La Coupe du monde dans une main, une caïpirinha dans l’autre, et la célèbre Rihanna accrochée à son cou. Ce 13 juillet 2014, Mario Götze est au septième ciel. A tout juste 22 ans, le milieu offensif vient de marquer le but victorieux pour l’Allemagne en finale du Mondial brésilien, et peut aborder l’avenir avec une grande sérénité. Son pays l’aime, sa réputation n’est plus à faire, et le Bayern lui a assuré un énorme contrat.
Six ans plus tard, le « Messi allemand », comme se plaisaient à l’appeler quelques observateurs, est pourtant bien redescendu sur Terre. Ce mardi, alors que Dortmund et le Bayern se feront face en Bundesliga (18h30), Götze regardera probablement ce choc depuis le banc du BVB. Peut-être qu’il rentrera en jeu une poignée de secondes, peut-être pas, lui qui compte moins de 600 minutes sur le pré depuis le début de la saison. Et puis, dans quelques semaines, il quittera le Signal Iduna Park par la petite porte, libre de tout contrat alors que Dortmund, « d’un commun accord », a décidé de ne pas le prolonger. A 28 ans, l’ancien prodige est devenu un joueur dont on se débarrasse.
Le Golden Boy allemand
Si ce déclassement semble brutal, c’est aussi dû au CV du joueur. Présenté comme un surdoué du ballon dès l’enfance, Götze signe une licence à Dortmund dès l’âge de huit ans, avant de surnager durant toute sa formation. En novembre 2009, à 17 ans, il est lancé dans le grand bain de la Bundesliga par Jürgen Klopp, qui l’adore. Le natif de Memmingen (Bavière) n’est pas un monstre physique, et ne le sera jamais, mais il séduit par la qualité de son pied droit, son habileté technique et sa vivacité.
La saison suivante, en 2010-2011, est celle de la révélation: titulaire au sein du BVB, Götze est l’un des joueurs qui permettent à Dortmund d’aller chercher le titre en championnat, et il voit en parallèle Joachim Löw lui offrir ses premières sélections en équipe nationale. A 18 ans, donc. La saison 2011-2012 est synonyme de longue blessure au pubis, mais aussi de doublé coupe-championnat avec Dortmund. Avant un premier vrai tournant, en 2013.
Au Bayern, le sommet puis la chute
Au mois d’avril, quelques semaines avant la finale de Ligue des champions entre le Borussia et le Bayern, Götze annonce son départ pour le rival munichois, qui n’hésite pas à faire un chèque de 37 millions d’euros. Le mur jaune crie à la trahison, mais « Gotzinho », ainsi que le surnomme Mats Hummels, se réjouit de pouvoir travailler avec Pep Guardiola, qui lui a fait la cour. La suite lui donne (d’abord) raison: en 2013-2014, Götze enchaîne les matchs au milieu des Ribéry, Robben ou Müller (45 apparitions, pour 15 buts et 13 passes) et récolte pas moins de quatre trophées, avec la Supercoupe d’Europe, la Coupe du monde des clubs, la Bundesliga, et la Coupe d’Allemagne. Quatre, et même cinq, bien sûr, si l’on ajoute la Coupe du monde au Brésil. Le sommet est atteint, c’est le début de la descente.
A partir de l’année 2015, Götze commence à voir son temps de jeu se réduire. « Pummelfee » (la « fée potelée ») encaisse quelques réflexions sur son poids et sur ses blessures récurrentes, bien que les suiveurs du club décrivent un homme « possédé » à l’entraînement, multipliant les efforts pour s’affûter. Il n’est plus titularisé dans les matchs qui comptent, et sent un Guardiola beaucoup plus froid qu’à son arrivée. « Pep Guardiola était techniquement l’un des meilleurs entraîneurs. Mais j’avais le sentiment qu’il ne pensait qu’au terrain et laissait de côté les gens, dira l’attaquant dans un documentaire en 2018. Il n’avait pas beaucoup d’empathie, ce n’était pas facile pour moi parce que j’avais connu Klopp, qui était comme un père dans le football. Pep était complètement différent. »
Mais il faut croire que Guardiola n’est pas le seul problème. Avant son arrivée à l’été 2016, Carlo Ancelotti fait comprendre à Götze qu’il ne comptera pas sur lui non plus. Le champion du monde est invité à trouver une porte de sortie: c’est le voyage inverse à Dortmund, pour 22 millions d’euros.
