Ce pourrait être un chambardement dans le paysage du football anglais. L’éventuel rachat de Newcastle permettrait à des fonds saoudiens de s’offrir une vitrine en Premier League à moindre coût dans un football en crise. Mais l’opération suscite d’importantes réticences, parmi les défenseurs des droits de l’homme comme chez certains rivaux régionaux de l’Arabie saoudite.

Trois cent millions de livres (345 millions d’euros), c’est la somme qu’un consortium emmené par le Fonds d’Investissement Public (PIF) saoudien, piloté par le prince héritier Mohammed Ben Salmane, compte mettre sur la table pour acheter Newcastle United, club historique du football anglais.

L’opération doit encore recevoir l’aval de l’English Premier League (EPL) qui gère le Championnat d’Angleterre, une compétition confrontée, comme le reste du football mondial, à des difficultés financières en raison de la suspension des matches face à la pandémie de Covid-19.

Sur le plan économique, un investissement massif ferait beaucoup de bien à Newcastle: actuels 13e du championnat arrêté depuis le 7 mars, les « Magpies » ne sont plus le club qui jouait le titre au milieu des années 1990 ou au tout début des années 2000, dans le sillage d’Alan Shearer.

Le prix à payer peut sembler élevé alors que la pandémie de coronavirus menace toutes les sources de revenus des clubs: droits télé généreux, sponsoring ou billetterie. Mais pour le PIF, qui pèse 320 milliards de dollars (295 milliards d’euros), l’immédiat après-coronavirus pourrait bien être le moment idéal pour se lancer et s’offrir une vitrine dans un des championnats les plus suivis au monde.

Contacté, le PIF n’a pas répondu aux demandes de précisions de l’AFP.

Redorer son image

L’Arabie saoudite investit depuis plusieurs années dans le sport, en organisant des compétitions d’envergure, pour diversifier son économie ultradépendante de la rente pétrolière et redorer son image.

Toutefois, plusieurs organisations non-gouvernementales, dont Amnesty International, y voient une manœuvre pour détourner l’attention des atteintes aux droits de l’homme et de la femme qu’elles dénoncent régulièrement. Amnesty a d’ailleurs écrit mardi au président de la Premier League, Richard Masters, pour l’avertir du risque en termes d’image que court son institution.

« Si le prince héritier (Mohammed Ben Salmane), en vertu de l’autorité dont il dispose sur le Fonds public d’investissement, prend le contrôle de Newcastle United, nous nous demandons comment cela pourrait être positif pour la réputation de la Premier League », a déclaré à l’AFP Felix Jakens, un des responsables d’Amnesty pour le Royaume-Uni.

Fils du roi Salmane, le prince héritier a été confronté à de vives critiques internationales après le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi dans l’enceinte du consulat d’Arabie saoudite à Istanbul en octobre 2018.

Le nouveau secrétaire d’État au Numérique, à la Culture, aux Médias et au Sport, Oliver Dowden, en fonction depuis la mi-février, a déclaré que son gouvernement n’interviendrait pas dans ce débat d’odre moral.

« Comme vous le savez, c’est à la Premier League de juger de la bonne moralité de quelqu’un, et je ne veux pas préjuger du processus », a affirmé Dowden mercredi.

Paradoxalement, les questions commerciales et diplomatiques pourraient davantage peser que les droits de l’homme.

Au Qatar, rival de Riyad, le groupe audiovisuel BeIN a écrit aux dirigeants de la Premier League, une compétition qu’il diffuse dans de nombreux pays, pour réclamer une enquête afin de déterminer si les représentants saoudiens sont « les bonnes personnes » pour diriger Newcastle.

BeIN affirme que l’Arabie saoudite a mis en place depuis 2017 un système de diffusion pirate reprenant les images des dix chaînes sportives du groupe qatari pour les retransmettre dans les pays du monde arabe via satellite.

« Vautours et prédateurs »

Et en Angleterre, l’émergence d’une nouvelle place-forte du football pourrait bouleverser la hiérarchie d’un championnat déjà ultra-concurrentiel.

L’objectif saoudien est clair, imiter Manchester City, racheté en 2008 par le Cheikh Mansour, membre de la famille royale émiratie, 32 ans après son dernier titre majeur national, mais qui a garni ses vitrines de 11 trophées, dont 4 titres nationaux, sur les 9 dernières saisons.

Pour transfigurer les Skyblues, passés d’équipe médiocre à machine à gagner, il a fallu essuyer 584 millions de Livres (670 millions d’euros) de pertes sur les six premières années.

Avec l’effondrement attendu du montant des transferts et une forte pression à la baisse sur les salaires des joueurs, le « ticket d’entrée » que devra payer Newcastle pour attirer des stars et s’installer à la table de grands pourrait être bien moins important.

« Les vautours et les prédateurs vont prendre les meilleurs éléments à des prix bradés », a déclaré à l’AFP Kieran Maguire, un expert en comptabilité sportive.

En outre, dans un monde sans coronavirus, Newcastle aurait pu se heurter aux règles du Fair-Play Financier (FPF), mis en place par l’UEFA justement pour empêcher des ascension rapides comme celles des Emiratis avec City ou des Qataris avec le Paris SG, à coups de centaines de millions d’euros.

Mais pour atténuer le choc économique de la pandémie, l’UEFA a lancé un groupe de travail pour explorer des concessions au FPF qui pourrait favoriser les projets saoudiens à Newcastle.

https://rmcsport.bfmtv.com/football/les-tenebreux-dessous-du-rachat-de-newcastle-par-un-fonds-saoudien-1899107.html

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