A ce rythme, les statisticiens vont finir par se fatiguer, ou le détester. Voire les deux. Les observateurs guettaient d’un oeil attentif l’arrivée de ce jeune homme en Bundesliga, après une première partie de saison où il a brillé avec le RB Salzbourg en Ligue des champions. Sa feuille de statistiques, toutes compétitions confondues, donnait déjà le vertige au 31 décembre 2019. Le problème, pour le Paris Saint-Germain, c’est que le jeune homme a débuté la nouvelle année comme il avait terminé la précédente. En fanfare. Porté par l’insouciance de ses jeunes années et une audace digne des plus grands, Haaland a déjà estomaqué la Bundesliga: cinq buts en 57 minutes pour ses deux premières apparitions en tant que remplaçant, un doublé pour sa première titularisation, Erling Haaland est devenu le premier joueur de l’histoire du championnat allemand à inscrire sept buts lors de ses trois premiers matches. 

haaland_1901.jpg @AFP – Haaland affole les compteurs en Bundesliga

Erling Haaland, dix-neuf ans, alias « Manchild » (« l’homme enfant », son surnom à Molde), a rapidement éclaboussé les murs de son talent. À cet âge-là, c’est du jamais-vu dans l’histoire du football moderne. « Je pense que la plupart des amateurs de football s’attendaient à ce que le gamin réussisse avec Red Bull dans le championnat autrichien. Mais tout le monde, experts compris, est surpris par la qualité de ses performances en Ligue des champions », observait pour RMC Sport Egil Nærland, journaliste pour Stavanger Aftenblad, en novembre dernier. Le quotidien norvégien est le plus lu par les foyers de la région du Rogaland (sud-ouest de la Norvège), qui a vu grandir le fils de Alf-Inge Haaland, pourtant né à Leeds, en Angleterre. Et pour cause, son père, ex-international, a été défenseur de Leeds et de Manchester City. Mais c’est bien en Norvège, à Bryne, qu’il faut se rendre pour percer le mystère du phénomène et entrevoir les secrets de sa formation. 

La valeur n’attend point le nombre des années

Que dissimule ce visage impénétrable, dessiné par des traits anguleux ? Sous cet air parfois froid et glacial se cache en réalité un jeune homme résolu et sûr de lui. De son destin. « Depuis l’âge de six ou sept ans, Erling répète à tout le monde qu’il va devenir un footballeur professionnel. Je l’ai vu jouer et se comporter comme un buteur de classe mondiale dès l’âge de dix-onze ans », se souvient notre confrère journaliste Egil Nærland. « Il n’a jamais eu peur, c’est sa grande force. Même s’il joue contre Van Dijk ou Koulibaly, il sait qu’il peut marquer », témoigne Tord Johnsen Salte, vingt ans. L’international norvégien U21, passé par les U19 de l’OL, a longtemps fréquenté Haaland, d’un an et demi son cadet, au Bryne FK. « Nos frères respectifs jouaient ensemble à Bryne depuis tout petit, raconte ce jeune défenseur central dont l’idole est Thiago Silva. Erling était avec les jeunes de son âge au début, vers dix-onze ans, puis il est monté avec nous qui étions une très bonne génération. » Sous le patronage de Alf Ingve Berntsen, son coach entre sept et quinze ans et frère de Bjarne Berntsen, entraîneur des Vikings de Stavanger où évolue actuellement Tord Johnsen Salte, Erling Braut Haaland démontre très rapidement des aptitudes particulières.

Erling Haaland (tout à droite au dernier rang) lors de sa jeunesse avec ses coéquipiers du club de Bryne (Norvège) DR/Alf Ingve Bertsen – Erling Haaland (tout à droite au dernier rang) lors de sa jeunesse avec ses coéquipiers du club de Bryne (Norvège)

« Dès le premier jour, se souvient Alf Ingve Berntsen. Les joueurs qui se distinguent montrent immédiatement des qualités hors du commun. C’est comme ça. » Au sein d’un groupe de trente-neuf joueurs – quatre d’entre eux ont rejoint la Norvège U18 depuis, quatre autres sont maintenant des professionnels -, qui restera uni jusqu’à l’âge de quinze ans (Haaland en a alors quatorze), le jeune homme progresse à une vitesse ahurissante. L’attaquant de Salzbourg n’a pourtant pas encore le physique herculéen qui est le sien aujourd’hui. En revanche, il possède déjà tout le reste de la panoplie. « Il n’était pas petit par la taille, mais quand il jouait avec des coéquipiers plus âgés, il devait être intelligent dans ses mouvements à l’intérieur de la surface, se souvient Berntsen. Car les garçons plus âgés avaient davantage de muscles. Il a donc développé d’importantes compétences techniques et tactiques, une intelligence de jeu.  Quand il a grandi, il est devenu fort, très endurant. Par conséquent, il a désormais une palette plus étendue de compétences, qui sont venues s’additionner à celles du joueur qu’il était déjà à l’époque. »

