« Il a encore quelques lapsus. » Forcément, tout le monde a noté dans les conférences de presse de Rudi Garcia ou lors de « discussions privées » qu’un « M » remplace parfois le « L » quand il s’agit de parler de l’OL. « Mais c’est normal et compréhensible », ajoutent immédiatement les purs « Lyonnais », à l’écoute attentive du nouvel homme fort des Gones. Lui-même, très habile communiquant, ne s’est pas fait prier pour en une phrase, discrète après un tel lapsus, rebondir en s’excusant sur le mode que cela arrive à tout le monde d’avoir la langue qui s’embrouille sur une lettre, surtout quand on a habité dans la maison d’en face pendant quelque temps. Mais à Lyon, on ne s’arrête pas à cette lettre et on insiste désormais sur les chiffres: ces sept points pris sur neuf en championnat et cette grande avancée en Ligue des champions. Grâce au succès obtenu dans la semaine face au Benfica (3-1), une place en huitièmes de finale se dessine à la sortie de l’hiver.

Il a bougé les lignes

Son nouveau boss, Jean-Michel Aulas, résumait ainsi sa pensée mardi dans l’After Foot, délocalisé pour l’occasion à Lyon: « Le bon choix de nommer Rudi Garcia? On ne sait jamais, on verra à la fin du championnat. (…) La réaction est intéressante. J’entends dire des choses sur ce choix mais nous étions quatre à essayer d’apporter une solution. Il aurait fallu être maso pour ne pas prendre la décision qui s’imposait aux yeux de tout le monde. Garcia nous a fait très bonne impression, Rudi est un homme d’action, on avait besoin de quelqu’un qui serre la vis. (…) L’apport de Rudi, grâce à son expérience, démontre qu’il est dans le vrai ». Car personne ne nie cette forme de « sidération » et cette interrogation que tout le monde s’est posée au moment de la nomination de Garcia, façon « Mais comment lui qui a tant bataillé contre notre institution peut-il être choisi? »

Un petit mois plus tard, le constat en interne se fait plus objectif: « Une fois enlevé le subjectif de son passé « marseillais », il faut voir le technicien de façon objective, qui a réussi à Lille et à la Roma. Il a bougé les lignes à l’intérieur. » Il y avait aussi les interrogations intimes de toutes les composantes du staff: va-t-il venir avec beaucoup d’adjoints? Si oui, quelles vont être les charges de travail réparties? Tout cela se met en place peu à peu et la future trêve internationale, après le match de Marseille dimanche (21h), permettra sûrement de nouvelles discussions pour une meilleure répartition des rôles. Forcément, les membres du staff avaient dû apprendre à travailler avec Sylvinho en juillet. Il leur a fallu se remettre à « gagner sa confiance » en octobre. Une double dose de remise en cause en trois mois qui, évidemment, bouscule. Mais tout le monde avait intérêt à ce que cela se passe bien sportivement parlant, la maison OL étant mal à son arrivée.

Directif sans être trop envahissant

Tout le monde a donc œuvré dans le bon sens. Et puis, beaucoup se souviennent de cette phrase, comme un élément de langage, lancée à la conférence de presse d’intronisation et qui a (presque) tout fait pardonner: « J’étais un peu seul pour défendre l’institution OM à ce moment-là. » La fameuse « institution » est un élément de langage important entre Rhône et Saône. Une phrase en guise de visa au moins temporaire. « Nous sommes dans un fonctionnement made in Ligue 1 », a résumé de son côté Lucas Tousart, le milieu lyonnais invité à commenter ce qu’a apporté son nouvel entraîneur après la victoire contre Metz (2-0). « Le groupe a trouvé son boss, son guide, son n°1 », précise un élément important du groupe qui apprécie le cadre mis en place par l’ex-coach de l’OM dans la foulée du court bail de Sylvinho, issu d’une autre culture (brésilienne) et d’un autre mode de fonctionnement (en sélection).

Les entretiens individuels menés par Garcia dès son arrivée ont été une vraie source de régénération pour les joueurs qui ont apprécié ce mode de découverte en tête à tête. Il a également insisté sur la remise en place des amendes, l’interdiction du téléphone portable dans certaines zones et instants de vie, instaurer des plans de jeu et relancer quelques joueurs en perdition. Lui qui a tout fait en accéléré – il est arrivé à une période où le club disputait un match tous les trois jours – a réussi son examen de passage. « Son atout? Sa philosophie de jeu, de possession, de mouvement est celle de l’OL. Il a très vite pris la mesure des problèmes tactiques et techniques à régler, il est allé à l’essentiel », commente-t-on à Lyon parmi les techniciens qui suivent de près le club. L’OL a trouvé un patron, un chef, vu comme directif mais qui n’impose pas une rigueur trop envahissante. Les mises au vert sont revenues mais pas systématiquement.

