« C’est le football, ça m’est juste venu comme ça. La passe est bonne, mais Casemiro la met bien et ce sont surtout trois points pour nous dans un match important. » Karim Benzema a beau avoir commenté l’action comme une vulgaire remise latérale à 40 mètres du but adverse, l’attaquant français du Real Madrid a signé dimanche soir sur le terrain de l’Espanyol Barcelone l’une des plus belles passes décisives de la saison. Une talonnade qui n’a échappé à personne, à l’image de son but d’anthologie face à Valence, dix jours plus tôt. A l’image de chacune de ses inspirations, en fait. Car depuis la reprise de la Liga, mi-juin, « KB9 » marche sur l’eau.
Auteur de trois buts et d’une passe en cinq rencontres, uniquement sur un plan statistique, l’ancien Lyonnais a permis au Real de faire le plein de points en championnat, et de repasser devant le Barça au classement. Une influence presque unique dans les grands championnats ayant repris, qui pousse à une interrogation: même si d’autres ont parfaitement réussi leur retour à la compétition, à l’image du serial-buteur Robert Lewandowski au Bayern, Karim Benzema n’est-il pas le meilleur joueur au monde actuellement?
Le meilleur joueur de la meilleure équipe d’Espagne
« Benzema? Depuis le déconfinement, au niveau du jeu, de l’efficacité, de la construction, je ne vois pas qui est plus complet que lui, témoigne Fred Hermel, correspondant de RMC Sport à Madrid et suiveur attentif de l’attaquant tricolore. Benzema, c’est le but, c’est la passe dé, mais c’est aussi l’avant-dernière passe. Il est au départ de plein d’actions décisives. Outre la période actuelle, si l’on prend un peu de recul, c’est d’ailleurs le meilleur joueur du Real pour la deuxième saison consécutive. En ce moment Ramos et Varane sont super forts, Courtois aussi, mais dans la régularité, c’est lui le meilleur. Depuis le départ de Cristiano Ronaldo, il a repris le flambeau. »
Longtemps considéré comme un parfait équipier pour le quintuple Ballon d’or, Benzema s’est effectivement émancipé depuis l’été 2018 et le départ de CR7 pour la Juventus. Les chiffres en témoignent: après un exercice 2017-2018 à 12 buts et 11 passes (47 matchs), le Français a signé une saison 2018-2019 à 30 buts et 11 passes (53 matchs), et en est déjà à 22 buts et 10 passes cette saison (41 matchs), impliqué sur 37% des réalisations de son équipe.
Joueur-clé sur un plan offensif, le joueur de 32 ans semble aussi avoir franchi un palier dans le leadership. « Il est le troisième capitaine dans la hiérarchie, note Hermel. Ce n’est pas quelqu’un qui parle beaucoup dans le vestiaire, mais il parle sur le terrain. Notamment avec les jeunes, Vinicius ou Rodrygo, et aussi Modric quand il y a un blocage dans le jeu. » Il parle, et il est écouté. Un patron.
Physiquement au top, malgré le confinement
Le Real Madrid a joué 44 matchs cette saison. Et à 41 reprises, c’était avec Benzema à la pointe de son attaque. Parce que le Français est essentiel dans le système de Zinédine Zidane, et parce que même s’il va sur ses 33 ans, il est dans une forme physique remarquable. Sur les deux dernières saisons, il n’a enregistré que trois blessures minimes lui faisant, au pire, manquer deux rencontres de suite.
« Karim est meilleur chaque année, parce qu’il prend soin de lui », saluait Zizou dimanche soir. « Il travaille comme un malade, abonde Fred Hermel. Il n’a rien perdu pendant le confinement, il est au même niveau (physique) qu’avant la crise. Il s’est défoncé tout seul chez lui pendant des semaines, et il a eu zéro pépin physique depuis la reprise, alors qu’il a joué les cinq matchs, en sortant au pire quelques minutes à la fin. »
Son secret? Peut-être avoir côtoyé pendant des années le meilleur athlète sur le planète foot. « Cristiano lui avait dit il y a onze ans, à son arrivée au Real, de faire plus de muscu et de travailler davantage, se souvient Hermel. Et depuis qu’il a 30 ans, Karim a en plus changé sa manière de travailler. Au lieu de faire du développement musculaire, pour avoir plus de volume ou de puissance, il fait du renforcement, beaucoup de gainage, de l’électro-stimulation aussi. Il n’a pas perdu de poids, mais au lieu de développer son corps, il l’a renforcé. » Et cela se voit.
Les observateurs espagnols à ses pieds
« Un génie règne sur la Liga », titre ce lundi Marca à la Une de son édition, avec une photo, évidemment, de l’enfant de Bron. Parfois peu considéré, voire critiqué par une partie de la presse espagnole, qui préférait mettre en avant la machine Cristiano Ronaldo, Benzema a depuis mis tout le monde d’accord dans les médias. « Le regard des adversaires n’a pas changé, parce que ses adversaires connaissent le foot, observe Fred Hermel. Ça fait dix ans que tous les mecs en face parlent bien de lui, qu’ils le respectent. Bien entendu il est un peu plus en lumière vu qu’il n’y a plus Cristiano, mais l’opinion des autres joueurs n’a pas été bouleversée. C’est celle de la presse qui a changé. Là, ça y est, c’est dithyrambique. »
Carlos Capio, célèbre journaliste de Marca, expliquait récemment dans une tribune que le fait que KB9 soit désormais parmi les cinq meilleurs buteurs de l’histoire du Real Madrid est « une dédicace silencieuse à tous ceux qui n’ont toujours pas compris après onze saisons que Benzema est indiscutablement un des meilleurs attaquants du monde ». Il en a remis une couche ce lundi: « Aujourd’hui, Karim ne joue plus au subordonné de quiconque, pour la simple raison que personne n’égale son niveau dans la maison blanche, écrit-il. (…) Benzema fait tout, et il fait tout bien. »
A tel point que ces derniers jours, un débat s’est ouvert dans les talk-shows espagnols. « On parle déjà de lui pour le Ballon d’or, s’amuse Hermel. Ils commencent à faire des sondages dans les journaux et les émissions à la télé. » Une manière d’occuper le terrain, ou le début d’une véritable Benzemania?
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