D’habitude, les entretiens télévisés des entraîneurs de Premier League se déroulent dans l’auditorium du club, ou dans une petite salle sans âme. Jürgen Klopp, lui, reçoit dans son bureau, tout en longueur, qui surplombe les terrains d’entraînement de Melwood. Sur les murs, une carte d’Angleterre, qu’il a faite installer à son arrivée pour localiser les clubs rivaux. et des photos d’anciennes gloires du club, en noir et blanc, et de lui, en couleurs. Pour compléter le décor, un tableau tactique aimanté et un espace salon autour d’un écran plat.

En ce 1er novembre 2018, Liverpool n’est pas encore seul au sommet de la Premier League, mais les jalons de l’hégémonie à venir ont été posés. Après son déjeuner, Klopp surgit, fidèle à lui-même, en jean et baskets. « Vous avez bien dormi dans mon bureau? » À la main, un mug où la silhouette de son visage se dessine en rouge, évidemment, au-dessus de l’expression iconique lancée lors de sa première conférence de presse sur les bords de la Mersey: « The Normal One ». « Il utilise l’humour très intelligemment, confiait Andy Robertson au Guardian. S’il sent que les gars sont tendus ou que les choses n’iront pas dans notre sens, il relâche la tension. Il balance une blague, ou on entend son grand rire. »

Jürgen Klopp est un maître meneur d’hommes. C’est le premier trait que ses joueurs, anciens ou actuels, citent invariablement. « Charismatique » pour Pierre-Emerick Aubayemang, « personnalité hors du commun » pour Ilkay Gündogan, « superbe motivateur » pour Sven Bender. En 2017, Kevin-Prince Boateng disait au Guardian être prêt à mourir pour lui: « Il est le meilleur, il sait quand te pousser et quand te conforter. Il te fait te sentir important en tant que personne. » Un don naturel que Klopp tire en partie des qualités d’orateur de son père, Norbert. « Je n’ai jamais réfléchi une seconde à comment traiter les joueurs », assurait-il au Daily Mirror il y a deux ans.

Mais l’Allemand est bien plus qu’un simple leader moral. En dix-neuf ans d’une carrière sur le banc débutée à l’improviste, il a révolutionné le jeu, dans son pays puis en Europe, consacrant l’intensité comme notion clé, animée par un pressing oppressant, un contre-pressing asphyxiant et des contres ébouriffants. Des principes immuablement appliqués au fil d’un parcours toutefois riche en nuances tactiques, des vignobles de Rhénanie-Palatinat à ce confortable bureau liverpuldien.

Mayence – Le disciple indirect de Sacchi

Mort en 2013, Wolfgang Frank n’a ni l’aura, ni la renommée des plus grands influenceurs de l’histoire du football. Il n’a jamais connu la Bundesliga et s’est rabattu sur la Suisse et l’Autriche pour entraîner en première division. Triste destin de certains précurseurs que de vivre et parfois s’éteindre dans l’ombre, refoulés par la pensée dominante de leur époque. Dans les années quatre-vingt-dix, quand l’Allemagne persistait partout avec le libéro, lui s’inspirait du 4-4-2 à plat d’Arrigo Sacchi et sa défense en zone.

Des principes infusés lors de deux passages (1995-1997 et 1998-2000) à Mayence, en deuxième division, en faisant ingurgiter à ses joueurs des vidéos d’entraînements à vide de Sacchi. Parmi les élèves attentifs, un ancien attaquant reconverti latéral droit: Jürgen Klopp. « J’ai réalisé que notre système nous permettait de battre des équipes qui avaient de meilleurs joueurs, dira-t-il par la suite. Wolfgang Frank rendait nos résultats indépendants de notre talent, dans une certaine mesure. Jusqu’alors, on pensait qu’en tant qu’équipe moins forte, on perdrait. »

Quand Klopp, encore joueur, se voit confier les rênes du club en février 2001, c’est parce que lui seul pouvait restaurer les principes de jeu sacchiens galvaudés par les quatre successeurs de Wolfgang Frank, et éviter la relégation en troisième division. « Je ne me posais qu’une seule question: qu’est-ce qu’on peut faire pour arrêter de perdre , s’est-il souvenu plus tard pour spox.com. La première séance d’entraînement n’a consisté qu’à courir tactiquement sur le terrain. Je plaçais les piquets et je me demandais quelles avaient été les bonnes distances entre les lignes sous Wolfgang Frank. » Pari gagnant: le « Harry Potter de 2.Bundesliga » (Bild) sort le club de la zone rouge et, après deux échecs cuisants, Mayence accède à l’élite pour la première fois de son histoire en 2004/05.