Excuses et maladie
A 24 ans, l’ancienne pépite locale veut voir son retour dans la Ruhr comme une renaissance. Après avoir accepté une baisse de salaire, il écrit une lettre ouverte aux amoureux du Borussia, toujours remontés: « Je peux comprendre que vous n’ayez pas digéré ma décision, indique alors Götze. Aujourd’hui j’ai envie de convaincre tout le monde, même les plus réticents, par mes performances. »
Mais le joueur doit encaisser un nouveau coup dur. Après avoir vu Thomas Tuchel lui offrir un temps de jeu correct en première partie de saison (pour deux petits buts), Mario Götze est écarté des terrains début 2017 par un mystérieux mal. La version officielle du club invoque des « troubles du métabolisme ». La version officieuse, révélée peu après par le Süddeutsche Zeitung, fait elle état d’une myopathie, une maladie génétique rare se traduisant par une dégénérescence du tissu musculaire. Toujours est-il que le milieu offensif met six mois à s’en remettre, et ne peut reprendre la compétition qu’au début de l’exercice 2017-2018, avec des performances en dents de scie.
La Russie sans lui
A tel point qu’en mai 2018, Joachim Löw, qui avait continué à appeler Götze en équipe nationale même durant les périodes où il s’usait les fessiers sur le banc du Bayern, annonce qu’il ne l’emmènera pas à la Coupe du monde en Russie. « Mario est lucide, il sait qu’il n’a pas livré cette saison les performances qu’il aurait lui-même voulu livrer, justifie le technicien. (…) J’espère qu’il prendra un nouveau départ avec Dortmund la saison prochaine et qu’il reviendra. Ça me fait beaucoup de peine. Il a déjà tant donné à l’Allemagne dans ses jeunes années. C’est pour cela qu’il est perçu par tout le monde comme un joueur particulier. Nous tous lui devons beaucoup. »
Pas rancunier, le joueur se dit triste, mais accepte cette décision. Il en profite aussi pour regarder dans le rétroviseur. « J’ai eu du mal à gérer l’impact du but en finale (en 2014), confie-t-il alors. Je suis devenu conscient de la dimension dans laquelle je suis passé dans la tête des gens. Ils se disent: ‘C’est un joueur vital puisqu’il a marqué ce but en finale. Alors il doit faire ça à chaque match désormais’. » Sauf que Gotzinho a perdu son fluide brésilien.
En 2018-2019, Lucien Favre lui donne régulièrement sa chance en attaque, et le joueur parvient à boucler un exercice à 7 buts et 7 passes. Mais le coach suisse, comme Guardiola avant lui, ouvre peu à peu la porte du placard. Si Götze avait résisté tant bien que mal à la concurrence d’Alcacer, à l’éclosion de Sancho, puis aux arrivées d’Hazard et Brandt, celle d’Haaland lui est fatale: depuis les premier pas (et les premiers buts) du Norvégien en Allemagne, Götze a joué très exactement 17 minutes en 10 journées de Bundesliga, et trois lors de la défaite au Parc des Princes. « En ce moment nous évoluons en 3-4-3, évacuait Favre la semaine passée. J’ai parlé à Mario, et malheureusement ce n’est pas un bon système pour lui. » L’ancien entraîneur de Nice s’est montré courtois: il aurait pu dire que Götze n’est pas, ou plus, un bon joueur pour son système. Et personne ne s’en serait offusqué.
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