Sans un énorme coup de boule de Basile Boli, l’OM et le football français attendraient encore leur premier titre en Ligue des champions. Sans deux têtes de Zinedine Zidane contre le Brésil, les supporters tricolores ne chanteraient probablement pas « Et un, et deux, et trois zéro ». Dans le sillage de la Fédération américaine et plus récemment de l’Ecosse, la question de la dangerosité des têtes dans le football refait surface ces derniers jours. Interdit aux Etats-Unis depuis 2015, le jeu de tête pour les jeunes footballeurs de moins de 12 ans devrait prochainement connaître pareil destin en Ecosse.

En France, ce sujet provoque quelques interrogations chez les parents mais demeure encore trop méconnu du grand public. Pourtant, un grand travail de réflexion est effectué par les instances de la FFF auprès de médecins spécialisés.

Un danger nouveau, encore mal compris

Si la question du jeu de tête et son éventuelle interdiction auprès des plus jeunes suscitent autant de de questions, c’est parce que le sujet reste encore assez nouveau. Sans des études menées par des chercheurs écossais, le football français ne se serait peut-être pas penché sur cette problématique.

« Des chercheurs écossais se sont rendus compte que les anciens joueurs de football professionnel avaient plus de risques de développer une maladie neurodégénérative et notamment la maladie d’Alzheimer que les sujets qui n’avaient pas pratiqué le football, explique pour RMC Sport, Jean-François Chermann, neurologue et spécialiste des commotions dans le rugby et dans le football. […] Mais il faut raison garder. Il est clair qu’il y a plus de maladies neurodégénératives chez les joueurs de football professionnel. Maintenant, il faut savoir pourquoi. Est-ce vraiment dû au jeu de tête ou était-ce dû à un plus grand nombre de commotions? »

Nicolas Pallois avec le FC Nantes Icon Sport – Nicolas Pallois avec le FC Nantes

Le neurologue, référent principal pour la FFF ou encore l’équipe de France et le PSG, confirme que les instances ont lancé un profond travail de réflexion sur le sujet des têtes et des risques pour les footballeurs professionnels ainsi que pour les plus jeunes enfants.

« Il y a aussi tout un travail à faire auprès des amateurs, avec les enfants. C’est un grand chantier, poursuit encore Jean-François Chermann. Il y a beaucoup de réflexions faîtes sur ce sujet, des études sont en cours. Il faut essayer de prendre les bonnes mesures sans trop dénaturer le jeu. »

La protection des jeunes footballeurs, un chantier prioritaire

Très marqués par les nombreuses commotions dans le football américain, les Etats-Unis ont rapidement pris les devants autour de cet épineux sujet. Lors de la finale de la Ligue des champions 2018 entre Liverpool et le Real Madrid, l’Allemand Loris Karius a subi une commotion en plein match après un choc avec Sergio Ramos sur un duel aérien.

En France, pourtant, la problématique nouvelle ne semble pas encore provoquer une très grande peur chez les parents, les éducateurs ou même chez les enfants pratiquant le football. « Cela ne m’inquiète pas mais cela suscite une interrogation. Je suis assez surprise que cela ne ressorte que maintenant alors que cela fait un petit moment que l’on joue au foot, avance Doris, maman d’un jeune garçon évoluant au club du FC Gobelins à Paris, au micro de RMC Sport. On s’en serait aperçu avant s’il y avait eu quoi que soit. C’est peut-être à creuser mais cela ne m’inquiète pas plus que cela. »

Un son de cloche partagé avec innocence par l’un des enfants du club parisien: « Je suis défenseur et quand il faut mettre la tête, je le fais. J’aime ça. »

Des enfants à l'entraînement au FC Gobelins DR RMC Sport – Des enfants à l’entraînement au FC Gobelins

Mais du côté des éducateurs et entraîneurs, on prend à cœur ce sujet. Même si les plus jeunes footballeurs ne se montrent pas forcément les plus grands amateurs de jeu de tête. « Cela reste rare de voir les enfants mettre la tête. Même sur les corners, ils préfèrent mettre le pied, affirme Abderrahmane Diakité, l’entraîneur des U8 et U9 du FC Gobelins. Sur seize enfants, j’en ai peut-être deux qui utilisent la tête lors des séances. […] C’est rare de faire des ateliers spécifiques sur le jeu de tête. »

Pas une interdiction mais des évolutions

Entre prise de conscience des instances, changement des mentalités chez les parents ou chez les entraîneurs, la question des têtes dans le football ne devrait pas être réglée rapidement. Si des partisans d’une interdiction totale existent, des solutions plus mesurées demeurent une possibilité pour limiter les risques.

« Il faut peut-être faire des recommandations et faire des têtes avec des ballons moins gonflés. Il faut probablement autoriser les têtes pendant les matchs mais pas lors des entraînements, propose Jean-François Chermann. Il faut aussi renforcer la musculature du rachis cervical afin d’avoir moins de risques de voir le cerveau brinquebalé dans la boîte crânienne. »

Le belge Alessandro Ciranni en train de se faire soigner une blessure à la tête Icon Sport – Le belge Alessandro Ciranni en train de se faire soigner une blessure à la tête

Selon le célèbre neurologue, le développement du cerveau chez les enfants doit être protégé mais selon lui, cela ne suppose pas une interdiction totale. A l’instar de David Moyes à West Ham, il y a peut-être aussi des études à mener au niveau des ballons eux-mêmes. A défaut d’empêcher totalement le jeu de tête, il faudrait utiliser des ballons plus souples et moins gonflés.

Appliquer le principe de précaution auprès des plus jeunes, afin de limiter le nombre de têtes et les risques pour l’organisme, reste un élément important de la réflexion à mener. Mais pour autant, il ne faut pas dénaturer le football. Et comme l’affirme le jeune Ibrahim, un autre enfant du FC Gobelins, « si on ne joue pas le ballon avec la tête, c’est avec la main… »

https://rmcsport.bfmtv.com/football/les-tetes-dangereuses-pour-la-sante-un-grand-chantier-pour-le-foot-1842417.html

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