Ce n’est pas un promu timide qui découvre l’élite mais une équipe à l’image de son entraîneur: fougueuse et intense, portée par la volonté de « jouer un jeu indépendant de l’adversaire ». Un bouillonnement, mais organisé et réfléchi par un coach pour qui « La victoire et la défaite doivent pouvoir s’expliquer, ce ne doit pas être une question de coïncidence ou d’un tacle manqué à un moment. »

En novembre 2004, pour son premier déplacement à l’Olympiastadion pour défier le Bayern de Felix Magath, et comme partout ailleurs, Mayence se présente en 4-4-2 à la Sacchi, à plat, en bloc médian, avec une ligne défensive haute (qui finira toutefois par se faire surprendre par Zé Roberto, Makaay et les autres dans une défaite 4-2). Comme l’AC Milan de l’ancien vendeur de chaussures de Fusignano, la première ligne empêche les passes vers les milieux axiaux, le pressing est déclenché par la transmission pour le défenseur latéral: le milieu excentré sort agressivement, ses coéquipiers couvrent toutes les solutions autour, l’ailier opposé referme jusque dans le rond central pour préserver la densité, l’étau se referme.

Schéma Bayern Mayence 2004.jpg

À la récupération, verticalité avec prises d’appui et remises pour les projections des milieux et des attaquants. « On veut dominer le match, surtout quand on n’a pas le ballon, professait Jürgen Klopp. Le fait que l’adversaire ait le ballon, c’est notre construction pour marquer un but. Nous avons un système bien rôdé. On ne pique pas tout ce qui bouge comme un essaim d’abeilles. On attire l’adversaire, et ensuite on le pique. On veut courir sans cesse. Notre ticket d’entrée est bien défini, semaine après semaine: la passion, la volonté de courir, l’envie. Si quelqu’un quitte le stade en se disant: ‘Ils auraient dû courir plus et plus se battre aujourd’hui’, c’est qu’on s’est complètement raté. »

À Mayence, Klopp a réalisé l’importance de fédérer le public autour de lui, par les mots, mais aussi par un style de jeu populaire et exaltant, résumé en un terme: Jagdfußball (football de chasse). « Klopp remplissait tout le stade, souligne le directeur sportif Christian Heidel dans Bring The Noise, la biographie signée Raphael Honigstein. Il était une icône publicitaire pour Mayence. » Le candidat parfait, ensuite, pour un Borussia Dortmund en quête de redressement.

Dortmund – Vitesse et contre-pressing

« Jouer, s’amuser, vibrer: c’est ça le Borussia Dortmund! » En février 2015, après ce qui sera son dernier derby de la Ruhr, remporté 3-0, Jürgen Klopp résume son équipe en un triptyque fidèle à ce que Hans-Joachim Waztke attendait en l’engageant sept ans plus tôt. « On voulait promettre aux gens une équipe qui courrait tellement que des morceaux s’en détacheraient, confie le directeur sportif du BvB dans Bring The Noise. C’est ce qu’on avait vu à Mayence quand on allait y jouer. On sentait qu’ils n’étaient pas si bons, mais d’une manière ou d’une autre, ils étaient difficiles à battre et nous battaient parfois. Parce qu’ils avaient une mentalité de guerriers. Et une très bonne organisation tactique. C’était forcément grâce à leur coach. »

À Dortmund, Klopp applique, avec de bien meilleures individualités, la même recette faite de défense en avançant à partir d’un 4-4-2, de pressing réfléchi et d’intensité, à la perte de balle comme à la récupération du ballon. « C’était comme s’il voulait vous mettre en cage, témoigne Xabi Alonso, battu avec le Real Madrid en demi-finale de Champions League en 2013, sur The Athletic. Il voulait vous piéger. Son Dortmund attendait de vous avoir dans le carré derrière les attaquants et devant les milieux. Il y avait une pression organisée. Leurs ailiers couraient à l’intérieur et essayaient de vous prendre le ballon. J’étais tout le temps sous pression. Je n’aimais pas jouer contre eux parce qu’ils rendaient le match tellement intense qu’on était près de craquer. »

En possession s’est ajouté un raffinement technique supplémentaire, en 4-2-3-1, impulsé par Nuri Sahin, Ilkay Gündogan, Mario Götze, Shinji Kagawa et Marco Reus. Les deux défenseurs centraux et le double pivot initiaient les actions. Comme à Mayence, les milieux excentrés venaient à l’intérieur, axe droit et axe gauche, libérant leur couloir pour les montées de latéraux portés vers l’avant. « Il a réinventé l’ancien jeu physique des équipes allemandes, autant craint que méprisé, et l’a allié à la finesse stratégique et la maturité technique », admirait le Frankfurter Rundschau.

