C’est devenu une telle habitude que même lorsque nous nous sommes posés la question, au sein de la rédaction de RMC Sport, personne n’a eu la réponse: pourquoi les saisons de football, comme beaucoup d’autres disciplines, sont organisées d’août à juin ?
Il aurait été beaucoup plus simple, dès le début, de se caler sur l’année civile, de respecter les 12 mois de l’année en débutant en janvier et en terminant en décembre. D’autant plus que les matchs importants, de milieu de saison, auraient pu avoir lieu l’été, en période de grandes vacances et offrir de larges possibilités à un public plus vaste, plus jeune.
Or, depuis que le football est football, on le pratique d’août à juin et on s’autorise une pause en juillet, août. Pourquoi ? En interrogeant différents spécialistes, on se rend même compte qu’il existe plusieurs versions, plusieurs explications.
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La nature a conditionné la pratique
Premièrement, d’après le professeur de philosophie Thibaud Leplat, auteur du livre « Football à la française » (Solar), ce calendrier est antérieur à l’organisation des vacances scolaires et aurait pour origine l’agriculture. Le football reste avant tout un sport populaire, pratiqué et observé par les classes prolétaires. « La nature a imposé son rythme et a organisé les rites, a dicté son calendrier. […] L’été, ce sont les moissons, il faut garder du monde à la ferme ». On ne pouvait donc pas se consacrer au football à ce moment-là.
Cette thèse est discutée par l’historien Claude Lelièvre, qui admet que la pause estivale était aussi due à la pratique de la chasse, et notamment de la chasse à courre, parmi les familles bourgeoises, l’été. « C’était une activité noble qui, depuis des siècles, se déroulait toujours du 15 août au 1er octobre. Un moment de sociabilité, autorisé par le pouvoir central, qui servait notamment à nouer des liens entre les familles ».
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Le football, un sport bourgeois à l’origine
En effet, il ne faut pas oublier que le football a d’abord été une pratique bourgeoise, la récente série The English Game diffusée sur Netflix l’a bien montré. Ce sport, comme le rugby, le cricket ou le polo, était pratiqué au sein des Publics Schools, des établissements de prestiges réunissant la jeunesse fortunée de Grande-Bretagne.
Ainsi, pas question de pratiquer le football l’été. On se consacrait avant tout à des activités plus nobles et respectueuses, y compris la chasse. Cette vision vient d’ailleurs soutenir la troisième, celle proposée par Mickaël Correia, auteur du livre Histoire populaire du football. D’après lui, « c’est une question de météo ».
Le cricket l’été et le football l’hiver
Au sein des Publics Schools, les activités étaient organisées en fonction du climat: l’été, sur des terrains secs, avec la plupart du temps de fortes chaleurs, des épreuves peu physiques et sans contact, comme le cricket. Et l’hiver, sur des terrains humides, sous des températures plus fraîches, des disciplines physiques et avec contact, le football et le rugby.
Conséquence, le football moderne s’est structuré sur cette forme et a réussi à devenir l’un des sports les plus populaires du monde. Pour François Da Rocha Corneiro, docteur en histoire du football, tout est lié. Parce que les classes populaires étaient « occupées par les champs » l’été et « au repos » l’hiver, elles ont pu s’intéresser à cette pratique bourgeoise et s’y prendre de passion.
« Intrinsèquement, que ce soit en milieu populaire avant sa codification en tant que sport ou après chez les bourgeois, qui ont fait du foot un sport moderne, le ballon rond se pratiquait en hiver d’où la saisonnalité qu’on connait aujourd’hui », surenchérit Correia. Ainsi, globalement, le football s’est structuré sur son passé bourgeois. Et c’est précisément cela qu’aujourd’hui, certains dirigeants français voudraient changer.
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