Un tremplin vers de plus grands défis

Soutenu et accompagné dans son évolution par son père et les deux côtés de sa famille, tous d’excellents athlètes d’après les témoignages que nous avons pu recueillir, Erling Haaland a franchi un cap important sous les ordres de l’actuel entraîneur de Manchester United, Ole Gunnar Solskjaer, à Molde. Rapidement devenu titulaire, l’attaquant a inscrit quatorze buts en deux saisons, la plupart lors du second exercice. L’heure était déjà venue de voguer vers d’autres horizons. « Il est apparu assez tôt que son séjour à Molde ne durerait pas très longtemps, complète Øyvind Christoffer Eyrich, recruteur indépendant qui a travaillé pour le Celtic et occupe désormais des fonctions dans un club de MLS. Je vois des similitudes entre son déménagement de Bryne à Molde, et de Molde à Salzbourg. C’est un tremplin vers de plus grands défis. Bien sûr, il aurait pu signer pour d’autres grands clubs, mais un joueur de son âge et de son potentiel a besoin d’un temps de jeu régulier au plus haut niveau pour progresser. Passer de Molde à un plus grand club aurait certainement signifié l’inverse pour lui. »

Voir cette publication sur Instagram

?

Une publication partagée par Erling Braut Haaland (@erling.haaland) le 31 Janv. 2018 à 10 :00 PST

Salzbourg a flairé le bon coup. Et le pari s’est avéré gagnant. Au sein du club détenu par Red Bull, Erling Haaland a déployé ses ailes, tout en maintenant le cap qu’il s’était fixé et en conservant une hygiène de vie irréprochable. Le succès ne lui est pas monté à la tête. « Son mode de vie est très professionnel pour un joueur de son âge, précise Egil Nærland. Il est très doué pour la nutrition, les habitudes de sommeil, la récupération. De nombreux joueurs talentueux arrêtent leur progression, n’avancent plus. Erling a explosé. C’est assez inhabituel. » « Ce qu’il fait sur le terrain, ce n’est pas normal », appuie Tord Johnsen Salte. La pépite révélée à Salzbourg casse littéralement la baraque depuis qu’il a emménagé dans la Ruhr. L’acclimatation à un nouvel environnement s’est opérée dans la discrétion la plus totale. Mais les effets de son arrivée sur la condition mentale des joueurs du Borussia Dortmund se fait chaque jour plus éclatante. Sa simple présence et la terreur qu’il fait régner chez la plupart des défenses, à seulement dix-neuf ans faut-il le rappeler, a permis d’insuffler une confiance énorme aux joueurs du Borussia, sûrs de leur force offensive.

>> Suivez Erling Haaland en Ligue des champions et tous les matches de la C1 avec les offres RMC Sport

Haaland rêve en anglais 

Sur ses trois dernières rencontres, Dortmund a passé quinze buts à trois formations du championnat allemand, certes pas les plus à même de contrarier les Borussen, mais tout de même. C’est une sacré avalanche que le joueur norvégien a déclenché. Il n’est bien sûr pas le seul à surnager, Lucien Favre s’appuie sur une attaque de feu, emmenée par Jadon Sancho, qui évolue actuellement à des hauteurs stratosphériques. Mais l’efficacité du Norvégien Haaland, buteur sur chacun de ses sept tirs cadrés, confère à cette équipe une assurance tous risques de nature à rasséréner tout ce petit monde. Courtisé par la terre entière cet hiver, Erling Haaland a choisi le Borussia Dortmund plutôt que Manchester United, qu’il rejoindra peut-être un jour, persuadé qu’il progresserait plus vite dans la Ruhr. Ses premières apparitions lui donnent pour l’instant raison. C’est surtout la preuve, s’il en fallait, que le jeune homme gère sa carrière de façon intelligente. Mais au fond de lui, Haaland est un homme torturé par l’insatiable soif de réussir, habité par l’envie de gagner plus que par la crainte de perdre.

Erling Haaland (en rouge) dans ses œuvres en Ligue des champions Icon Sport – Erling Haaland (en rouge) dans ses œuvres en Ligue des champions Erlin Haaland est déjà la star de la sélection norvégienne Icon Sport – Erlin Haaland est déjà la star de la sélection norvégienne

À l’instar de Kylian Mbappé, il est avide d’honneur et de reconnaissance. S’il vaut mieux se préserver des comparaisons hasardeuses, sa trajectoire rappelle à certains égards celle de l’international français. Mais l’attaquant du Paris Saint-Germain était déjà champion du monde au même âge: « Même si Erling a extrêmement bien joué en Ligue des champions, je ne pense pas que vous puissiez le comparer à Mbappé, du moins pas complètement, abonde Egil Nærland. Kylian Mbappé a joué dans les plus grands stades du monde et a remporté la Coupe du monde avec la France. Il a également évolué avec des équipes très fortes comme Monaco et le Paris Saint-Germain en Ligue 1, un championnat autrement plus difficile que la Ligue autrichienne. Si Erling continue à marquer des buts et à performer au plus haut niveau, je serai ouvert à la comparaison avec Mbappé. » Elle sera peut-être un peu plus légitime après leur duel sur la plus belle scène européenne. Surtout si ce métronome du but est à la hauteur des peurs qu’il inspire chez certains supporters parisiens.

https://rmcsport.bfmtv.com/football/je-l-ai-vu-jouer-comme-un-buteur-de-classe-mondiale-des-10-11-ans-aux-origines-du-phenomene-erling-haaland-1812673.html

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.