Les succès de Klopp au Borussia (champion d’Allemagne 2011 et 2012, coupe d’Allemagne 2012, finale de Champions League 2013) braquèrent les projecteurs européens vers un aspect clé de sa philosophie: le contre-pressing. Si le Barça de Guardiola pressait pour récupérer dans les six secondes après la perte du ballon, c’était pour repartir sur une nouvelle phase de possession. Le gegenpressing à la Klopp avait une toute autre vocation: « Le contre-pressing permet de récupérer le ballon près du but adverse, on n’est qu’à une passe d’une très bonne occasion. Aucun meneur de jeu dans le monde ne peut être aussi bon qu’une bonne situation de contre-pressing. »

Pour l’exploiter, la perte du ballon doit être vécue par les joueurs comme une opportunité, la continuation de la situation offensive, plutôt que comme une déception. « C’est un accord que l’équipe passe avec elle-même, explique Peter Krawietz, adjoint de Jürgen Klopp, dans Bring The Noise. Ce n’est pas tant une question de jambes que d’esprit. Il faut surpasser l’inertie. Ne pas déconnecter. Ne pas être déçu. L’attaque n’est pas encore finie. » Le joueur le plus proche de la perte lance généralement le mouvement. L’implication doit être totale et générale. Quand c’est le cas, l’adversaire est étouffé. « Klopp disait que les deux premières secondes après avoir perdu le ballon étaient décisives, explique Mats Hummels dans Bring The Noise. On ne devait pas être agacé d’avoir perdu le ballon mais au contraire être heureux de pouvoir le récupérer. L’idée était d’attaquer directement le ballon pour surprendre l’adversaire, qui se sentait en sécurité et n’était pas prêt à ça. » « Je savoure l’intensification totale, avouait l’entraîneur allemand à Die Zeit en 2012. Quand des détonations surviennent de partout, cette phase de ‘tout ou rien’, quand on a la sensation que les gens n’osent pas respirer. »

C’est le fameux football « heavy metal », qui a rythmé les chants du mur jaune et les courses des joueurs pendant sept saisons, à partir d’une devise:  « Cours comme s’il n’y avait pas de lendemain. » « Ces années-là, on a joué un nouveau style de football en Allemagne, note l’emblématique Sebastien Kehl dans Bring The Noise. On submergeait les adversaires. Ils étaient complètement impuissants. »

Dortmund frappait vite et fort, en un éclair. Des flèches jaunes et noires avaient succédé aux attaquants laborieux de Mayence. « Peut-on décoder la vitesse? », avait répondu Klopp à un journaliste qui, lors de sa dernière saison moins fructueuse (7e en Bundesliga), lui demandait si sa tactique avait été décodée. La question allait hanter ses nouveaux adversaires outre-Manche.

Liverpool – Vers un tourbillon plus contrôlé

Avant que son visage ne recouvre les briques de Liverpool, Jürgen Klopp s’était donné pour mission de transformer les « doubters » (sceptiques), encore sous le choc du titre échappé en 2014, en « believers » (croyants). « Je crois en une philosophie de jeu très émotionnelle, très rapide et très puissante, énumérait-il dans sa conférence de presse de présentation, à l’automne 2015. Mes équipes doivent jouer à plein régime et aller jusqu’à la limite à chaque match. Une philosophie tactique, bien sûr, mais tactique avec un grand cœur. »

Le Liverpool de ses débuts est étrangement similaire à son Borussia Dortmund, la menace en profondeur en moins. À Stamford Bridge le 31 octobre, par exemple, pour sa première victoire d’envergure avec les Reds (3-1), face à un José Mourinho bientôt éconduit par Chelsea, il aligne un 4-2-3-1, avec Lallana sous Firmino, Milner et Coutinho excentrés venant à l’intérieur, les deux centraux (Skrtel et Sakho) et les deux milieux axiaux (Lucas Leiva et Can) à la relance, et des latéraux (Clyne et surtout Moreno) encouragés à se projeter dans les couloirs

Sans ballon, c’est encore un 4-4-2, même si Firmino va chasser la charnière centrale tandis que Lallana reste sur le double pivot Ramires-Mikel des Blues. Orientation de l’adversaire vers les ailes, le piège s’y referme par la densité défensive, l’ailier opposé vient fermer sur le milieu axial opposé : les mêmes ingrédients qu’à Mayence dix ans plus tôt, déjà bien intégrés pour ce cinquième match de l’ère Klopp après seulement trois semaines de travail.

