alors refusé la sélectionneure. Les raisons: Joly avait des envies d’ailleurs et semblait usé par la collaboration avec l’ancienne joueuse de l’ASJ Soyaux. Son départ a finalement été acté sous la forme d’un commun accord, à l’issue d’une dernière discussion où les deux techniciens ont vidé leur sac.
Septembre 2020: Bouhaddi fait une pause
Gardienne des Bleues depuis 2004, Sarah Bouhaddi annonce vouloir faire une pause en équipe de France. Si dans un premier temps, la joueuse reste évasive sur les raisons de son choix (« Je ne polémiquerai pas là-dessus, ce n’est pas mon intérêt »), Diacre elle-même indique quelques jours plus tard être « la cause de sa volonté ne plus venir en sélection ».
Fin octobre, Bouhaddi ne fait cette fois plus semblant et tire à tout va au micro d’OLTV. « Gagner un titre avec cette sélectionneure me paraît impossible, lance-t-elle. On vit dans un climat très, très négatif. Je ne me vois pas gagner quelque chose avec cette sélectionneure, et beaucoup de joueuses le pensent aussi mais ne le disent pas. Cela ne fonctionnera pas, je peux mettre mes deux mains à couper que l’équipe de France ne gagnera pas l’Euro si Corinne Diacre reste. »
Octobre 2020: des joueuses alertent Le Graët
En déplacement à Lyon pour remettre une médaille de la FFF aux joueuses de l’OL, à la suite de leur dernier titre en Ligue des champions, le président Noël Le Graët est interpellé par certaines cadres de la sélection. Un échange à bâtons rompus pendant lequel les joueuses expriment leur mal-être à venir en équipe de France sous les ordres de Diacre.
Elles insistent également sur le fait que l’équipe de France va droit dans le mur si la situation persiste, que trop de choses difficiles se sont passées ces dernières années et que dans ces conditions, il sera impossible d’aller chercher un titre lors de l’Euro 2022. Les internationales regrettent en outre que Diacre ait été prolongée dans le plus grand secret à la tête de l’équipe de France au printemps.
Octobre 2020: l’affaire Henry
Quelques jours après l’échange avec Le Graët, Corinne Diacre décide à la surprise générale de ne pas convoquer sa capitaine Amandine Henry. « C’est un choix sportif, explique la technicienne en dévoilant sa liste. J’ai décidé de laisser Amandine au repos pour qu’elle puisse retrouver la forme après sa blessure. » Mais ce choix entraîne une levée de boucliers. L’OL, club d’Henry, s’en mêle par communiqué, et l’agent de la milieu déplore également cette décision.
Visiblement préoccupé par la fracture entre Diacre et ses joueuses, notamment celles évoluant à Lyon, le président Jean-Michel Aulas prend à son tour la parole. Sous peine de finir « dans le mur », le dirigeant appelle à une « réunion au sommet » dans un entretien à l’AFP. « Comment envisager que l’Euro féminin puisse se dérouler dans de bonnes conditions quand on voit que les meilleures sont en conflit avec l’entraîneur? », s’interroge-t-il. En confiant une anecdote: « J’étais à la finale de la Ligue des champions où l’OL venait de gagner un 5e titre consécutif. Les filles auraient aimé partager cette victoire avec leur sélectionneure qui n’est pas descendue des tribunes. Soit il y a une timidité excessive de sa part, soit il y a un sujet à traiter et il faut le traiter. » Ce qu’a visiblement tenté de faire Amandine Henry ce week-end. A sa manière…
https://rmcsport.bfmtv.com/football/equipe-de-france-pourquoi-c-est-la-crise-chez-les-bleues-2006371.html