L’analyse vidéo, l’autre entraînement des joueurs de football en confinement

Depuis le début du confinement mis en place dans plusieurs pays à l’échelle mondiale, de nombreuses vidéos fleurissent sur les réseaux sociaux sur l’entraînement des sportifs de haut niveau. Certains footballeurs souhaitent profiter de cette période d’inactivité pour aller au-delà du simple maintien physique, en ajoutant l’outil vidéo avant et après les séances pour tenter de gommer certains détails de leur jeu. 

Quand les préparateurs physiques sont là pour permettre aux sportifs de conserver une certaine condition, les analystes vidéo s’emploient à faire réfléchir les joueurs sur leur façon d’évoluer sur le terrain. C’est le cas de la société « Playmaker », qui travaille depuis cinq ans, individuellement, avec plusieurs footballeurs. Depuis janvier, son créateur, Serge Costa (32 ans), a intégré le staff de Luka Elsner à Amiens. Ce qui ne l’empêche pas, avec ses partenaires, de suivre certains joueurs pendant cette période de confinement. 

>>> Que fait exactement un analyste-vidéo?

Issu de l’université de Lisbonne, Serge Costa a commencé à aider Idrissa Gueye, à son époque lilloise. « Avec les frères Ayew, c’étaient mes premiers ‘clients’. Idrissa Gueye m’a été présenté par Bouna N’Diaye (célèbre agent, notamment dans le basket ndlr). L’objectif pour Idrissa, c’était d’être plus rentable dans les 30 derniers mètres, d’avoir une meilleure contribution offensive, pour ensuite viser un transfert en Premier League. Depuis, je travaille beaucoup avec les joueurs des agents Joseph Mohan et Jonathan Kebe. Joseph a été l’un des premiers à comprendre l’importance du travail d’analyse. Depuis que je suis à Amiens, j’ai dû déléguer et réduire ces activités. Mais on donne un coup de main pendant le confinement. »

Koundé, Ayew ou Pavard

Avec de nouvelles contraintes et une manière différente d’aider les joueurs. Alors que son travail se concentrait en temps normal sur l’avant et l’après match, Serge Costa et son équipe développent désormais plus certaines phases de jeu qui permettent aux athlètes d’être plus « décisifs » suivant leur position sur le terrain. « Avant, on se déplaçait beaucoup chez les joueurs pour des séances personnalisées, explique celui qui était entraîneur-adjoint de la réserve à Strasbourg avant de se lancer à son compte. Mais depuis qu’on a de plus en plus de joueurs, on fait beaucoup de travail à distance. Le confinement ne fait que renforcer ça, en proposant des exercices aux joueurs à faire chez eux. »

Parmi les plus demandeurs, figurent Jules Koundé (Séville), Jordan Ayew (Crystal Palace), Benjamin Pavard (Bayern Munich) ou Dodi Lukebakio (Hertha Berlin). « J’en profite pour faire un travail sur mes dribbles préférentiels, précise le milieu de terrain belge. Plus spécifiquement sur les changements de rythme et du tempo et la gestion des un contre deux. Je privilégie aussi ma prise de décisions dans la dernière passe et dans le dernier geste. » Serge Costa reprend: « On conseille d’abord sur la vidéo en ce moment avec les joueurs. On a plus de temps, donc on passe plus de temps sur les détails. On fait une rétrospective des six derniers mois, notamment en termes de menace de l’adversaire et projection sur l’avenir. On ajuste ensuite. »

Prenons l’exemple de Jules Koundé pour mieux comprendre le travail des analystes en ce moment. « On met en place une stratégie de relance pour venir en soutien de ce que demande son entraîneur (Julen Lopetegui). C’est important de toujours être un complément des staffs en place. Et ne pas vouloir faire leur travail. Lopetegui, dans ses séances, utilise certains circuits de relance. On part de cette base pour travailler. Une fois qu’on a établi ensemble ses points forts et ses points faibles en vidéo, Jules fait des exercices très simples chez lui. Il prend un ballon, il avance, il feinte d’aller à gauche, puis relance à droite. Parfois même sans le ballon. Ainsi de suite, pour qu’en match, le geste soit facile, et surtout que cela lui permette d’avoir un temps d’avance pour utiliser la bonne stratégie. »

Jules Koundé : « J’ai fait beaucoup de progrès grâce à ça »

Le défenseur central approuve: « La vidéo, ça permet de voir des choses que l’on n’a pas pu voir en match. Une passe que l’on aurait pu faire par exemple. Serge nous détaille ça avec un oeil différent, sans se substituer au coach. Il est là pour apporter de nouvelles solutions. »

Jules Koundé a également travaillé ces derniers mois sa faculté à défendre sur des gabarits imposant, type Ludovic Ajorque (Strasbourg), qu’il côtoyait en Ligue 1 la saison dernière, après avoir identifié une faiblesse dans ces duels. « Dans ce cas précis, on regarde comment mieux défendre au duel, détaille l’ancien Bordelais. Le but, c’est de limiter le champ d’action de l’attaquant, donc soit en anticipant sa déviation, soit en le collant à sa première touche, soit en mettant un petit coup, et toutes ces options, on les étudie avec Serge, et on les travaille derrière pour progresser. »

L’analyse demande recul et critique de la part du joueur sur son propre niveau. Comprendre, avant de rectifier. Tout en s’adaptant à son environnement. « On s’appuie beaucoup sur la statistique et sur la comparaison avec les partenaires, reprend Serge Costa. Il faut que le joueur connaisse bien les forces et faiblesses de ses partenaires. Ça, c’est le travail de la vidéo. On crée aussi nos propres statistiques sur les joueurs liés aux actions types que doit maîtriser un joueur pour un poste donné. Avec un milieu de Premier League par exemple, on le fait beaucoup sur ses intentions de jeu vers l’avant. Une intention normale, c’est une statistique à 100. Une intention un peu plus difficile, c’est 120. Une intention hors norme, qui élimine plusieurs adversaires, c’est 180. Et à l’inverse, on peut descendre jusqu’à du négatif si ce n’est vraiment pas bon. On arrive ainsi à déterminer l’intention de jeu et la réalisation. En fonction de ça, on détermine les exercices à faire à la maison pour améliorer la passe et la prise de risque. »

« Je sens que j’ai fait des progrès depuis que j’ai débuté avec Serge lorsque j’étais à Bordeaux, analyse Jules Koundé. Et ça continue, Serge doit m’envoyer quelques séquences vidéos dans les jours qui viennent pour une nouvelle séance. »

Pour travailler, les joueurs n’ont pas besoin de beaucoup de matériel. « Jordan Ayew, en ce moment, n’a besoin que d’un petit but, précise l’analyste. On travaille les déplacements et la prise de décision. » Même s’il a inscrit huit buts depuis le début de la saison, l’attaquant de Crystal Palace a souhaité être plus décisif lorsque la Premier League reprendra. Pour lui, comme pour les autres, et si on ne connait pas encore les dates de reprise, on guettera les résultats de ces séances spécifiques.

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