À la perte de balle, le contre-pressing coule déjà dans les veines de Can, Lallana et Milner notamment. Avec le temps, Pep Lijnders, en charge de la méthodologie d’entraînement dans le staff kloppien, baptisera un toro en hommage au milieu anglais (« Milly’s rondo ») pour sa faculté à vite intercepter quand il est au centre. « L’idée fondamentale est que, dès que l’on perd la possession, on doit tout faire pour encercler le ballon et le regagner aussi vite que possible », avait déjà bien intégré Alberto Moreno dans le Guardian.

En transition offensive, toutefois, il n’y a encore ni vitesse, ni profondeur, et Clyne est loin d’avoir la qualité de passe d’un Trent Alexander-Arnold. Si Liverpool s’impose à Chelsea, c’est sur deux longs ballons envoyés vers l’entrant Christian Benteke, accommodation ponctuelle à une imperfection structurelle, qui sera compensée au gré de mercatos intelligents et ciblés. Sadio Mané en 2016 et Mo Salah en 2017 complèteront le puzzle offensif, apportant la qualité tant appréciée par leur entraîneur pour constituer, avec le faux neuf Roberto Firmino, un trio d’une complémentarité redoutable.

Retour en novembre 2018, dans le bureau de Jürgen Klopp à Melwood. « Nommez-moi une bonne équipe dans le monde qui n’est pas basée sur la vitesse, défie-t-il. Sans la vitesse, il n’y a pas de bonne équipe. Pour faire la différence, vous avez besoin de vitesse. De la technique et de la vitesse, offensivement. À 100%. Être plus rapidement dans les bonnes positions que l’adversaire. » Comme son Dortmund, le Liverpool de Klopp est un danger permanent en transition offensive. Un simple deuxième ballon gagné ou un coup de pied arrêté offensif adverse peuvent suffire à une équipe qui agresse inlassablement l’espace dans le dos des défenseurs, avec avec Firmino en relais décroché privilégié pour lancer Salah et Mané, les deux fusées rouges.

Jürgen Klopp s’est ainsi détourné de son 4-2-3-1, devenu alternative en cours de match quand il souhaite plus de présence sur la largeur. Place au 4-3-3, qui fait planer une menace plus directe sur l’espace dans le dos des latéraux adverses tout en changeant les mécanismes défensifs. Liverpool agit encore plus précocément que Dortmund sur la construction adversaire: désormais, la première ligne de trois doit même empêcher la passe au latéral. Cela implique une intelligence tactique fine, pour couvrir à la fois une solution dans son dos (défenseur latéral pour Salah et Mané, milieu défensif pour Firmino) tout en sortant dans le bon tempo mettre la pression sur la défense centrale. Le reste du bloc s’adapte, tentant de colmater les brèches naissantes, avec un gros travail de compensation des trois milieux sur la largeur et les sorties de loin des latéraux, Trent Alexander-Arnold et Andy Robertson, si besoin. « Dans le football moderne, même si quelques équipes le font encore, vous ne pouvez pas défendre en marquage individuel, enseigne Jürgen Klopp. Chaque joueur doit maintenant défendre sur au moins deux ou même trois joueurs. On peut le faire avec une manière spécifique de se positionner quand on commence à défendre : vous attaquez un joueur et, dans votre dos, il doit y avoir au moins un adversaire. Si trois joueurs font ça, cela veut dire que trois joueurs défendent contre cinq ou six adversaires. Cela rend la vie plus facile pour tous les autres. » Et cela permet notamment de défendre plus haut, un choix renforcé à Liverpool par l’arrivée de l’assistance vidéo, perçue comme une sécurité supplémentaire si l’exercice est maîtrisé.

Pour les visiteurs, Anfield se transforme généralement en fournaise infernale. En août dernier, le baptême du feu de Dani Ceballos a tourné au calvaire. « Je n’ai jamais vu ce que j’ai vu à Anfield, souffle au Guardian le milieu espagnol, encore sous le choc de sa défaite 3-1 avec Arsenal. Je n’ai jamais vu une équipe qui joue mieux, qui presse comme eux, la manière dont les supporters les poussent. Ils vous privent d’air. On passe tellement de temps à défendre, et quand on veut faire quelque chose avec le ballon, quand on veut respirer, ils sont de nouveau sur notre dos. »

Mais pour enchaîner quarante-quatre matches sans défaite et dix-huit victoires de suite, Jürgen Klopp a ajouté une autre dimension à son équipe. Longtemps, elle a buté sur les défenses regroupées, comme lors de sa première défaite avec les Reds, contre Crystal Palace en novembre

