Dans un pays où le mercato est un sport à part entière, Jordan Veretout a un nouveau surnom : « Monsieur 40 millions ». Le milieu de terrain français s’affiche en pleine page de la Gazzetta dello Sport ce mardi matin, affublé de ce surnom qui fait référence à la valeur du joueur n’ayant cessé de s’envoler ces derniers mois. L’ancien du FC Nantes a rapidement mis Rome dans sa poche grâce à ses prestations sur le terrain. Surtout, dans un club où les notions esthétiques et romantiques sont toujours appréciées et revendiquées, son état d’esprit courageux et sans limite a séduit tout le monde, des supporters à ses coéquipiers, en passant par son entraîneur.
A la tête de cette équipe, Paulo Fonseca s’était d’ailleurs personnellement impliqué dans la venue de l’ancien joueur de la Fiorentina. « L’été dernier, plusieurs clubs voulaient Jordan, raconte pour RMC Sport, son agent Mario Giuffredi. Il y avait notamment Milan et l’Olympique lyonnais, mais ce qui a séduit particulièrement Jordan, c’est la discussion avec Paulo Fonseca. Il a vu que l’entraîneur de l’AS Rome a le voulait à tout prix. Ça a fini de le convaincre de choisir la Roma. » Le technicien portugais n’a pas dû regretter les minutes passées au téléphone pour lui expliquer son projet, tant les prestations du milieu l’ont aidé à atteindre la 5e place à l’issue de la saison dernière.
Aussi précieux avec que sans le ballon
Au sein d’une équipe ayant souvent montré de grosses limites par le passé sur le plan de la personnalité et de l’énergie déployée, Jordan Veretout a su se rendre indispensable. Il est devenu un milieu moderne, un milieu total, utile dans les deux phases de jeu. Premier relanceur, le joueur de la Roma possède une facilité technique ballon au pied pour orienter le jeu, l’accélérer ou le ralentir. Il dicte le tempo. Paulo Fonseca, son entraîneur, lui a donné beaucoup de responsabilités dans la phase de construction où il est le plus à l’aise ballon au pied, qu’il soit aligné avec Amadou Diawara ou Bryan Cristante dans le 4-2-3-1 du technicien portugais. « Techniquement, il est simple, il ne va pas chercher à faire des choses compliquées, témoigne Valentin Eysseric, son ancien coéquipier à la Fiorentina. Et puis, il marque aussi. Avec nous, il avait mis un triplé contre la Lazio, là il met un doublé contre la Juve. Tu le vois aujourd’hui, il a un gros coffre, il aide à ressortir proprement le ballon, il se projette devant le but adverse, il travaille pour l’équipe. C’est devenu un milieu complet. »
L’ancien milieu de l’OGC Nice l’a vu progresser sous ses yeux à la Fiorentina lors des saisons 2017-2018 et 2018-2019 : « Pioli l’a mis en confiance en lui donnant beaucoup de responsabilités et ça a décuplé ses qualités. J’avais joué en France contre lui aussi et il n’était pas aussi fort. Il était beaucoup plus timide sur le terrain. Je le vois faire des choses aujourd’hui qu’il ne faisait pas avant. »
C’est également sans ballon que sa présence sur le terrain se fait sentir. « Il y a eu la saison passée une Roma avec et sans Veretout et Smalling, garantit Gabriele Fasan, journaliste à Il Romanista, unique quotidien au monde consacré à un seul club. On a d’ailleurs vu à Séville ce que pouvait donner cette équipe sans ses deux leaders. » Lors du huitième de finale d’Europa League début août, la Roma avait sombré face au club espagnol (défaite 2-0) et avait affiché de grosses carences physiques et mentales.
Jordan Veretout combine qualité et quantité. Il est le premier à aller chercher le ballon dans les pieds adverses, à déclencher le pressing ou à offrir une solution au porteur de balle. Contre la Juve, son deuxième but témoigne de son volume habituel de courses, après un sprint de 60 mètres pour aller finir dans la surface turinoise. Infatigable, il est capable de répéter les efforts à haute intensité pendant très longtemps et est fondamental dans l’équilibre de la Roma. Cette dimension athlétique n’est pas arrivée par hasard. Il travaille beaucoup. Pendant le confinement, il a multiplié les séances chez lui. « Je pense qu’il travaille encore plus qu’avant, confirme Eysseric. Pendant le confinement, je l’avais eu au téléphone, je sais qu’il a bossé avec un préparateur pour être prêt. »
Cette impression d’un milieu « total » est confirmée par les chiffres. Quand on cherche les milieux de Serie A capables de réaliser plusieurs courses de plus de 30 mètres vers le but adverse par 90 minutes, tout en disputant au moins 4,5 duels en phase de pressing et avec minimum 50 passes effectuées, Jordan Veretout ressort avec trois autres joueurs, tous ayant un rôle plus offensif : Luis Alberto (Lazio), Alejandro Gomez et Ruslan Malinovskyi (Atalanta). Si l’on rajoute un dernier élément, sur la quantité de ballons interceptés, la liste se réduit au simple français (source Wyscout).
De gros objectifs et le rêve bleu
De leader par la prestation sur le terrain, Jordan Veretout a encore quelques pas à faire pour devenir leader dans le vestiaire. Ce n’est pas un manque d’envie, mais sa personnalité un peu effacée le freine encore pour endosser ce rôle. « C’est un garçon un peu timide et disons qu’il a parfois peur de dire une parole de travers à ses coéquipiers, confie-t-on dans son entourage. Il peut paraître un peu réservé mais c’est plus du respect pour ses partenaires. Et ça ne fait qu’un an qu’il est à la Roma. Peut-être qu’après deux ou trois ans, il sera aussi un leader sur le plan de la personnalité. »
En attendant, le joueur espère pouvoir disputer sa première Ligue des champions au terme d’une saison qui s’annonce très disputée en Italie, avec une grosse concurrence pour les quatre premières places qualificatives en C1. La Roma ne part pas favorite. « Cette saison, il se sent encore plus important dans cette équipe et il s’est fixé de gros objectifs avec le club, mais aussi avec l’équipe de France dont il rêve d’endosser le maillot, témoigne son agent, Mario Giuffredi. Jordan a montré qu’il était parmi les meilleurs milieux de terrain en Europe et je lui souhaite de jouer avec la sélection. »
C’est l’un des grands rêves de l’ancien Nantais : porter le maillot bleu. Pas encore appelé par Didier Deschamps, Veretout a un profil moderne qui pourrait séduire le sélectionneur tricolore. Il peut jouer sous pression et aller la mettre de manière énergique sur l’adversaire. Il récupère, intercepte, donne proprement, alterne le jeu court et long. Valentin Eysseric abonde : « Il mérite d’aller en équipe de France, c’est le moment. Il y a beaucoup de milieux de terrain en équipe de France, des jeunes talents, mais avec ce que fait Jordan en Italie – et attention, c’est dur l’Italie –, sachant qu’il joue tous les matchs, il mériterait d’être appelé. » En attendant la prochaine liste de Didier Deschamps, ce jeudi (14h), Jordan Veretout continue son quotidien à la Roma. Après les projecteurs du match contre la Juve, retour à une rencontre plus anonyme pour la Roma, sur la pelouse de l’Udinese ce samedi. Habituée à faire le yo-yo en terme d’implication lors de certains matchs, la Roma pourra compter sur son nouveau légionnaire pour rappeler à tout le monde qu’on ne progresse qu’en étant exigeant avec soi-même. Le parcours de l’ancien Nantais l’illustre à merveille.
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