Il a paré à l’urgence au niveau tactique

Garcia alterne en innovant aussi au niveau des réveils musculaires qui ont remplacé les traditionnelles « balades » de la fin de matinée quand les matchs sont en soirée. « Une main de fer dans un gant de velours », résume un agent. Beaucoup reconnaissent à Garcia cette faculté à montrer qu’il est le boss sans excès d’autoritarisme, avec beaucoup d’échanges et en arrondissant les angles. Habitué à la Ligue 1 et fort d’une précédente expérience, il a paré à l’urgence et au plus pressé au niveau tactique. Là où Sylvinho avait martelé qu’il ne vivrait qu’avec un 4-3-3, tout en changeant au bout de trois matchs, lui est allé à l’essentiel avec son 4-4-2 monté pour mettre en évidence « sa » star, Memphis Depay qui le lui rend bien avec cinq buts sur ses quatre derniers matchs. Il a paré à l’urgence dans un club qui était 14e de Ligue 1 à son arrivée le 14 octobre. La mayonnaise a pris avec celui qui est toujours « cash avec les joueurs qui ont donc envie de lui rendre quelque chose et tout le monde sait qu’il sait faire dans ses premiers mois », selon le proche d’un joueur.

Rud Garcia ICON – Rud Garcia

D’autant que Garcia, directif, a pris à bras le corps toutes les composantes du club. Il se fait toujours siffler par une partie du public public, mais qu’importe. Il ne se départit pas de son énergie et de son dynamisme. « J’ai envie de rendre la confiance que vous me donnez », lançait-il ainsi à Lisbonne à un dirigeant historique de l’OL qui lui propose ses services s’il a des questions à poser sur le fonctionnement du club et/ou de la ville. Lorsqu’ils le croisent, beaucoup de dirigeants lui demandent s’ils peuvent l’aider. Des gestes appréciés par Garcia, qui a reçu de vrais coups de mains pour accélérer son intégration. Ce travail invisible a été payant. Car l’ancien technicien lillois sait où il a mis les pieds tout en étant bluffé par ce qu’il découvre. Il ne pensait pas le club aussi structuré, la cellule médicale mise en place par Christophe Baudot aussi efficace dans la prévention des blessures, les joueurs aussi bosseurs et les cadres aussi charismatiques.

Intégrer les jeunes, un défi de taille

Il hallucine aussi par les habitudes lyonnaises, à commencer par la présence de VIP après le match dans le vestiaire. Lui préfère rester dans son bureau à cet instant. Mais malin, il ne commet pas la faute originelle de Claude Puel qui, en 2008, avait pris comme première décision d’envergure, s’attirant ainsi les foudres des caciques pendant plusieurs mois, de virer les membres historiques du comité de gestion lors des après-matchs. Tous les interlocuteurs s’accordent sur un point: Garcia est malin, très bon communicant et « sait y faire ». Bref, il est rapidement devenu un « vrai » Lyonnais: habile, diplomate et avec une place « centrale » au cœur du navire qu’il a remis en marche. Maintenant, il va devoir faire passer un cap à l’annexe de l’équipe de France espoirs (24 ans de moyenne d’âge face à Lisbonne) et intégrer les jeunes de l’académie, en dehors de son joli coup de communication interne avec l’intégration et les premières minutes en professionnel du très prometteur Rayan Cherki, le 19 octobre contre Dijon.

« Il va être jugé sur la capacité à faire débuter quelques jeunes tel que Melvin Bard (arrière gauche), Maxence Caqueret (milieu) et Amine Gouiri (attaquant). Il n’y en a pas beaucoup qui peuvent passer le cap, ils sont bien ciblés », décrypte un agent. Va-t-il réussir sur cette partie de l’ADN OL? Comment va-t-il s’y prendre? Il sera jugé au début de l’année 2020 sur ce point, surtout en interne. Mais à Lyon, une phrase est presque écrite au fronton du musée du club. Elle a été prononcée par Jacques Santini: « Un entraîneur est un homme de résultats. » Le redressement, c’est maintenant. Et le prolonger par une victoire supplémentaire, qui plus est au Vélodrome, sera toujours son meilleur allié.

https://rmcsport.bfmtv.com/football/om-ol-comment-garcia-se-fait-adopter-par-les-lyonnais-1802102.html

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