2015, qui avait conduit les supporters à quitter Anfield avant le coup de sifflet final. Ou la dernière à domicile en Premier League, encore contre les Eagles en avril 2017. Liverpool ne vivait que par et pour les espaces et tournait en rond quand l’adversaire l’en privait. « Cela reste le plus grand défi pour n’importe quelle équipe de football du monde, de jouer contre un bloc bas, relativisait Klopp sur Sky Sports en janvier dernier. Il faut toujours prendre les bonnes décisions, forcer l’adversaire dans une situation dans laquelle il n’est pas confortable, utiliser l’espace derrière la ligne défensive autant que l’on peut, parce que quand ils se replient, il n’y en a plus. »

Cela avait déjà paralysé le Borussia Dortmund à la fin de son règne. Dès son arrivée à Liverpool, il a enclenché le processus pour y remédier. « À l’entraînement, on essaye d’apprendre, avec peu d’intensité, comment jouer ensemble, les circuits de passe que l’on recherche, pour que les joueurs puissent répondre à quelques questions, détaillait l’Allemand en août 2016. ‘Quand je suis là, où es-tu? Puis-je être sûr que tu es vraiment là? Est-ce que tu me protèges pour que je puisse ensuite aller là?’ Toutes ces choses. Le temps passé ensemble aidera. Notre expérience ensemble aussi, la réussite et les bons résultats. Et à un moment, les décisions seront prises avec les tripes, plus avec la tête, et on pourra utiliser tout ça plus facilement. »

Depuis dix-huit mois, la mutation est achevée. Sur attaque placée, Liverpool a désormais plusieurs recours: le jeu long flottant de Virgil van Dijk et ses diagonales lasers vers Salah; le pied droit aiguisé de Trent Alexander-Arnold pour lancer l’Égyptien en profondeur ou trouver Firmino entre les lignes; l’apport des latéraux sur la largeur et leurs renversements, pour étirer le bloc adverse et multiplier les centres. Liverpool est aussi l’une des meilleures équipes d’Europe sur coups de pied arrêtés, poussant le détail jusqu’aux touches grâce au travail du spécialiste danois Thomas Gronnemark et ses dix-huit combinaisons en fonction des zones. « Après s’être habitué l’un à l’autre lors de la première saison, l’accent a été mis beaucoup plus sur le football de possession la deuxième année, témoigne Peter Krawietz, l’adjoint de Jürgen Klopp, dans Bring The Noise. L’idée était de contrôler la vitesse du match avec le ballon et d’utiliser le temps entre les matches pour adopter une idée footballistique qui pourrait – idéalement – être reproduite de manière flexible sous pression. » Après un sixième sacre européen l’été dernier, Liverpool devait, ces jours-ci, récolter un autre fruit, désiré depuis trente ans.

Plaidoyer pour un football populaire

« Hauptsache 3 Punkte ». L’important, c’est les trois points. Affiché dans le bureau du staff de Jürgen Klopp, adjacent au sien, le slogan intrigue. Car pour l’entraîneur allemand, le football dépasse largement ces considérations mathématiques. « L’expérience est plus importante que le résultat, proclamait-il déjà à Mayence. Nous jouons un Erlebnisfußball (un football d’aventure, qui offre une expérience), exactement le genre de football que je veux regarder. » Un football qui s’appuie sur quatre constantes, pour chaque phase du jeu, à Liverpool comme à Mayence et Dortmund auparavant: ambition et intensité en phase défensive, verticalité et vitesse en transition offensive, densité axiale et apport des latéraux en phase offensive, contre-pressing en transition défensive.

« Je pense vraiment que le rôle le plus important du football, c’est de divertir les gens, parce que ce n’est que du foot, rien d’autre, répétait Klopp en octobre 2018. Nous ne sauvons pas des vies, nous ne créons rien, nous ne faisons pas de chirurgie, nous ne sommes bons que pour le football. Si nous ne divertissions pas les gens, pourquoi on y jouerait? Ce n’est pas toujours possible, malheureusement, et c’est toujours beaucoup de travail, mais c’est vraiment important. C’est ce qu’on doit essayer de créer constamment, ou aussi souvent que possible. » Un dessein proche de celui de Pep Guardiola, mais interprété différemment »: si le football du Catalan ravit le spectateur, celui de Klopp exalte le supporter.

https://rmcsport.bfmtv.com/football/la-lente-et-passionnante-maturation-tactique-de-jurgen-klopp-1882002.html

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