Que s’est-il passé vers 19h30 dimanche 6 mai au soir après TFC-Lille, lorsque la BAC et la SIR (section d’intervention rapide) ont choisi de charger la trentaine de supporters toulousains venus réclamer un dialogue avec la direction du club violet? Au milieu de cette soirée chaude, Bobo, supporter de 22 ans, a fini avec une ITT (incapacité temporaire totale de travail) de deux jours, des coquards aux deux yeux, huit mois de prison avec sursis assortis d’une interdiction de stade de deux ans et d’une obligation de pointage les soirs de match du TFC. Ce soir- là, déçus, abattus par la défaite contre Lille trois buts à deux, quelques centaines de supporters quittent les tribunes du Stadium pour rejoindre le parvis. Un endroit stratégique afin de parler aux joueurs et à la direction du club.
Dans cet aéropage, on trouve une foule éclectique: des membres des différents clubs de supporters, mais aussi des familles, des personnes âgées, et même une personne en fauteuil roulant. Mais personne de cagoulé. Un supporter, mégaphone en main, réclame du calme. Sorti des vestiaires, le défenseur central Christopher Jullien vient au dialogue. Protégé par des membres de la sécurité, le défenseur s’explique tranquillement avec des représentants. Deux enfants fendent même l’attroupement pour faire signer un maillot et faire des selfies avec lui. Juste après, l’attaquant Andy Delort apparaît. L’échange est plus tendu. Certaines insultes fusent même (« Delort alcoolique »). « Un attroupement se forme », raconte un supporter présent sur place. L’attaquant préfère éviter le dialogue et rentre au parking réservé aux joueurs.
Jacqui Teulières, l’emblématique et historique intendant du des Haut-Garonnais, sort en voiture sous les chants des Indians. « Ce n’était pas du tout une ambiance explosive », abonde un autre témoin. L’officier de liaison du TFC est venu s’enquérir des demandes des supporters. Ils réclament la venue d’Olivier Sadran et de son président délégué, Jean-François Soucasse. A l’opposé, un supporter des Indians allume un pot de fumée. Une autre personne chante au mégaphone. Première charge de la Section d’Intervention Rapide et de la Brigade Anti-Criminalité.
« De la balle au prisonnier »
« Ça été fulgurant », raconte Jean-Baptiste, un autre témoin. « Quatre policiers tombent sur un type qui tenait le mégaphone et faisait un chant marrant ajoute Marc, du club de supporters des Indians. Ils l’ont étranglé. Personnellement, j’ai pris un coup de pied et un coup de matraque télescopique. » Plusieurs témoins rapportent qu’une personne en fauteuil roulant aurait été renversée par l’action des hommes en bleu. Bobo, ancien abonné, est repoussé hors du parvis alors que certains sont bloqués contre les grilles en bas du virage Brice-Taton: « On recule, tout le monde se fait taper, matraque, coup de poings, il y avait des enfants, des femmes. C’était assez horrible comme scène. »
La tension redescend après cette première intervention. La personne du club veut que les représentants des supporters montent dans les étages car le président Olivier Sadran ne descendra pas. Refus. La BAC se positionne à la sortie du stade et la SIR le long des grilles. Entre deux voitures, Bobo grille une cigarette avec un ami: « Les CRS nous tirent dessus au flashball jusqu’à que les hommes de la BAC nous chargent. Un policier de la BAC m’a fauché, m’a mis une balayette puis ils m’ont sauté à quatre dessus. Je ne faisais rien et je prends un coup de poing de la part d’un policier, des coups de pied dans la tête et un policier me dit ‘bouge pas, mange le sable’ alors qu’on n’avait rien fait de mal. Ils m’ont serré fort les menottes. Un policier a dit à un autre « gaffe à pas le blesser ». »
« C’était de la balle au prisonnier, une trentaine de policiers pour autant de supporters », résume Jean-Baptiste. Bobo est accusé d’avoir jeté une bouteille en verre et une barre de fer sur les forces de l’ordre. Deux autres supporters sont embarqués, l’un pour avoir importé un fumigène avant la rencontre, et l’autre pour avoir allumé le pot de fumée. Bobo entre au commissariat vers 20h dimanche soir et n’en ressort qu’à 15h lundi. Arrivé au poste, il porte de graves accusations aux policiers: « ils m’ont menotté à un banc, ils m’ont tendu une barre et m’ont dit attrape là. Je la touche et ils rigolent, «maintenant il y a tes empreintes dessus connard!» »
Signalements à l’IGPN
Pendant ce temps, au Stadium, une responsable des Visca Tolosa échange avec un policier qui, en off, lui justifie les interventions: « On n’a fait qu’obéir aux ordres, c’est la commissaire qui a eu peur que ça dégénère. » Disperser ces supporters encore présents une heure après le coup de sifflet final. Trois jours plus tard, mercredi, 19h30, comparution immédiate de Bobo. Une trentaine de supporters sont venus l’épauler, témoignages consignés, prêts à être versés au procès. Ils ne serviront à rien: « On nous a traités de menteur, clame l’un des présents. Les témoignages des policiers ont suffi à condamner un jeune homme de 22 ans à 8 mois de prison avec sursis« . « Je suis innocent de A à Z », a répété Bobo devant le juge. Pâtissier, le garçon de 22 ans avait déjà écopé d’une interdiction de stade d’un an pour avoir pénétré sur une pelouse. « Afin d’avoir un maillot de joueur que je n’ai même pas eu », dit-il, pas très fier.
Dorénavant, il doit pointer au commissariat les week-ends de matchs. Les deux policiers, eux, n’étaient pas présents lors de l’audience. Trois jours d’ITT pour l’un d’entre eux, blessé à une main. Dans son enquête, RMC Sport a souhaité donner la parole à toutes les parties et a été en contact avec la police toulousaine. Car les accusations des supporters sont nombreuses et graves, soyons clairs. Au départ enclin à délivrer une interview pour commenter les faits, puis parlant d’un communiqué, les forces de l’ordre n’ont finalement pas souhaité nous parler. Nous avons également sollicité le parquet, qui a demandé un peu de temps pour avoir toutes les pièces du dossier. Des questions restées sans réponse, notamment sur le fait qu’aucun enregistrement vidéo des caméras du Stadium n’ait été fourni à l’audience.
Les Indians se tournent maintenant vers la police des polices pour tenter d’obtenir la vérité sur cette soirée. Six de leurs membres ont déposé des signalements sur le portail internet de l’IGPN. Beaucoup parlent d’un traumatisme. De son côté, le TFC s’est fendu d’un communiqué, trop neutre selon les supporters. Il précise que « cette intervention relevait d’une décision autonome prise par l’Autorité Publique » et donc non par le club. La vérité. Mais un manque de soutien dénoncé, qui fait mal à certains.
Contacté par RMC Sport, Olivier Sadran n’a pas voulu s’exprimer. Samedi dernier à Bordeaux pour un derby de la Garonne perdu par les joueurs de Mickaël Debève (4-2), il n’y a pas eu de déplacement. Et contre Guingamp, samedi prochain au Stadium, les virages devraient aussi sonner creux. Car il y a quelques jours, quatre des sept associations de supporters ont déposé « leurs armes »: leurs drapeaux, leurs tambours, le tout sous les fenêtres de la direction, sur le fameux parvis du Stadium. Une fracture nette. Alors que le TFC joue sa survie en Ligue 1 lors de l’ultime journée de cette saison, en ce dimanche de mai après Lille, il a peut-être perdu plus que les trois points.
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