Aujourd’hui considéré comme l’un des meilleurs rugbymen du monde, le trois-quarts toulousain, Cheslin Kolbe, a vécu une enfance difficile dans une banlieue du Cap: « Les batailles entre différents gangs, c’était tous les jours », se souvient le champion du monde sud-africain.

C’était comment de grandir à Kraaifontein, dans les faubourgs du Cap ?

Il y avait pas mal d’obstacles: c’est une communauté connue pour le banditisme, la pauvreté, la drogue, l’alcool… C’est un endroit dont les gens n’entendent pas tellement parler, à part quand il se passe quelque chose de grave. Moi, j’y ai appris à prendre de meilleures décisions, pour moi et ma famille, pour essayer de devenir un modèle pour les jeunes de cette communauté. Quand j’étais enfant, dans les rues, on jouait et on entendait des coups de feu. Les batailles entre différents gangs, c’était tous les jours. On s’y habitue à force, mais si j’y repense maintenant, ça fait peur… Ce n’était pas une enfance facile mais je ne changerais rien.

Quelle est l’importance de vos parents ?

Mes parents m’ont permis d’éviter les problèmes. Ils ont été de vrais modèles. Mon père, notamment. Il était fan de rugby, il jouait aussi. Je le suivais à l’entraînement, j’allais le voir aux matches. Ils m’ont gardé sur la bonne voie, en m’empêchant de faire des bêtises ou de prendre des décisions que j’aurais pu regretter. Mes parents n’ont pas eu une vie facile, ils se sont sacrifiés pour ma soeur et moi. Ils ont travaillé sept jours sur sept, en faisant de longues journées. Ils rentraient tard le soir, ils faisaient des heures supplémentaires pour pouvoir nous nourrir et m’aider à jouer au rugby, à aller à l’école… Mon père avait des horaires de bureau, mais il ne s’arrêtait jamais. Même maintenant, je pense qu’il ne prendra pas sa retraite! Je ne sais pas d’où il tire cette énergie! Mes parents avaient du travail et certains ont sans doute pensé que j’avais tout mais ce n’était pas comme ça. Ils ont fait tout ce qu’ils pouvaient pour nous. Certains de mes amis ont fait des mauvais choix de vie et se sont retrouvés dans des gangs ou accros à la drogue. Certains sont morts aussi.

Vous n’en avez pas marre qu’on vous parle de votre taille (1,71 m) ?

(Rires) Si, un peu. Aujourd’hui encore, mes amis m’envoient des captures d’écran, les gens attendent la première erreur pour me sauter dessus. J’ai compris très jeune que j’allais devoir faire avec: je ne suis pas le plus grand sur un terrain, à moi de bosser sur mes forces, mes qualités de vitesse, mon jeu de jambes… Je pense vraiment que le rugby est fait pour tout le monde, peu importe votre taille, du moment que vous croyez en vous.

Quelle est l’importance des Springboks pour vous ?

C’était un rêve. Devenir un Springbok, c’est le but de tous les gamins en Afrique du Sud. Mais j’ai dû faire face à pas mal de défis : on m’a longtemps dit que je n’y arriverai jamais, il y avait beaucoup de négativité. On m’a dit que je ne deviendrai jamais pro, que je ne pourrai pas affronter des joueurs plus costauds, que je ne pourrai jamais représenter mon pays… Je savais ce que je voulais et j’ai travaillé dur. En 2018, quand j’ai eu la chance de porter le maillot des Springboks pour la première fois, c’était incroyable ! Un vrai soulagement. J’ai pensé à mon père, je me suis revu à 13 ans, en train de rêver, sans savoir ce que mon avenir me réservait, sans savoir si j’allais manger chaud ou avoir un toit au-dessus de la tête…

Vous vous plaisez à Toulouse ?

C’est une ville géniale ! Ma deuxième fille, Malia, est née ici, c’est un endroit spécial pour moi. Tout le monde est si gentil. J’en avais entendu parler avant d’arriver, on m’avait prévenu que les gens étaient supers, que j’allais me régaler. La ville, les supporters, le club… Tout est incroyable. Le club a toujours été là pour moi et ma famille. C’est un club spécial. Je n’ai jamais vu de tels fans ! Ca me donne envie de donner mon maximum sur un terrain. Je me souviens du titre de 2019: l’ambiance en ville était folle, ce n’était pas loin de ce que j’ai vécu lors de la victoire en Coupe du monde ! La ville était en rouge et noir, les gens étaient fous! J’espère pouvoir remporter le Top 14 et la Coupe d’Europe.

Mathieu Idiart avec AFP Journaliste RMC Sport

https://rmcsport.bfmtv.com/football/toulouse-les-gangs-c-etait-tous-les-jours-kolbe-raconte-son-enfance_AD-202105040162.html

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.